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Grandes Conférences du Musée de l'Europe

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dimanche 2 décembre 2018

Il y a 9 ans : Crises mondiales et mouvements sociaux

On m’a demandé d’intervenir sur la question de la crise mondiale et dans l’avion j’ai lu le Wall Street Journal qui nous informe qu’en 2009 les «Banques renouent avec le profit». En gros pour le secteur bancaire, la crise est terminée. Le seul bémol est qu’ils n’osent pas trop le dire, c’est encore dans ce journal, «de peur des réactions populaires». Tout est dit finalement. L’une des originalités de cette crise est qu’elle a frappé les riches. Et quand les riches sont en crise, ils ont les moyens de se faire entendre. C’est la différence avec les pauvres qui, eux, sont en crise tout le temps mais n’ont pas ces moyens. Il faut une étudiante en sociologie de l’Université de Ouagadougou qui a fait sa maitrise sur «les conséquences de la crise climatique sur l’artisanat féminin dans des villages burkinabè», un travail très intéressant, pour être informé d’une crise qui ne sera pas discutée au G20. Sans doute pas non plus au Forum Mondial, si personne ne fait ce qu’il faut pour cela. Or, c’est une crise comme une autre.

(Ce texte est la synthèse abrégée de deux interventions données à Bamako et à Ouagadougou en 2009 aux “colloques des Sans-Voix” en soutien aux luttes locales)

Il est intéressant de se pencher sur le passé et j’ai trouvé par hasard un bulletin de la chambre de commerce belge à Istanbul de 1932 qui incitait à investir dans la publicité :”Pourquoi faire de la publicité, pourquoi dépenser de l’argent dans ce temps de crise générale? Pour le regagner au centuple demain”. C’est exactement ce que font les banques et les milieux d’affaire aujourd’hui, pas du tout pour régler les problèmes des populations générés par leur crise... Dans cette affaire, des millions d’Américains moyens, et - on ne le dit pas assez, une majorité de ménages noirs, souvent salariés, qui ont été exploités comme un gisement minier par les courtiers en subprimes parce qu’ils étaient exclus des prêts au logement classiques par le système bancaire américain - ont perdu leurs maisons (En Belgique, la banque Delta Lloyd vient d’annoncer qu’elle allait fermer les compte de ses clients ne disposant pas de 70 000 € d’épargne, les dirigeant vers le «phone banking», le genre de services avec lequel les banques fusionnant avec les multinationales des télécoms entendent aussi faire les poches du dernier habitant de la planète sous couvert de micro-épargne/finance/assurance.) Les maisons sont vides et les gens sont dans la rue. Cela veut dire que le règlement de la crise, en l’occurrence la crise du logement, n’est pas du tout l’objectif qui est recherché, c’est la crise des profits qui est importante à régler. Une partie de la classe des riches est ainsi en mesure d’imposer à l’ensemble de la population de la planète ses propres intérêts. Après avoir imposé la déréglementation financière aux États, s’enrichissant dans des proportions colossales tandis qu’elle appauvrissait l’ensemble de la population, cette classe a fait péter la banque comme au casino et a eu la possibilité de mettre un revolver sur la tempe des États pour qu’ils garantissent leurs dettes et fournissent de l’argent frais à profusion (immédiatement utilisé pour spéculer à crédit, y compris en Afrique, sur le foncier et les denrées alimentaires, mais aussi... contre les États qui les avaient renfloués aujourd’hui victimes du syndrome de Stockholm). Et la dette de l’Europe est aujourd’hui aussi artificielle et illégitime que la dette de l’Afrique. Avec les mêmes conséquences - ironie de l’Histoire! - FMI, ajustement structurel.

Revenons encore dans le passé. J’ai trouvé à la bibliothèque universitaire de Ouagadougou, une excellente thèse intitulée “La crise économique de 1929 en Haute-Volta” (Université de Nice, 1988.) C’était un peu émouvant parce que l’auteur, Pierre Picabia, explique très sobrement les difficultés qu’il a eues dans son travail de thèse, rédigé dans la pauvreté. Je ne pense pas que je puisse très bien mesurer ce que c’est d’être un étudiant africain pauvre à l’Université de Nice... Il est quand même arrivé au bout de ce travail qui est extrêmement intéressant. Il montre d’abord que le discours sur la crise est monopolisé par d’un côté l’administration coloniale et de l’autre par les maisons de commerce. Tandis que la masse des dominés colonisés, des paysans et des ouvriers agricoles est sans voix. On peut faire le parallèle avec les États-Unis à la même époque: dans les journaux on n’y parle pas du problème du chômage avant 1932, et c’est l’occupation des bureaux de bienfaisance par les mouvements de chômeurs qui déclenchera enfin, sous la pression de ces mouvements populaires, le vote d’un système d’aide fédéral. Picabia note :“de même qu’en temps de crise les plus petits sont les plus sacrifiés et exposés, il ne faudra pas non plus attacher d’importance outre mesure aux solutions de rechange sinon qu’elles visent à consolider les superstructures en place, piliers du système. En gros, c’est de réformes qu’il s’agira... C’est dire aussi que la crise n’aura été qu’un lent processus d’intégration du paysan et de l’ouvrier dans le développement du système capitaliste en Haute-Volta.” En effet, suite à la crise, la Haute-Volta fut déclarée en faillite comme un simple établissement commercial et elle a temporairement disparu, répartie entre la Côte d’Ivoire, le Sénégal et l’actuel Mali. Cet exemple suggère que tous ceux qui nous disent aujourd’hui que la crise du capitalisme annonce la fin du capitalisme en seront peut-être encore pour leurs frais, puisqu’on voit que dans ce cas historique, la crise a permis de remplacer un système d’exploitation qui ne marchait pas par un modèle qui marche. Et donc, cela doit nous faire réfléchir au sujet de toutes les “solutions” qui vont être proposées, notamment pour l’Afrique, qui sont le fait bien évidemment des milieux dominants d’affaire et visent à extraire des profits de l’Afrique dans une période de crise. Si vous lisez la presse économique spécialisée, depuis plusieurs années, on y décrit le continent comme le dernier eldorado du profit. Les lobbies patronaux planifient déjà leur “stratégie pour le développement” (de leurs profits) pour les 50 prochaines années. Ils ont créé leurs propres ONG pour s’asseoir à la table des Nations-Unies, par exemple le World Business Council for Sustainable Development, et sont passés maîtres dans l’OPA sur les mouvements progressistes à travers des chevaux de Troie comme le développement durable ou la micro-finance (déjà largement titrisée comme l’étaient les subprimes, ce qui ne l’empêche pas d’être portée aux nues comme “solution miracle” y compris par certains altermondialistes).

Revenons à Pierre Picabia. Au sujet des petits paysans, il note : “en tant qu’élément moteur de la production, le paysan est à tout égard le porteur du fardeau de la crise. Toutes charges lui sont imputables. Retracer la vie quotidienne du paysan voltaïque pendant la crise, c’est élever le débat mais aussi prendre fait et cause pour ses aspirations et leur donner une signification. En quoi nous rendons justice à un des aspects très souvent oublié, sinon négligé dans les recherches, soit par solution de facilité, soit par simple occultation.” Un autre étudiant burkinabè a travaillé sur une autre crise, celle consécutive à la dévaluation par la France du CFA. Il s’est intéressé à l’évolution qui s’en est suivie des dépenses des ménages dans la ville de Ouagadougou. C’est un travail qu’il a fait avec de petits moyens, en administrant un questionnaire à 80 personnes, mais il n’oublie pas lui non plus pourquoi il travaille. Il ne travaille pas pour proposer une solution et devenir un expert au service de la prochaine réforme du capitalisme et il note dans sa conclusion: «mais derrière la froideur des statistiques et l’espèce d’accoutumance qui semble s’y faire, c’est un véritable désastre humain qui est vécu par certaines populations. Avec son lot d’épisodes parfois insoutenables, comme celui de ce père de famille qui s’est pendu haut et cours dans le mois de mars 2001, dans une de nos provinces, pour ne pas assister impuissant à l’extermination de sa famille par la famine.” Voilà des choses qui sont dans les mémoires soutenus à l’Institut de sociologie de Ouagadougou et qui sont de véritables paroles de sans-voix. Un institut très pauvre en livres, mais très riche en travaux.

Dans un tel monde, comment espérer éviter les conséquences annoncées pour l’Afrique du réchauffement climatique ? Annoncées ? On voit bien que c’est un Européen pas trop touché qui parle. Si je sors de Ouagadougou ou de Bamako, je suis sûr qu’on me dira que cette crise, comme dans le cas des potières Burkinabè, est là depuis longtemps. Et si d’aventure on me “consultait”, moyennant titres et prébendes, ce qui ne risque pas d’arriver, sur un certain nombre de ces questions, il y a de fortes chances que j’aurais peut-être un peu tendance à les oublier, les potières burkinabè... Selon le PNUD, “90% de la paysannerie africaine ne pourra plus rien cultiver à l’horizon 2100”. 22 États africains sont considérés en risque extrême alors que le plus gros pollueur mondial, les États-Unis, 50% des émissions de gaz à effets de serre, est tout en bas des pays à risque du point de vue du réchauffement climatique. Il est donc évident que cet État et quelques autres ne vont rien faire ou faire le moins possible pour y changer quelque chose et vont même y trouver des opportunités de profit à travers l’extension du capitalisme à de nouveaux territoires, géographiques et sociaux. Donc, comme disent les paysans rwandais, “si nous ne nous débrouillons pas nous-mêmes en nous réunissant. C’est fini.” Alors je crois que ça introduit bien à la question “pourquoi les mouvements sociaux sont-ils nécessaires?” et cela quels que soient les changements politiques que nous espérons pouvoir vivre.

Les mouvements sociaux, ce sont des mouvements de lutte, c’est à dire que quand ils sont confrontés à un problème de logement par exemple, de gens qui n’ont pas de toit, et bien leur objectif est que ces gens en aient un. Et que ce qu’on ne leur donne pas, ils le prendront. Quitte à occuper les maisons vides etc. Ils ne vont pas dire comme les bien-pensants décorés de toutes les vertus et des connaissances progressistes et alternatives “oh comme c’est regrettable, mais malheureusement on n’y peut rien dans l’immédiat à votre cas particulier.” Non, parce que si on se bat, on y peut plus qu’un peu, et dans ces combats qui sont porteurs de solutions nées de la connaissance du terrain, tous les soutiens, si rares, seraient les bienvenus. Mais je pense que pour le vouloir, pour vouloir qu’un certain nombre de personnes concrètes ne soient pas déguerpies ou trouvent un toit, il faut peut-être avoir été déguerpi soi-même. Comme le dit Koné Massa de l’Union des Démuni(e)s du Mali :“la différence, c’est que nous sommes des victimes.” Ce qui est très différent de ceux qui, d’une certaine façon, mangent grâce au “problème du logement” et aux crises en général, autrement dit ceux qui “ont le papier” ou aujourd’hui internet.

C’est un peu le problème de la petite-bourgeoisie intellectuelle et je m’inclus bien sûr dedans en tant que diplômé chômeur. Mais à partir du moment où les classes moyennes sont menacées par la rapacité capitaliste, des alliances sont possibles avec les mouvements de base. Encore faut-il accepter quelques spécificités de ces mouvements. Dans un livre paru en 1978, “Les mouvements de pauvres, pourquoi ils gagnent, comment ils échouent”, deux sociologues, Frances Piven et Richard Cloward s’interrogeaient sur le manque de soutien des intellectuels de gauche aux mouvements de pauvres. «Les gens ne vivent pas l’expérience de la dépossession, écrivaient-ils, comme le produit final de processus abstraits et à grande échelle et c’est l’expérience quotidienne qui dirige leur colère vers des revendications spécifiques et des cibles qui ne le sont pas moins.... Ils ne la vivent pas comme une expérience du capitalisme monopolistique. Il ne faut donc pas s’étonner que quand les pauvres se rebellent, ils le fassent si souvent contre leurs contre-maitres, leurs marchands de sommeil, leurs épiciers et non pas contre les banques ou les élites gouvernantes auxquels ces derniers sont soumis.” Les intellectuels leur reprochent donc d’attaquer les mauvaises cibles. “Soutenir les luttes locales, ce serait du saupoudrage, ce que veulent les gens, c’est une perspective politique” a-t-on ainsi entendu à Bamako lorsque s’est posée la question du financement des caravanes de “sans” en route vers le FSM... Quelques années plus tôt, à Nairobi, ce point de vue sur les mouvements de base qui protestaient contre un FSM bien peu inclusif s’exprimait ainsi dans la bouche d’un universitaire kenyan :“Ce sont des idéologues, nous sommes rationnels.” Pourtant en période de crise, ces mouvements ont prouvé qu’ils pouvaient faire advenir des avancées à portée universelle. C’est ainsi que ce sont largement des familles maliennes qui, en campant sur les trottoirs de Paris dans des conditions extrêmement difficiles, et avec y compris le retentissement international que ça a eu, ont conduit à l’inscription dans la Constitution française d’un “Droit au logement opposable” qu’il reste à faire appliquer. Car comme le notent nos auteurs, l’une des stratégies des pouvoirs consiste bien souvent à mettre en place des programmes qui font semblant de répondre aux besoins des pauvres pour les priver de leurs soutiens dans les classes moyennes intellectuelles. Et il ne faut pas non que les jeunes intellectuels contestataires reproduisent le système en se mettant à la place des experts qui les ont précédés pour faire exactement la même chose, voire pire, en apportant la couleur progressiste acquise au contact des luttes, au service de la domination (c’est ce qui s’est passé après 1968 en France, mais aussi dans une certaine mesure après les Indépendances.) Nous qui avons «le papier», comme celui qui a retranscrit ces propos de paysans rwandais qui sont «le cul du monde», des propos qui sont vraiment la voix des sans, nous devons tenir le stylo et la caméra, être les porte-plumes et les porte-voix, comme au temps des cahiers de doléances, chercher toutes les voix et en faire quelque chose qui crie suffisamment fort pour qu’enfin ça s’arrête...

Mais ce n’est pas nous qui pourrons crier suffisamment fort et, quelque part, ce n’est pas tout à fait nous qui avons intérêt à ce que ça s’arrête..

Le Concierge

vendredi 13 avril 2018

Il y a 13 ans : La réforme du chômage en perspective européenne

Nous republions ce texte issu d'un exposé donné au Cinéma Nova en 2005 dans le cadre d'une réunion sur la précarité et d'une intervention devant les étudiants marseillais mobilisés contre le CPE et réactualisé en 2012. Car il fut une époque où en période d'occupation des Facultés, des intervenants venaient parler d'autre chose aux grévistes que de leur nombril, et où ceux-ci n'écoutaient pas les nouveaux faux impertinents sagement assis en amphi pour faire la claque comme sur les plateaux dont ces "mauvais maîtres" sont si friands...''

Le Concierge

Belgique : Le nouveau train de réformes notamment du chômage décidé par le « gouvernement papillon » (dirigé par le socialiste Di Rupo) prend prétexte de la crise pour en précipiter l'urgence. Y-a-t-il un lien entre ces mesures et la crise?

Il suffit de consulter le dernier rapport disponible remis par la Belgique à la Commission européenne au titre du suivi de la « stratégie européenne pour l'emploi » mise en place par les accords de Lisbonne (voir plus bas) pour conclure qu'il n'en est rien.

«Never waste a good crisis»

Herman Van Rompuy, Bozar, 23/01/2012

Ce rapport [1] date en effet de 2007, soit avant la crise (de la finance privée). Le portrait de l'économie belge qui y est donné est le suivant :

« La croissance 2006 est vigoureuse et équilibrée; elle n'a jamais été aussi élevée au-cours de ces six dernières années (…) Alors que le nombre de chômeurs avait encore augmenté de 20 000 unités en 2005, ce dernier a diminué de 8 000 unités sic en 2006, et ce depuis la première fois depuis 2001, il devrait enregistrer une diminution de 39 000 unités en 2007 (…) Depuis 2000, la Belgique a clôturé des budgets successifs non déficitaires. De ce fait, la dette publique, l'un des points névralgiques cruciaux de la Belgique, a continuellement diminué en tant que pourcentage du PIB. Alors qu'elle s'élevait encore à 137% du PIB en 1993, elle a chuté à 87% en 2006 et devrait poursuivre sur la même voie en 2007 pour descendre à 84% du PIB ».

Autrement-dit, il n'y avait pas de crise et l'endettement était sous contrôle. Quelle était dans ce contexte la « stratégie pour l'emploi ? » :

«Les autorités fédérales ont renforcé le lien entre le droit à une allocation chômage d'une part et l'intensité et le sérieux de la recherche d'un nouvel emploi par le chômeur d'autre part. La conjonction de tous ces efforts se traduira par un afflux accru vers le travail, et, partant, d'une approche renforcée en matière de droits et de devoirs, par la perte des indemnités de chômage pour un groupe restreint de chômeurs récalcitrants (…) La pression fiscale a également été réduite pour les travailleurs salariés, en particulier pour ce qui est des revenus plus bas, ce qui rend plus attrayant la transition de l'inactivité vers un travail faiblement rémunéré. Pour ce qui est de ce groupe, la forte croissance du régime des titres-services, essentiellement pour ce qui est du travail ménager, a créé des emplois dans le circuit officiel».

La stratégie était donc la même qu'aujourd'hui : développement de l'emploi sous-payé par le chantage à la suspension des allocations chômage. Et cela hors de tout contexte de crise. En fait, la déréglementation du marché du travail dont la « réforme de l'assurance chômage » est un verrou stratégique à faire sauter s'inscrit dans un véritable projet de société européen mis en œuvre:

– par la Commission européenne dans son domaine de compétence – à travers la coordination des politiques des États membres dans le cadre d'un programme connu sous le nom d'« agenda de Lisbonne ». Ce programme vise à faire de l'Europe « la société de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ».

L'agenda de Lisbonne prévoit des mesures aujourd'hui bien avancées :

– la libéralisation du marché du gaz et de l'électricité – la libéralisation du rail, des télécommunications, des services postaux – « la réforme structurelle urgente » des marchés du travail, des retraites et de la sécurité sociale.

C'est dire que la plupart des mouvements sociaux que les États membres ont connu depuis 2000 sont liés à l'agenda de Lisbonne.

La vision de la société européenne de la Commission et de ses inspirateurs

La Table ronde des industriels européens (ERT) [2] est un groupe de pression associant les plus grandes entreprises européennes au niveau de leur PDG mis en place à la demande de la Commission européenne elle-même afin de pouvoir s'appuyer dessus pour forcer la main aux États, on lui doit notamment le marché unique et l'euro et ce fut l'un des principaux promoteurs de l'« agenda de Lisbonne ». On lisait en 1998, dans un des rapports de ce lobby intitulé : « La création d’emplois et la compétitivité par l’innovation », le portrait d’une économie en pleine ébullition, offrant « un flot incessant de produits et de services toujours plus récents, plus performants ou moins chers qui, constamment, rendent les produits plus anciens, moins performants, voire obsolètes – de même que les emplois qui y sont liés. » L’adaptation à ce processus de « destruction créative » doit se faire à tous les niveaux de la société : chez les gouvernements, les entreprises quelle que soit leur taille et les particuliers, car, « lutter contre la restructuration revient simplement à faire obstacle au changement et à la création d’emplois. »

C'est le projet de société de la « société de la connaissance la plus compétitive du monde » avant l'heure. En prime, on y gagnera le « développement durable », puisque, en caricaturant à peine, tous les deux mois on pourra mettre un produit polluant à la poubelle pour le remplacer par un produit moins polluant (c'est l' « éco-efficacité »).

Autre façon de le dire, c'est le président de la Commission José Emmanuel Barroso [3] qui parle:

« La route est longue, mais je suis optimiste par nature. Je crois fermement qu'il y a un potentiel dans chaque citoyen européen, qui n'attend qu'à être débloqué. Il me semble que c'est une erreur de penser que les européens sont réticents face à l'innovation, refusent le risque et doivent être d'une façon ou d'une autre forcés à abandonner les modes de vie et de travail existant. Regardez le téléphone mobile qui doit son succès à la combinaison d'une technologie conviviale et à la concurrence entre les fabricants, mais aussi à la demande des consommateurs européens. Grâce à eux, l'Europe est devenue leader dans ce domaine. Ou regardez les compagnies aériennes low costs, sur lesquelles se sont jetés des citoyens affamés de mobilité, et qui dans le même temps ont créé un marché et de nouveaux emplois qui n'existaient pas avant [4]

En gros, si les compagnies low costs ont des passagers, et le téléphone portable des utilisateurs, c'est un genre de référendum pour “la société de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde”, les emplois précaires et la flexibilité... Il va de soi que les citoyens européens qui ne sont pas adeptes de cette forme de “déblocage” de leur “potentiel” sont des réactionnaires qui refusent le progrès. C'est encore M. Barroso qui parle, cette fois-ci devant le “Conseil de Lisbonne”, autre lobby bruxellois : “Si le vieux marché unique ne fournit pas toutes ses potentialités en terme de croissance et d'emploi c'est largement à cause du succès de la défense d'intérêts établis au détriment des intérêts de la société entendue au sens large.”

Et le rôle de la Commission est de défendre cet “intérêt général”, contre les intérêts nationaux, forcément étroits et catégoriels. Donc tout ce qui est une spécificité nationale, et notamment tout ce qui a à voir avec les acquis des luttes sociales du passé, est défendu par des réactionnaires. Alors que les révolutions conservatrices précédentes développaient un mythe du passé à rétablir, la révolution conservatrice se range du côté du progrès contre l'archaïsme, avec le mythe de la révolution (technologique) permanente.

Vision qui était celle du Pt de l'ERT d'alors, Gehrard Cromme (PDG de Thyseenkrupp) invité à s'exprimer lors d'un conseil des ministres informel à Maastricht en 2004. Pour l'ERT, il existe une « nouvelle Europe à deux vitesses » clivée entre les gouvernements exclusivement tournés vers les besoins de l’économie et ceux qui persistent à poursuivre « des objectifs nationaux ou politiques [5] »

Un agenda “social” pour l'emploi !

Dans la stratégie de Lisbonne tout repose sur la compétitivité et tout en découle, l'emploi, le bienêtre, la protection sociale et l'écologie. Cette même compétitivité que le Traité constitutionnel européen place au sommet de la hiérarchie des normes. Plus les entreprises sont compétitives, plus elles font de profits, plus elles sont supposées redistribuer et investir, y compris dans « les technologies propres ». Mais attention, volontairement, parce qu'elles sont citoyennes... Toute réglementation les rendrait moins compétitives et notre bien-être diminuerait en conséquence. Donc pour plus de protection sociale il faut commencer par liquider la protection sociale pour rendre les entreprises compétitives. CQFD.

La « réforme structurelle urgente des marchés du travail » prend la forme d'une __« stratégie européenne pour l'emploi [6] »__ articulée autour des objectifs suivants, actualisés en 2005 :

''« Plein emploi : entre 2005 et 2010, l'Union européenne s'est fixée comme objectif d'atteindre : . un taux d'emploi global de 67 % en 2005 et de 70 % en 2010 ; . un taux d'emploi des femmes de 57 % en 2005 et de 60 % en 2010 ; . un taux d'emploi des travailleurs âgés (55 à 64 ans) de 50 % en 2010. »''

Ces objectifs introduisent une nouvelle définition du « plein emploi ». Il ne s'agit pas de créer des emplois pour les chômeurs européens, comme le programme de la présidence britannique l'indiquait clairement au printemps 2005 :

« L’Europe ne pourra pas atteindre les objectifs en matière d’emploi fixés à Lisbonne sans s’attaquer à l’inactivité économique. Même si les 19 millions de chômeurs en Europe trouvaient tous un emploi, le nombre des actifs serait insuffisant pour réaliser l’objectif de Lisbonne en la matière, à savoir un taux d’emploi de 70 %. ».

Il s'agit bien d'accroitre « l'employabilité » ou « participation au marché du travail » de la population potentiellement active, en prévision d'un déséquilibre démographique (qui nécessite selon l'OCDE 20 millions de travailleurs immigrés d'ici 2020). Au passage la mise au travail des femmes (« Le potentiel énorme que représentent les femmes sur le marché du travail doit encore être pleinement mis à profit ») est rebaptisée « égalité des chances ». C'est notamment à ce titre que la loi française interdisant le travail de nuit des femmes a été abrogée... Des objectifs d'employabilité sont également fixés pour les handicapés, au nom de la « lutte contre les discriminations ». Quant aux plus âgés, la stratégie prend le nom de «vieillissement actif» ! On conçoit dès lors que pour parvenir à ces objectifs, une certaine coercition soit indispensable, notamment par les restrictions à l'assurance chômage et à la sécurité sociale, comme le souligne M. Barroso :

« Réintégrer les chômeurs et les inactifs dans le marché de l'emploi et inciter les travailleurs à rester actifs plus longtemps nécessitent de moderniser les systèmes de protection sociale [7] »

La stratégie de Lisbonne en matière d'emploi

''« Pour mener à bien ces trois objectifs généraux, les gouvernements des États membres de l'Union européenne sont appelés à suivre 10 lignes directrices spécifiques :''

- mesures actives et préventives en faveur des chômeurs et des inactifs ; - création d'emplois et esprit d'entreprise ; - promotion de la capacité d'adaptation au travail et de la mobilité ; - promotion du développement du capital humain, ainsi que de l'éducation et de la formation tout au long de la vie ; - augmentation de l'offre de main d’œuvre et promotion du vieillissement actif ; - égalité entre les femmes et les hommes ; - promotion de l'intégration des personnes défavorisées sur le marché du travail et lutte de la discrimination dont elles font l'objet ; - incitations à l'emploi par des offres financières plus attrayantes (*); - transformation du travail non déclaré en emploi régulier ; - diminution des disparités régionales en matière d'emploi. »

(*) notons cependant ce bémol : ''« Enfin, l'amélioration des chiffres de l'emploi observée ces dernières années est plus sensible dans les pays qui ont mené à bien des réformes visant à augmenter le taux de participation (comprendre : démantèlement de l'assurance chômage) et à améliorer la conception des politiques actives du marché du travail et des systèmes de prélèvements et de prestations. Des études (La Commission a toujours « des études » sous le bras !) montrent que de telles réformes peuvent améliorer le taux de participation de 1,5 point de pourcentage et que, combinées à la modération salariale elles peuvent réduire le taux de chômage de 1 %»'' [8]

Déclinaisons nationales

On ne peut malheureusement ici faire l'inventaire des mesures prises dans chaque pays dans le cadre des objectifs de Lisbonne en matière d'emploi (qui apparaissent dans des rapports transmis annuellement à la Commission [9]). Réformes des retraites, de la sécurité sociale, de l'assurance chômage... Toutes ces mesures sont intervenus aux différents plans nationaux à la fois de façon désynchronisée et sur une sédimentation du droit du travail marquée par des traditions historiques spécifiques , ce qui, renforcé par la technicité du droit du travail et de la protection sociale rend très difficiles les mobilisations européennes. Qui pouvait faire le lien entre des mobilisations en Allemagne contre les “emplois à un euro [10]”, celles en France contre le CPE, ou pour les retraites en Belgique ? Qui sait que le Contrat nouvel embauche, autre dispositif semblable à ce que suggère aujourd'hui la ministre belge du travail (licenciement autorisé sans motif lors des deux premières années déclaré contraire au droit international du travail par l'Organisation internationale du travail) figurait dans le rapport annuel remis par annuel remis par la France à la Commission au titre du suivi des objectifs de Lisbonne[11] ?

Pourtant il s'agit bien, aux niveaux nationaux, de la mise en œuvre du projet technocratique de “société de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde”, élaboré en pleine bulle des valeurs internet dont l'éclatement n'a pas découragé les promoteurs d'un modèle de développement qui rappelle furieusement, mort avant d'être né, ceux proposés au tiers-monde dans les années 60. Pour citer une dernière fois José Emmanuel Barroso :

‟Comme l'écrivait Paul Valery : “le problème à notre époque, c'est que le futur n'est plus ce qu'il était”. La bulle internet a éclaté, les événements terribles du 11 septembre 2001 semblent avoir jeté un sort à l'économie mondiale et l'Europe est devenue plus consciente du problème démographique et des effets de la concurrence internationale et les conséquences que cela aura sur notre modèle social et notre économie si rien ne change.”

Le 11 septembre a laissé place à la crise des finances publiques causée par la crise de la finance privée. Ce qui ne change pas, c'est “L'essence du néolibéralisme. Cette utopie, en voie de réalisation d'une exploitation sans limite [12]”. Car à travers la stratégie européenne pour l'emploi, c'est*bien, sous couvert de “lutte contre le chômage”, telle qu'elle est promue dans ses déclinaisons nationales, la mise en place d'un marché du travail totalement dérégulé qui reste à l'ordre du jour.

La preuve par la Grèce

Le cas de la Grèce en fournit la vérification. C'est l'agenda de Lisbonne (notamment) appliqué de façon autoritaire qu'exige la troïka (Commission européenne, FMI, BCE) qui n'est rien d'autre que le bras armé des multinationales réunies dans l'ERT. Le prochain prêt dont la Grèce a besoin (à défaut d'oser faire défaut) ne sera débloqué que si le salaire minimum (qui est de 700 EUR) est supprimé ainsi que l'ensemble des conventions collectives... Et comme le déclarait à ce sujet Guy Verhostadt au journal Le Soir:

Ce qui est important, c’est que la pression ne diminue pas. Ainsi (il sourit…), il vaudrait mieux que la BCE ne soit pas « laxiste » aujourd’hui, parce que si elle relâche sa politique et que cela va mieux, le sentiment d’urgence va disparaître. Or, c’est notre allié…

Y compris pour "réformer" les autres États sociaux...

Benoît EUGENE

Notes

[1] http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=6078&langId=fr

[2] Lire Observatoire de l'Europe Industrielle, Europe INC. Comment les multinationales construisent l'Europe et l'économie mondiale », Agone, 2005.

[3] José Emmanuel Barroso fut maoïste pendant la révolution des oeillets puis socialiste puis premier ministre de centre droit. Dans ses fonctions il organisa le sommet des Açores avec Berlusconi, Bush et Blair qui décida de l'invasion de l'Irak.

[4] Jose Emmanuel Barroso, Creating an Europe of opportunities, discours Schuman, Lonseil de Lisbonne, 14 mars 2005 <www.lisboncouncil.net/files/download/RSLecture2005.pdf >

[5] Europe Inc., p. 89

[6] Textes en ligne sur <http://europa.eu.int/comm/employment_social/employment_strategy/guidelines_fr.htm>

[7] Souligné par moi. COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES Bruxelles, le 02.02.2005 COM (2005) 24 *COMMUNICATION AU CONSEIL EUROPÉEN DE PRINTEMPS **Travaillons ensemble pour la croissance et l’emploi Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne *Communication du Président Barroso en accord avec le vice-président Verheugen :<http://www.eurosfaire.prd.fr/bibliotheque/pdf/COM2005_024_fr.pdf>

[8] Ibid.

[9] Voir les plans d'action nationaux <http://europa.eu.int/comm/employment_social/employment_strategy/national_fr.htm>

[10] Le plan « Harz IV » de réforme de l'assurance chômage qui oblige les chômeurs pour conserver leurs allocations, fortement réduites dans le temps, à accepter jusqu'à 30 heures de travail par semaine payées un euro de l'heure. Et cela malgré plus d'un an de mobilisations sociales et de manifestations hebdomadaires !

[11] PROGRAMME NATIONAL DE REFORME "POUR UNE CROISSANCE SOCIALE <http://www.sgae.gouv.fr/actualites/htmlpages/actu_pnr.html>

[12] Pierre Bourdieu, L'essence du néolibéralisme, Le Monde diplomatique, mars 1998

mercredi 17 mai 2017

Le développement durable : une pollution mentale au service de l'industrie

Pour célébrer la nomination du nouveau Ministre de la "transition écologique", Le Musée de l'Europe sort de ses collections cet article datant de 2005.

environnement.gif Rond Point Schuman, Bruxelles, sculpture célébrant l'année de l'environnement. Collections du Musée de l'Europe

Les grands pollueurs ont tout intérêt à ce que le « développement durable » soit avant tout un problème de responsabilisation du consommateur-citoyen, faisant ainsi de la pollution un problème de manque de civisme et de la consommation une solution : la meilleure façon de protéger la nature, c’est encore de consommer… Et le consommateur n’a plus que l’embarras du choix : entre Leclerc et Carrefour, lequel soutenir de son acte d’achat « écologique » et « éthique » ? Quelle enseigne oligopolistique vouée à la consommation de masse, poussant au productivisme, au dumping social et aux délocalisations, jetant sur les routes un flux exponentiel de camions, est la plus engagée sur la voie du « développement durable » ?

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mardi 19 avril 2016

Le "localisé" contre le pompier global : Du jardin d'Hamois à Jeevanjee Garden

lotissement.jpg

A l'heure où l'occupation de la Place de la République, commencée comme un moyen de remporter une lutte "nationale" pour sauver le droit du travail, est médiatisée sous une forme "globale" dans un espace de mobilisations politiques et de registres d'actions déjà standardisés et délocalisés, comment le "global" s'inscrit-il et est-il reproduit sur un territoire ? Et comment résister localement à cette imposition des rapports sociaux globaux, qui peut s'appuyer sur les rapports de domination locaux incarnés par divers contre-maîtres, en les exposant pour pouvoir les subvertir ?

Le travail que nous avons mené dans le champ artistique à partir de 1999 - date à laquelle nous menions une recherche-action en tant qu'élève libre à L’École Nationale des Arts Visuels de la Cambre (Bruxelles) tout en suivant les cours de Pierre Bourdieu consacrés au monopole de l’État sur la production des producteurs artistiques (l’École des Beaux-Arts de Paris et le Salon) au temps de Manet - n'a pas perdu de sa pertinence ni de ses potentialités subversives.

Particulièrement à l'heure où le "pompier" entendu comme intellectualisme autoritaire et monopolistique s'imposant à la pratique, c'est à dire au travail et à la vie elle-même, prend plus que jamais la forme de la mondialisation de ce qu'on appelait autrefois les "appareils idéologiques d’État".(Et on peut les appeler "impériaux" dans le sens où, plus le temps passe et les technologies de la Silicon Valley prennent le pouvoir, un seul État tend à exercer cette violence symbolique).

Nous dédions la republication de ce texte agrémenté de quelques notes du Concierge, datant de 2008, à toutes les "petites mains" et aux organisations de base, particulièrement le DAL, qui produisent concrètement la forme localisée de l'occupation d'une place publique dont des publicitaires et des intellectuels auto-proclamés produisent le sens global pour mieux nous enfermer dans l'impuissance du pompier globalisé qui est le contraire de la créativité des luttes.

Le Peintre du Champ

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jeudi 14 avril 2016

Nuit Debout n'existe pas. C'est un média, idiot !

Tous les observateurs disposant de quelques réflexes sociologiques auront remarqué qu’il existe au moins deux « Nuit Debout ».

La première a une existence concrète sur la Place de la République où l’on peut espérer qu’il se passe quand même quelque chose. Oh, certainement pas une ZAD comme l’a déclaré pompeusement l’un des initiateurs, François Ruffin ! Enfin est-ce un lieu de rassemblement en attendant éventuellement d’être un lieu de convergence pour « ne pas rentrer chez soi » si le mouvement contre la loi Khomri débordait les syndicats. Ce qui est d’une importance vitale pour la sécurité (sociale, la seule, l’unique) de tous les habitants de ce pays, « présents et à venir » comme dit joliment le Roi des Belges lorsqu’il promulgue les lois au Journal Officiel. Et lorsque des gens se rassemblent, même dans un endroit où il n’y a plus que des bars branchés et où - à part effectivement les chauffeurs de taxi uberisés ou non (Lordon a de l’espoir!) - on ne risque pas de voir un travailleur après le boulot (à l’exclusion des graphistes et des publicitaires), des liens peuvent se lier qui faciliteraient grandement le sacerdoce du DAL pour obtenir le logement intra-muros de familles populaires (en réquisitionnant les surfaces vides du privé comme du public.) et empêcher les autres d'être virées par le Grand Paris jusqu'à Calais ! Et porter assistance et protection aux camps de réfugiés itinérants de Stalingrad et d’ailleurs traqués par le gouvernement le plus d’extrême-droite depuis 1944.

Mais bon pour le moment, force est de constater que ce n’est pas grand monde, et comparer ce feu de paille aux places de Madrid et de Barcelone, c’est se payer de mots et d’images (il y a encore du peuple et des classes moyennes paupérisées dans ces deux villes, malgré tout, tandis qu’à Paris intra-muros, c’est mort.) Ça tombe bien, c’est de mots et d’images qu’il est question. Car la Nuit Debout n’existe pas. Ou plutôt seul son double, la Nuit Debout médiatique, a une quelconque ampleur. Et pour aller encore plus loin, la Nuit Debout EST un média. Et les seules questions politiques qui valent sont donc : à qui appartient ce média ? Quelles catégories de représentation du monde social véhicule-t-il ? Et que va-t-il réussir à nous vendre ?

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mardi 24 décembre 2013

Nymphobancomaniac : la Justine des bancocrates

deesseEurope.jpg L'Union bancaire dans le grand lit unique européen

A l'occasion de l'adoption par le Conseil Européen du projet d'Union bancaire, largement rédigé par les lobbies bancaires eux-mêmes (qui entendent jouir sans entraves dans le grand lit unique européen) et préservant les banques régionales allemandes qui restent en grande partie des banques d'Etat permettant à la première puissance européenne de conserver un secteur bancaire soumis au pouvoir politique ce à quoi les autres "partenaires" ont naïvement renoncé, Le Musée de l'Europe vous offre la traduction hard-trash d'un article du Corporate Europe Observatory,Not about safer banks, initialement titrée "l'Union bancaire, la Justine des bancocrates". La version longue non censurée sera diffusée par la radio La Locale de Saint-Girons (récemment privée de ses subventions par la mairie et le Conseil Général...)

A écouter sur le site de La Petite Radio

jeudi 12 septembre 2013

Comment l'antiglobalisation est devenue l'altermondialisme

Paru sous le titre Le Grand Théâtre Belge de l'Europe de la Gouvernance, ce texte est un compte-rendu du "Dialogue" tenu à Gand en 2001 à l'initiative du Premier Ministre belge de l'époque, Guy Verhofstadt, dont le duo comique avec Daniel Cohn Bendit, alors que le théâtre est désormais en feu, est aujourd'hui animé par Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles. Baby Thatcher, qui n'avait pas encore été converti à l'Europe lors de la visite d'une église du Rwanda réussit ce jour-là le tour de force de convertir l'anti-globalisation à l'alter-mondialisme, moment important de la gentrification des luttes exhumé des archives du Musée...

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dimanche 30 janvier 2011

Crises mondiales et mouvements sociaux

On m’a demandé d’intervenir sur la question de la crise mondiale et dans l’avion j’ai lu le Wall Street Journal qui nous informe qu’en 2009 les «Banques renouent avec le profit». En gros pour le secteur bancaire, la crise est terminée. Le seul bémol est qu’ils n’osent pas trop le dire, c’est encore dans ce journal, «de peur des réactions populaires». Tout est dit finalement. L’une des originalités de cette crise est qu’elle a frappé les riches. Et quand les riches sont en crise, ils ont les moyens de se faire entendre. C’est la différence avec les pauvres qui, eux, sont en crise tout le temps mais n’ont pas ces moyens. Il faut une étudiante en sociologie de l’Université de Ouagadougou qui a fait sa maitrise sur «les conséquences de la crise climatique sur l’artisanat féminin dans des villages burkinabè», un travail très intéressant, pour être informé d’une crise qui ne sera pas discutée au G20. Sans doute pas non plus au Forum Mondial, si personne ne fait ce qu’il faut pour cela. Or, c’est une crise comme une autre.

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samedi 1 janvier 2011

La "vision" de la culture dans le Plan International de Développement de Bruxelles

Une grande conférence du musée de l'Europe donnée à la Librairie Aden (Bruxelles) le 28 novembre 2007

voir en ligne

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mercredi 5 avril 2006

La stratégie de Lisbonne et l'emploi

Une Grande Conférence du Musée de l'Europe donnée à Marseille en avril 2006 devant les étudiants mobilisés contre le Contrat Premier Emploi (CPE)

Voir la vidéo de Patrick Taliercio

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dimanche 12 juin 2005

Précis d'Architecture de l'Union Européenne

On entend beaucoup dire ces temps derniers que le fameux titre III du projet de constitution européenne contre lequel un vent de révolte souffle dans le pays n’est que la reprise des traités précédents et que le rejet du Traité Constitutionnel Européen n’y changera rien. Raison de plus pour revenir sur les fondations récentes de l’Union européenne, maison soit disant commune où tout est bien rangé comme dans l’urbanisme à la Lecorbusier et où chacun a déjà une place réservée : qui aux cuisines, qui au ménage, qui précepteur des enfants, qui maître et qui domestique, ces derniers s’adaptant en permanence aux besoins du patron, jour et nuit grâce à la flexibilité, en fonction de ses nouvelles lubies grâce à l’éducation tout au long de la vie.

Conférence donnée à Noire Atlantique (Nantes) le 13 mai 2005, dans le cadre de la campagne pour le non au Traité constitutionnel.

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