Dans cette affaire, l'Allemagne cherche absolument à faire un exemple. Là encore, le document de motivation du refus de la réponse grecque est sans équivoque. Elle parle de « cheval de Troie. » On peut comprendre ce terme de deux façons. La première est que la proposition grecque permet in fine au gouvernement grec de respecter certaines de ses promesses électorales dans le cadre du programme. La deuxième est que, si l'on cède, le cas grec pourrait faire école et devenir le « cheval de Troie » d'une remise en cause de l'austérité au niveau européen.

L'architecture de la zone euro

Wolfgang Schäuble est l'artisan de la nouvelle gouvernance européenne mise en place après 2011 et qui s'appuie sur les directives Two-Pack, Six-Pack, sur le semestre européen, sur le traité instaurant le pacte budgétaire. La zone euro ainsi redéfinie établit comme priorité la stabilité budgétaire. Toute remise en cause de cet ordre ainsi établi représente, du point de vue allemand, le danger d'une nouvelle crise de la dette. Il y a donc nécessité de briser dans l'œuf toute tentative de modifier cette logique. Le combat devient alors politique. Il s'agit de montrer aux électeurs des pays européens qu'il est impossible de disposer de l'euro et de mener des politiques de relance ou des politiques économiques alternatives à celles promues désormais par les structures de la zone euro.

Vider le programme politique de Syriza

Il faut donc absolument non seulement faire un exemple dans le cas grec en prouvant que ces politiques sont impossibles. Voici pourquoi les concessions grecques, qui cherchent évidemment à ménager des marges de manœuvre pour l'application du programme de Syriza, ne peuvent satisfaire Berlin. Ce qu'il faut, c'est réduire à néant ce programme. Voici la vraie raison de l'attachement allemand au « programme actuel. » Il s'agit de montrer que l'élection du 25 janvier n'a absolument rien modifié. Qu'elle est neutre et n'a pas eu d'impact. Hier, dans le texte du refus allemand, on aura ainsi pu remarquer que Berlin posait deux conditions à son feu vert : que le gouvernement grec accepte le programme actuel en reprenant in extenso trois phrases dictée par le gouvernement fédéral et que ce gouvernement renonce aux « lois votées par le parlement cette semaine » concernant les mesures sociales et la hausse du salaire minimum.

Accepter la culture de stabilité ou sortir

L'objectif principal qui semble conduire le comportement allemand est donc celui d'une réduction à néant du programme de Syriza. Ainsi, l'architecture de la zone euro ne sera plus jamais menacée. Le choix qui se dissimule derrière cette détermination est moins un déni de démocratie qu'une mise au pas de la zone euro. Le choix pour les électeurs est alors, soit de rester dans la zone euro en acceptant la « culture de stabilité allemande », soit d'en sortir pour mener d'autres expériences. C'est la raison pour laquelle le sort de la zone euro se joue ce vendredi.

Romaric Godin, La Tribune.