Le traité d'austérité de l'UE : le rêve des lobbies du grand capital devient réalité.
Par Le concierge du Musée le samedi 31 mars 2012, 19:33 - Observatoire de l'UE - Lien permanent
Traduction de l'article du CEO Inspired by big business: the EU Austerity Treaty du 8 mars 2012
Le 2 mars 2012, 25 États membres ont signé ce qu'ils appellent le « Traité de stabilité ». Le rêve des lobbies du big business devenait réalité, mais les militants des droits sociaux en Europe parlent de « Traité de l'austérité » et mettent en garde contre la pression qu'il exercera sur le bien-être et les conditions de vie des gens ordinaires.
Depuis des années, des lobbies de taille européenne comme BusinessEurope et la Table ronde des industriels européens militent pour renforcer les règles de gouvernance économique de l'UE. Le nouveau traité est dans la droite ligne de ces exigences du monde des affaires. Lors d'une réunion organisée par BusinessEurope le 2 décembre 2011, dans la perspective du sommet européen du 9 décembre, les présidents des fédérations patronales nationales avaient adopté une « Déclaration sur la gouvernance économique », connue aussi sous le nom de « le plan des industriels pour sauver l'euro » qui comportait deux exigences très importantes :
«les règles de vote doivent être renforcées pour rendre plus difficile la censure par le Conseil des recommandations de la Commission concernant les déficits ».
« plus d'ambition et d'engagement des Etats membres dans leurs programmes de réformes nationales, s'asseyant sur des recommandations drastiques spécifiques » [1]
La première version du nouveau traité fut adoptée durant le sommet de l'UE du 9 décembre. Ces deux demandes très concrètes y furent intégrées [2] et figurent dans la version finale signée par les leaders de l'UE le 1er mars 2013 [3] :
« les Parties contractantes dont la monnaie est l'euro s'engagent à appuyer les proposition ou les recommandations soumises par la Commission européenne (…) dans le cadre d'une procédure concernant les déficits excessifs.Cette obligation ne s'applique pas lorsqu'il est établi que, parmi les parties contractantes dont la monnaie est l'euro, une majorité qualifiée (…) est opposée à la décision proposée ou recommandée »
« Une partie contractante qui fait l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs en vertu des traités sur lesquels l'Union européenne est fondée, met en place un programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à établir et à mettre en œuvre pour assurer une correction effective et durable de son déficit excessif. Le contenu et la forme de ces programmes sont définis dans le droit de l'Union européenne. »
Le 2 décembre 2011, BusinessEurope a aussi réclamé que les prêts du Mécanisme de stabilité européenne soient « conditionnés à un plan d'ajustement crédible ». Dans les attendus du nouveau traité, il est mentionné que « l'octroi d'une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du mécanisme européen de stabilité sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, à la ratification du présent traité par la partie contractante concernée ». Cela signifie que les pays doivent répondre aux deux conditions précédentes pour accéder à un financement par le MES.
À la différence de la constitutionnalisation d'un plafond du déficit à 3% réclamée par BusinessEurope, un nouveau plafond de 0,5% du déficit « structurel » est imposé par le traité, devant être constitutionnalisé avant la fin 2013.
BusinessEurope a immédiatement salué la première version du Traité en affirmant qu'il est « dans la ligne de la résolution que nous avons publié cette semaine, 'le Plan des entreprises pour sauver l'euro' » [4].
Le 23 décembre, BusinessEurope écrivait à la future présidence danoise de l'UE que « les leaders européens doivent mettre en place la nouvelle structure de gouvernance, dite 'fiscal compact' décidée lors du conseil du 9 décembre » et insistait « il est impératif que nous [5] fassions des progrès rapides dans la finalisation des détails du nouvel accord et assurions sa mise en application légale » [6]
Ce « nous » plein d'assurance de la dernière citation indique qu'exactement comme dans le cas de le Pacte pour l'euro [7] et le paquet sur la gouvernance économique (six pack) [8] BusinessEurope a probablement exercé une influence substantielle sur le Traité, poussant à une forme plus autoritaire de gouvernance néolibérale par Bruxelles sur les États membres, laissant moins de marge de manœuvre et de contrôle démocratique effectif sur la politique fiscale.
Si ces dispositions étaient en vigueur aujourd'hui, les 23 membres de l'UE qui sont actuellement sous le coup d'une procédure pour déficits excessifs [9] seraient contraints d'accepter les recommandations de la Commission même si une majorité d’États membres les désapprouvaient et de se résigner à un programme détaillé de réformes économiques qui aurait force de loi sous le « droit européen ».
Notes
[1] BusinessEurope Council of Presidents, Declaration on Economic Governance, Varsovie,2 décembre 2012|http://vbo-feb.be/media/uploads/public/_custom/press/Declaration_Economic_Governance_final_-_05_12_2011.pdf
[2] DÉCLARATION DES CHEFS D'ÉTAT OU DE GOUVERNEMENT DE LA ZONE EURO, 9/12/2011|http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/126663.pdf
[3] TRAITÉ SUR LA STABILITÉ, LA COORDINATION ET LA GOUVERNANCE AU SEIN DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE|http://european-council.europa.eu/media/639232/08_-_tscg.fr.12.pdf
[4] EURO AREA AGREEMENT SUPPORTED BY EUROPEAN BUSINESS, 9 Décembre 2011|http://www.businesseurope.eu/Content/Default.asp?PageID=568&DocID=29589
[5] souligné par nous
[6] BusinessEurope Letter to the Danish Prime Minister|http://www.cebre.cz/dokums_raw/2011_12_23_letter_to_danish_prime_minister.pdf
[7] CEO, Business against Europe, mars 2011