Notre Dame des Landes : il est interdit d’enquêter
Par Le concierge du Musée le lundi 2 septembre 2013, 10:55 - Quatrième nuit de Walpurgis - Lien permanent
Le 18 novembre 2011, Thierry Discepolo, directeur éditorial des éditions Agone, présentait son livre "La Trahison des éditeurs" (tous sauf un!) à Avignon. Il s'en prit nommément à Frederic Lordon, traité de "danseur de claquettes" pour avoir publié au Seuil et à Hervé Kempf pour avoir publié chez le même éditeur. A cette époque l'équipe éditoriale historique d'Agone avait déjà été presque intégralement décimée. Un an plus tard, ce serait le tour des salariés dont les récits (sur Canal sud), dans le décor dune structure associative détruite par la logique commerciale, concordent avec celui d'Hervé Kempf contant la disparition de la dernière niche de liberté dans une structure capitaliste... (note éditoriale d'Agone Canal Historique)
Voici un extrait de l'article d'Hervé Kempf expliquant les raisons de son départ du Monde :
Je vis le directeur par intérim, Alain Frachon, le 5 décembre. Discussion intéressante, mais qui n’aboutit à rien : le fond du problème était nié. Dans une lettre qu’il m’écrivit le 17 décembre, il exprima le point de vue officiel de la direction : « Ce ne sont pas tes compétences qui sont en question, mais un problème d’image : nous tenons à ce que l’approche du journal reste aussi impavide que possible, tout particulièrement dans les pages Planète ».
A quoi je répondis : « Impavide, nous dit le dictionnaire, signifie ’qui n’éprouve ni ne manifeste aucune crainte, aucune peur’. De quoi le journal pourrait-il avoir peur ? En quoi mon travail de journaliste et de révélateur d’aspects dérangeants du dossier Notre Dame des Landes pourrait-il empêcher le journal de ne pas avoir peur ? »
Une réponse possible à cette question est que Le Monde avait peur de déplaire aux promoteurs du projet d’aéroport.
Je ne détaille pas les mois suivants, qui ont été pénibles. On voulait me transformer en coupable. Les événements prirent une telle tournure que le délégué du personnel me conseilla de consulter le médecin du travail, qui m’orienta vers une psychologue. J’allais bien, heureusement, même si le choc était rude. Je découvris alors que plusieurs de mes collègues étaient en dépression nerveuse, qu’une mission sur les risques psycho-sociaux était menée dans l’honorable journal, qu’une plainte pour harcèlement moral était engagée par une collègue.
En mars, une nouvelle directrice du Monde fut désignée par les actionnaires. Une de ses premières réformes fut de rétrograder le service Planète, pourtant bien peu remuant, en un pôle subordonné au service International. Le journal lançait une formule marquée par un cahier consacré à l’Economie et aux entreprises, signe de la ligne nouvelle, qui visait la clientèle des "responsables" et CSP +++.
Lire l'article d'Hervé Kempf sur le site de Reporterre, l'homme qui crut à ce que son journal prétendait être. Honneur à tous les oiseaux de passage qui claquent la porte plutôt que plier pour continuer leur travail au risque de leur appauvrissement. Bienvenue au club, Hervé !
Un journaliste à la retraite, de passage à Nantes, nous a envoyé cette photo, assortie de ce commentaire : "Voici la preuve oubliée que les avions survolent bien Nantes-ville pour atteindre l'actuel aéroport" et "emmerdent les Nantais" (donc) "Vive NDL". Nous le remercions de cette enquête et invitons la rédaction du Monde à lui confier, à titre de job senior, la rubrique Écologie du journal...
Extrait de la "Trahison des éditeurs" par Thierry Discepolo consacré à Hervé Kempf :
Comme tous les automnes tombent les feuilles. Une grosse année plus tard, Hervé Kempf sort un nouveau libelle, cette fois contre l’« oligarchie » et pour que « vive la démocratie ». Celles et ceux qui avaient aimé le précédent aimeront le suivant – c’est écrit gros, c’est court, etc. Toujours aussi implacable, le pamphlétaire se garde toutefois de jamais diriger sa charge sauvage sur la brochette d’« oligarques » qui se sont succédé à la direction du quotidien qui le pensionne. Le conseil de surveillance du Monde, rphelin d’Alain Minc, en conserve pourtant de beaux spécimens : le président du directoire et cinquième fortune de France Louis Dreyfus, l’homme d’affaires Pierre Bergé, le banquier Matthieu Pigasse, Xavier Niel patron d’Iliad et dix-huitième fortune de France), mais aussi Arnaud Lagardère, François Pinault, etc. Rien n’arrête Hervé Kempf : toujours aussi radicalement écologique, il critique le développement durable en citant l’un de ses apôtres, le consultant pour l’industrie automobile Pierre Radanne ; puis il adresse aux militants habillés de vert des mises en garde appuyées sur les propos de l’ex-vice-président Al Gore, humble apôtre du capitalisme de la même couleur. Le même fonds de commerce a donné à l’auteur l’occasion de patauger sans risque dans le même consensus. Et aux mêmes militants altercapitalistes de France et de Navarre celle de mener la même campagne sans conséquences. (pp. 93-94)
"Sans conséquences ?", Mais qu'a écrit la Revue Agone sur Notre Dame des Landes ? Quel soutien les éditions Agone ont-elles apporté ? Thierry Discepolo, "bien connu d'une partie du monde militant" (sic!) n'a jamais voulu comprendre qu'un auteur, un journaliste, un militant, publie là où il peut (c'est à dire aussi là où on le paye) et gagne sa croûte comme il le peut. Aussi les éditions Agone n'ont-elles jamais fait d'avance à un auteur pour qu'il puisse travailler, n'ont jamais rien produit : juste récupéré du travail produit par des auteurs (souvent morts) dans des conditions matérielles parfois héroïques...
C'est la technique classique du sophiste : montrer la paille dans l'oeil de l'auteur pour mieux cacher la poutre dans celle de l'éditeur !
Benoît EUGENE Ancien Rédacteur en chef de la Revue Agone Auteur de : Le Développement durable, une pollution mentale au service de l'industrie