Alors que le Président Macron lance sa campagne pour les élections européennes à destination des Castors ("l'Ue ou le fascisme"sur fond d'hommage au Maréchal Pétain, le "en même temps" pouvant mener directement à l'Ue Et le fascisme), nous republions cette note de lecture publiée par ATTAC-Bruxelles en 2012. (Le Concierge)

schuman-sculpture.gif illustration : Sculpture en hommage à Robert Schuman trônant devant le siège de la Commission européeene à Bruxelles, collections du Musée de l'Europe

D’où vient l’Europe communautaire ? Comment cette idée longtemps nébuleuse a-t-elle pu cheminer dans l’entre-deux-guerres jusqu’à se cristalliser au début des années 50 dans l’acte fondateur qu’est la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (la CECA)? La question pourrait paraître datée, à l’heure où l’Europe est engoncée dans une crise sans fin. Sauf que l’origine de la construction européenne dit beaucoup de la méthode de ses pionniers et de leurs idées, qui ont perduré bien au-delà de la défunte Haute Autorité du charbon. Adossée à la liturgie d’une Europe communautaire sortie en droite ligne des projets de la Résistance, l'historiographie classique passe naturellement sous silence tout ce que cette entreprise doit aux cercles intellectuels et politiques liés au régime de Vichy. Au nom de la Révolution nationale. En réalité, l'influence des idées corporatistes et personnalistes a complètement surdéterminé la genèse des premières institutions européennes. Ainsi, le projet d'une autorité supranationale chargée de gérer l'économie de marché «sans contrôle parlementaire» (comme le propose Schuman en mai 1950) hérite de ces conceptions. Sous quel commandement doit être placée l’économie ? Celui d’«un collège d'hommes indépendants» répondant à cet impératif propre à toute institution technique : «la compétence» détachée des «options politiques». Et puisque «ce sont des facteurs techniques qui commandent l'évolution de l'humanité», il faut donc, dans l'ordre international, «substituer les techniciens aux hommes politiques». Ces mêmes considérations, qui appellent les techniciens à assumer «les responsabilités du pouvoir», justifient la construction de l'Europe. Car «la Communauté européenne» propose une alternative, «une philosophie économique» qui ne serait «ni le socialisme ni le libéralisme ni le capitalisme» mais «quelque chose de nouveau» et de «totalement irréalisable dans un cadre national». Telle est bien l'ambiguïté qui relie cette «communauté économique» –instituée dans les années cinquante afin de donner à l'Europe les assises d'une «communauté plus large et plus profonde»– à cette autre «communauté », imaginée dans les années de guerre sous l'égide du Maréchal Pétain.

Extrait de l'article de Jean Flinker "Schuman dynamité !" à lire dans le n° d'Angles d'Attac de décembre 2012, bulletin à télécharger ici

NDE : ce texte de Jean Flinker résume notamment le livre d'Antonin Cohen, De Vichy à la Communauté européenne, PUF, 2012, auquel nous renvoyons, l'auteur ayant malencontreusement oublié de signaler ses très nombreux emprunts...