Le fumier du Diable
Par Le concierge du Musée le mardi 11 août 2015, 19:37 - Appels - Lien permanent
Discours du Pape À LA IIe RENCONTRE MONDIALE DES MOUVEMENTS POPULAIRES
Un Pape de gauche altermondialiste, c'est un peu comme un Président américain noir... Ou un Premier ministre grec de "gauche radicale" ! Apprendre à s'en méfier pour se méfier des partis politiques (mais aussi tant qu'on y est des gauchistes addicts au culte de l'athéisme en général, le social étant par nature religieux au sens sociologique du terme) et du discours qui masque la centralisation de la Curie régnant sur le monde chrétien au nom de l'universalisme (toute ressemblance avec la République française...et l'aspiration à un gouvernement mondial, ouaf ouaf!) ? Peut-on ne pas croire ? Non. il faut. Mais pas en l'homme : juste profiter du soutien institutionnel tant qu'il existe pour faire avancer les conquêtes populaires à toute vitesse sans s'en remettre à l'institution que cache l'homme, parfois sincère, mais dans les limites permises par un système affaibli qu'il contribuera à relégitimer, éventuellement à son corps défendant. Et alors malheur aux résistants sortis de l'ombre... Bisque bisque rage à tous les "rationalistes" en retard d'un "esprit fort" !
Le Concierge
La Paz (Bolivie), ce 9 juillet 2015 - La sculpture a été réalisé par le père jésuite Luis Espinal, également poète et artiste, assassiné en 1980 par des paramilitaires d'extrême droite, auquel le pape a rendu hommage mercredi à son arrivée à La Paz.
Commençons par reconnaître que nous avons besoin d’un changement. Je veux clarifier, pour qu’il n’y ait pas de malentendus, que je parle des problèmes communs de tous les latino-américains et aussi de toute l’humanité en général. Des problèmes qui ont une racine globale et qu’aujourd’hui aucun Etat ne peut résoudre seul. Cette clarification faite, je propose que nous nous posions ces questions :
Reconnaissons-nous vraiment que les choses ne marchent pas bien dans un monde où il y a tant de paysans sans terre, tant de familles sans toit, tant de travailleurs sans droits, tant de personnes blessées dans leur dignité ?
Reconnaissons-nous que les choses ne vont bien quand éclatent tant de guerres absurdes et que la violence fratricide s’empare même de nos quartiers ? Reconnaissons-nous que les choses ne vont pas bien quand le sol, l’eau, l’air et tous les êtres de la création sont sous une permanente menace ? Donc, si nous le reconnaissons, disons-le sans peur : nous avons besoin d’un changement et nous le voulons.
Vous m’avez rapporté – par vos lettres et au cours de nos rencontres –les multiples exclusions et les injustices dont vous souffrez dans chaque activité de travail, dans chaque quartier, dans chaque territoire. Elles sont nombreuses et si diverses comme nombreuses et diverses sont les manières de les affronter. Il y a, toutefois, un fil invisible qui unit chacune des exclusions. Elles ne sont pas isolées, elles sont reliées par un fil invisible. Pouvons-nous le reconnaître ? Car, il ne s’agit pas de questions isolées. Je me demande si nous sommes capables de reconnaître que ces réalités destructrices répondent à un système qui est devenu global. Reconnaissons-nous que ce système a imposé la logique du gain à n’importe quel prix sans penser à l’exclusion sociale ou à la destruction de la nature ?
S’il en est ainsi, j’insiste, disons-le sans peur : nous voulons un changement, un changement réel, un changement de structures. On ne peut plus supporter ce système, les paysans ne le supportent pas, les travailleurs ne le supportent pas, les communautés ne le supportent pas, les peuples ne le supportent pas... Et la Terre non plus ne le supporte pas, la sœur Mère Terre comme disait saint François.
Nous voulons un changement dans nos vies, dans nos quartiers, dans le terroir, dans notre réalité la plus proche ; également un changement qui touche le monde entier parce qu’aujourd’hui l’interdépendance planétaire requiert des réponses globales aux problèmes locaux. La globalisation de l’espérance, qui naît des peuples et s’accroît parmi les pauvres, doit remplacer cette globalisation de l’exclusion et de l’indifférence !
Je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur le changement que nous voulons et dont nous avons besoin. Vous savez que récemment j’ai écrit sur les problèmes du changement climatique. Mais, cette fois-ci, je veux parler d’un changement dans un autre sens. Un changement positif, un changement qui nous fasse du bien – nous pourrions dire – rédempteur. Car nous en avons besoin. Je sais que vous cherchez un changement et pas vous uniquement : au cours de nos diverses rencontres, au cours de différents voyages, j’ai constaté qu’il existe une attente, une intense recherche, un ardent désir de changement de la part des peuples du monde. Même dans cette minorité, toujours plus réduite qui croit bénéficier de ce système, règnent l’insatisfaction et spécialement la tristesse. Beaucoup espèrent un changement qui les libère de cette tristesse individualiste asservissante.
Le temps, frères et sœurs, il semble que le temps soit sur le point de s’épuiser ; nous quereller entre nous ne nous a pas suffi, et nous nous acharnons contre notre maison. Aujourd’hui, la communauté scientifique accepte ce que depuis longtemps de simples gens dénonçaient déjà : on est en train de causer des dommages peut-être irréversibles à l’écosystème. On est en train de châtier la terre, les peuples et les personnes de façon presque sauvage. Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, on sent l’odeur de ce que Basile de Césarée – l’un des premiers théologiens de l’Église - appelait “le fumier du diable” ; le désir sans retenue de l’argent qui commande. C’est cela ‘‘le fumier du diable’’. Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan. Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune, la sœur et mère terre.
Je ne veux pas m’étendre en décrivant les effets pernicieux de cette dictature subtile, vous les connaissez. Il ne suffit pas non plus de signaler les causes structurelles du drame social et environnemental contemporain. Nous souffrons d’un certain excès de diagnostic qui nous conduit parfois à un pessimisme charlatanesque ou à nous complaire dans le négatif. En considérant la chronique noire de chaque jour, nous croyons qu’il n’y a rien à faire sauf prendre soin de soi-même ainsi que du petit cercle de la famille et de ceux qui nous sont chers.
Que puis-je faire, moi, chiffonnier, comptable, ramasseur d’ordures, agent de recyclage, face à tant de problèmes si je gagne à peine assez pour manger ? Que puis-je faire, moi, artisan, vendeur ambulant, transporteur, travailleur exclu si je n’ai même pas les droits des travailleurs ? Que puis-je faire, moi, paysanne, indigène, pêcheur qui peut à peine résister à l’asservissement des grandes corporations ? Que puis-je faire, moi, depuis mon bidonville, depuis ma cabane, de mon village, de ma ferme quand je suis quotidiennement discriminé et marginalisé ? Que peut faire cet étudiant, ce jeune, ce militant, ce missionnaire qui parcourt les banlieues et les environs, le cœur plein de rêves, mais sans presqu’aucune solution pour vos problèmes ? Ils peuvent faire beaucoup ! Ils peuvent faire beaucoup. Vous, les plus humbles, les exploités, les pauvres et les exclus, vous pouvez et faites beaucoup. J'ose vous dire que l'avenir de l'humanité est, dans une grande mesure, entre vos mains, dans votre capacité de vous organiser et de promouvoir des alternatives créatives, dans la recherche quotidienne des trois ‘‘T’’, d’accord ? (travail, toit, terre) et aussi, dans votre participation, en tant que protagonistes, aux grands processus de changement, changements au niveau national, changements au niveau régional et changements au niveau mondial. Ne vous sous-estimez pas !
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