La cigale, la fourmi, Iphigénie et Antigone
Par Le concierge du Musée le dimanche 12 juillet 2015, 19:32 - Bibliothèque - Lien permanent
Conférence de Yanis Varoufakis à la Fondation Hans Böckler (Berlin) le 5 juin 2015
Vampire, John Carpenter
Dès le premier jour de mon mandat, j’ai fait une proposition simple à nos partenaires de l'Eurogroupe : parallèlement à nos négociations, mettons-nous d'accord aussi vite que possible sur un nombre de réformes que nous jugeons conjointement absolument nécessaires et sur lesquelles les précédents gouvernements ont refusé de s’engager.
Laissez-nous faire adopter par notre Parlement trois ou quatre projets de loi pour lutter contre l'évasion fiscale, pour mettre en place une autorité fiscale totalement indépendante, pour frapper un grand coup contre la corruption, pour réformer le code des impôts sur le revenu, pour réguler et taxer les chaînes de télévision et ainsi de suite. Laissez-nous mettre immédiatement en œuvre ces réformes pendant que les négociations « plus larges » continuent.
La réponse que j’ai reçue est sans équivoque : « Non ! Vous ne pouvez rien voter tant que le programme d’aide à la Grèce n’a pas été totalement revu et corrigé. Toute loi sera considérée comme une action unilatérale et mettra en périls vos relations avec les institutions. »
Les raisons de l'opposition grecque
On me demande souvent : « Pourquoi n’avez-vous pas conclu rapidement un accord avec les institutions. » Il y a trois raisons à cela.
Premièrement, les institutions nous imposent des objectifs chiffrés incohérents. Elles commencent par nous fixer comme objectif d’atteindre un taux de croissance d’environ 3 %. Très bien. Mais pour rester en adéquation avec leur objectif de réduction de notre dette à 120 % du PIB d’ici 2022, elles réclament un excédent primaire qui dépasse les 3 %, avec de grandes réformes fiscales pour y parvenir. Le problème est qu’imposer à notre fragile économie les mesures budgétaires nécessaires pour atteindre un tel niveau d’excédent primaire aura des effets récessifs très forts qui vont nous empêcher d’arriver à un taux de croissance de 3 %.
Deuxièmement, nous sommes peut-être un gouvernement de gauche radicale, mais les blocages idéologiques qui rendent impossible un accord viennent des institutions. Prenez par exemple leur volonté de faire de la Grèce une zone sans protection du travail. Il y a deux ans, la troïka et le gouvernement d’alors ont supprimé les négociations collectives. Les travailleurs grecs doivent désormais négocier individuellement avec leurs employeurs. Le droit du travail qui a pris plus d’un siècle à être mis en place a été balayé en quelques heures. Cela n'a pas permis d'augmenter le niveau de l’emploi ou d'améliorer l’efficacité du marché du travail. Mais cela a fait exploser le travail au noir, condamnant le système des retraites et les caisses de l’Etat à une crise permanente.
Notre gouvernement a proposé de porter l'affaire devant l'Organisation internationale du travail afin qu’elle nous aide à rédiger un projet de loi moderne, flexible, pro-business, qui replacerait la négociation collective à sa juste place dans une société civilisée. Les institutions ont rejeté cette proposition, estimant que c’était un « retour en arrière sur les réformes ».
La troisième raison pour laquelle nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord avec les institutions renvoie aux mesures socialement injustes qu’elles tentent de nous imposer. Par exemple, les retraites les plus faibles en Grèce sont de 300 euros, dont plus de 100 euros viennent des « pensions de solidarité », EKAS. Les institutions veulent supprimer les EKAS et augmenter la TVA sur les médicaments (dont ont besoin les retraités) de 6 % à 12 % et sur l’électricité de 13 % à 23 %. Dit simplement, aucun gouvernement qui a une once de sensibilité envers les plus faibles de ses citoyens ne peut être d'accord avec de telles propositions.
Lire l'intégralité de ce texte traduit par Alexis Toulon pour le site Alterecoplus