Exposition temporaire : l'Europe en 2015-2016 (1) L'échec de la stratégie centriste (funeste) de Jean-Luc Mélenchon
Par Le concierge du Musée le jeudi 15 novembre 2018, 00:06 - Expositions - Lien permanent
La fonction d'un Musée étant de puiser dans ses collections pour éclairer le présent par le passé, nous commençons une exposition temporaire à partir de nos réserves datant, non de l'Antiquité, mais bien de... 2015. Accélération du temps, l'archiviste en chef est sidéré des découvertes exhumées des collections... Première pièce, un point de vue du Concierge concernant le jeu au centre par Mélenchon de l'élection alors à venir confisquée au final par l'extrême-centre moustachu(e)...
(Le Concierge)
Jean-Luc Mélenchon avait fait une formidable campagne présidentielle (en 2012 NDE), notamment sur le thème qui intéresse particulièrement ce blog, celui de l'Europe. Lors de ses meetings, il avait fait preuve d'une pédagogie inouïe de l'imposture européenne, cache-sexe à douze étoiles des pouvoirs les plus authentiquement réactionnaires. Il est embourbé depuis dans la logique inhérente au champ politique. En se présentant aux élections européennes pour renouveler son mandat là où il importait de dénoncer une vaste mascarade (mais qu'allait-il faire à Hénin-Beaumont au lieu de s'assurer la tribune de l'Assemblée Nationale là où l'euro-fascisme progresse sur tous les bancs?). Ensuite par la nécessité de l'alliance avec un PC dont la survie de l'appareil dépend d'alliances avec le PS aux élections locales nationales, puis dans la recherche d'une troisième force alternative avec les Verts et les frondeurs. Il se trouve que malheureusement ces derniers, qu'ils soient de centre droit ou de centre gauche, sont de fidèles catholiques zombies du culte européen et des images d’Épinal de Mitterrand et Köhl à Verdun, mais aussi d'une idéologie non-moins catholique zombie de l'amitié en général entre les peuples qui annulerait magiquement les rapports de puissance entre entités qui sont tout autre chose que l'interactionnisme entre des myriades d'objets se prenant pour des sujets. La réaction de Cécile Duflot[1] au livre de Mélenchon, le Hareng de Bismarck sonne déjà la fin de la messe. C'est d'ailleurs cette incapacité à penser, au-delà du sujet narcissique, les terrifiantes puissances du monde social que les Grecs Anciens (dont les homonymes contemporains crèveront puisque Cécile Duflot donne la priorité à "une autre Europe"[2]) représentaient comme des Dieux soufflant sur la voile d'Ulysse, contre laquelle met en garde, en historien et sociologue, le très courageux Emmanuel Todd. Cette incapacité repose aussi sur la désastreuse vulgate historique qui tient lieu de catéchisme scolaire, même quand elle prétend enseigner plus largement les civilisations du monde pour lutter contre l'ethnocentrisme et pour la concorde universelle de sociétés sans classes dont le projet fumeux d'abolition s'est réalisé en esprit, même quand elle se présente comme le Manuel d'histoire critique du Monde Diplomatique qui doit faire se retourner Marc Bloch dans sa tombe. Tout cela ne fait qu'alimenter des polémiques médiatiques parfaitement vaines entre pseudo intellectuels soit-disant progressistes et réactionnaires qu'il faut renvoyer dos-à-dos sans être dupe de ces stratégies narcissiques petite-bourgeoises en quêtes de parts de marché médiatique menant à diverses prébendes à l'occasion de la énième réforme des programmes (comme si tel était le problème du Collège, mais là encore c'est la sociologie que ce faux débat permet d'enterrer). S'opposant en apparence, ils et elles sont parfaitement d'accord sur l'essentiel, c'est par l'âme ou le nombril (ce qui est un peu la même chose) qu'on explique l'histoire, certainement pas par des forces historiques qui finissent toujours par échapper en apocalypse même aux groupes sociaux les plus dominants et les mieux organisés.
La réaction de Cécile Duflo[3]au livre de Jean-Luc Mélenchon dit assez combien c'est son mode de vie et le kitsch intellectuel qui l'accompagne (il fut un temps où on appelait ça "porter sa classe") qui prédomine sur le sens de l'histoire, tel qu'historiens et sociologues ont su développer des outils pour la comprendre et qui n'ont strictement rien à voir avec la fabrique scolaire de l'histoire scolaire. Elle dit l'échec programmé de toute stratégie politique qui s'entête à se concentrer sur le seul marché électoral qui paraisse solvable en terme de demande, celui des classes moyennes ayant connu leurs premiers émois lors d'un échange linguistique en Allemagne ou un Forum Social Mondial en Afrique.
Ajoutons des propos mélenchoniens qui ont le don de faire dresser le poil de nos compatriotes de culture musulmane et pas seulement le soutien pompier à la bourgeoisie tunisienne hystérique sous faux nez gauchiste, l'hommage récurrent à son mentor, Mitterrand, assorti du chapeau et de l'écharpe (qui ne fait pas enrager que les chômeurs dunkerquois), l'acte de foi dans les classes moyennes en réponse à Emmanuel Todd, et...il est clair qu'on n'obtient pas un mouvement populaire !
On peut bien sûr considérer l'auteur de ces lignes particulièrement naïf et que l'homme Mélenchon n'est jamais que la gauche du PS acquise aux thèses électoralistes de la deuxième gauche, donc un homme du passé. Mais au-cours de la campagne présidentielle, nous avions cru percevoir comme la possibilité d'un "politique collectif" appuyé par un "intellectuel collectif" pour arrêter la marche en avant de la contre-révolution politique et symbolique. Soit une toute autre façon de faire de la politique évoquant le formidable moment politique que fut la campagne référendaire de 2005. Illusion ou non, il nous semble que cette utopie rationnelle mériterait d'être pensée et tentée. L'heure est proche où d'autres cristallisations comme celle du 11 janvier achèverons de nous faire basculer dans un "autre monde" qui ne sera pas celui de l'utopie kitchissime des alter-mondialistes...
Le Concierge
Mai 2015
(Les notes sont du Commissariat de l'exposition, novembre 2018)
Notes
[1] L'ancienne ministre écologiste répond au leader du Front de gauche à propos de son livre «Le Hareng de Bismark» Mais qui se souvient de Cécile Duflot, à part celles qui se disent qu'elles pourraient bien prendre sa place dans le champ ? Caroline De Haas a tiré la première et s'est brûlé les ailes, Laurence De Cock fait des manœuvres dignes d'une préparation militaire d'opérette (dans la nature de la chose menant au statut d'Officier de réserve...), soutenue certes par la Grosse Bertha Moustachue (GBM) de Médiatarte(comme la précédente citée à l'époque) et quelques fantassins de l'édition indépendante (de tout sauf du marché scolaire !)... Quelles autres candidates, "féministes et écologistes" (désormais "décoloniales" mais incapables de même VOIR une colonisation commise sous leurs yeux, en Grèce par exemple ?) dans la course à l'échalotte bio pour décrocher le téléphone de la cabine où se réunissait le PRG (propriété du Musée de l'Europe, rappelons-le !) ? "Transfert historique" comme disent les didacticiens... Tant il est vrai que même quand il y a le feu à la maison commune, il n'y a pas besoin d'avoir lu Proust pour savoir que dans la société à statut, vivant dans un éternel présent n'envisageant l'avenir que comme une progression de carrière, la seule chose qui change ce sont les modes automne et hiver du Bal de l'Indignation (accélération du temps : la mode change toutes les semaines, course contre la montre de la crise de surproduction symbolique...) - Note du Commissariat de l'exposition (2018)
[2] collections du Musée de l'Europe
[3] Lire aussi pour en savoir plus sur cette femme politique du début du XXIème siècle (mais ce qui n'a pas trop marché à l'époque peut marcher dans une autre conjoncture) : Breaking the news : candidature de Cécile Duflot ; Réponse de Cécile Duflot à l'adresse aux Députés ayant signé une motion de censure de gauche mais refusé de voter la motion de censure de droite. Bon, si on pouvait tuer les prochain(e)s supplétif(ve)s dans l'oeuf médiatique, le Concierge dit ça, il ne dit rien (Note du Musée, 2018)