Boubakar Niane est l'auteur de ''"Les Elites politico-administratives sénégalaises et le national, de l'époque coloniale aux années 1990 : mutations et invariants", Thèse de doctorat d'Etat en sociologie, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, 2008.''

(cette thèse peut notamment être consultée en accès libre à la bibliothèque universitaire de l'Université Cheikh Anta Diop à Dakar.)

"Une question centrale s'est posée à moi, qui est devenue le fil directeur de ma recherche : est-ce que ces élites sénégalaises que j'ai essayé d'étudier depuis l'époque coloniale ne sont pas - c'est provocateur- des élites par procuration, qui ne sont pas véritablement des élites nationales. Tout en étant capables d'impulser des réformes profondes au niveau national (ce sont) des élites par procuration, qui ne sont pas maitres du jeu dont qui subissent plus qu'elles n'impulsent (en fait) les transformations qui interviennent dans le pays. Pour ce faire, j'ai décidé de m'intéresser aux mécanismes de promotion, quelles sont les valeurs utilisées par ces élites-là, pour se promouvoir aux niveaux national et international. Je me suis rendu compte que même si pour beaucoup elles refusaient les valeurs indigènes, c'est à dire les valeurs sociales du milieu, il n'en demeure pas moins qu'elles s'appuyaient beaucoup sur ces valeurs pour se promouvoir, par exemple la solidarité familiale, la solidarité ethnique, ce sont des valeurs très profondes, même si on les européanise, si on les internationalise, elles n'en restent pas moins très efficaces pour la promotion dans les sphères politiques et sociales. Un autre mécanisme que j'ai retrouvé (au sujet de) ces élites dirigeantes si on les rapporte au transnational, c'est que pour se promouvoir, il fallait qu'elles deviennent transnationales, c'est à dire sans nationalité, qu'il ne fallait plus croire au national, le lieu de pertinence de tout ne devait plus être un espace national mais transnational. Il fallait avoir des valeurs transnationales, comme l'ambiguïté, comme la variation dans les postures et tout ce qui s'en suit, pour pouvoir bien acter, pour pouvoir bien jouer dans l'espace transnational de ces sociétés méta-étatiques que sont par exemple la Banque mondiale, le système des Nations-unies et autres. Et j'ai découvert une chose intéressante au-cours de ces recherches sur la transnationalité, c'est que pour être dans les bonnes grâces de ces institutions-là, il fallait dominer leur langage et les combattre. Les élites sénégalaises que j'ai suivies dans leur parcours au niveau de ces institutions ont, à un moment donné, été des détracteurs de ces institutions, mais ont parlé à un autre moment le même langage que ces experts des méta-Etats, avec qui ils discutaient au cours de réunions de négociations sur des prêts ou des subventions de la Banque... Il fallait être dans le créneau de la Banque, comprendre comment cela fonctionnait au niveau de ces experts, pour pouvoir peut-être être un hérétique, critiquer la Banque et se voir du coup sollicité par la Banque. Donc dénonciation pour être accepté. Il faut dénoncer pour être accepté, mais dénoncer cela veut dire comprendre le langage et les us et coutumes de ces institutions."

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