Mesdames et messieurs les députés, camarades du Syriza, il ne vous suffit pas de dire « nous n’adoptons pas le mémorandum », quand vous adoptez, soutenez et votez la suppression des tous derniers remparts garantissant le fonctionnement parlementaire, et la façon dont cela s’est fait, ces derniers jours, fut vraiment terrifiante ; je vous confesse que j’ai eu honte, quand j’ai entendu M. Mardas |3| adopter le stratagème que lui avait suggéré M. Venizelos : rebaptiser ce projet de loi –qui consistait en la ratification d’un accord- en prétendu « projet de loi relatif au régime des retraites ». Ainsi, nous ne votons pas un mémorandum ? Nous votons donc un projet de loi portant sur les retraites ?...

Il ne vous suffit pas de dire « le mémorandum n’est pas notre choix », quand vous choisissez d’adopter, sans discussion préalable, des dispositions inconstitutionnelles, a fortiori des dispositions portant sur des réductions des pensions de retraite.

Il ne vous suffit pas de dire « le SYRIZA a des principes, des organes, des procédures », quand rien de cela n’est respecté et quand vous savez pertinemment qu’hier déjà, sans décision d’aucun des organes du Syriza en la matière, quatre des membres du groupe parlementaire SYRIZA, s’associant avec les forces du mémorandum, ont tenté –qui plus est, en apposant de façon mensongère la signature d’un cinquième membre, M. Mitropoulos- de contourner la Présidente du Parlement, elle-même membre du Syriza, et les quatre présidents des commissions compétentes pour débattre de ce projet de loi. Si cela n’est pas une tentative de coup parlementaire, alors je ne saurais comment le qualifier.

Il ne vous suffit pas de dire que le SYRIZA a des principes, il ne vous suffit pas de dire que le Syriza a des principes, des organes, des procédures quand, sans décision d’aucun des organes du SYRIZA, et au mépris de toutes les décisions des organes collections, des députés, rapporteurs, représentants parlementaires du SYRIZA se présentent et prennent position au nom du parti de façon absolument contraire à nos positions collégialement définies, et il ne suffit aucunement que cela corresponde à la volonté du gouvernement car notre parti, le SYRIZA, a des positions claires sur les relations entre parti, groupe parlementaire, gouvernement, sur les rapports entre gouvernement et Parlement, etc. et sur le rôle de garant que remplissent les organes dans le contrôle du pouvoir. Ces positions ont été présentées lors de l’allocution de notre Président le 28 juin 2013 à la Chanée, avec pour axe principal le renforcement du rôle de contrôle du Parlement face au pouvoir exécutif, allocution dont je soumets la copie aux Actes de la Chambre, et que je vous remercie de bien vouloir enregistrer.

Mesdames et messieurs les députés, nous sommes non pas ce que nous disons, mais ce que nous faisons. Et aujourd’hui je veux être ce que je crois être le plus apte à faire, peut-être parce que c’est ce à quoi j’ai choisi de consacrer ma vie : la défense, des êtres victimes d’attaques, d’injustices, de ceux dont l’existence même, les droits, la dignité ou la liberté sont menacés ; la défense de principes et de valeurs quand ceux-ci sont bafoués, la défense de la vérité quand elle est écornée et déformée, la défense de mes camarades quand ils subissent des attaques cannibales, de Panaghiotis Lafazanis, Nadia Valavani, Yanis Varoufakis, Tassos Koronakis, de chacun et chacune de ceux qui ont subi cette impitoyable attaque ; la défense du peuple, la défense des biens publics sur lesquels louchent, à l’instant où je vous parle, les vautours du totalitarisme européen ; la défense de la richesse publique, la défense de l’intérêt public qui lui aussi est bafoué, et à ce titre, l’intervention de l’ex ministre des Finances, M. Varoufakis, est significative, relativement à la suppression de procédures qui permettraient de lutter efficacement contre l’évasion fiscale.

Aujourd’hui, je ne défendrai plus le Premier Ministre, car il m’a lui-même convaincue que je dois cesser de le faire, lorsqu’il a qualifié publiquement de « surréaliste », c’est-à-dire d’une forme de fantasme, de folie, de quelque chose de cet acabit, comme le soutiennent certaines publications, le fait que j’affirme le soutenir tout en refusant de voter ce que lui-même a été contraint de signer par le chantage. Il a ajouté qu’il n’est pas un gamin et qu’il dispose d’autres moyens de défense.

Bien sûr, le Premier Ministre a mésestimé le fait que, en soutenant sa personne, je ne soutiens pas seulement le camarade et l’ami cher, le chef du parti auquel j’appartiens, mais aussi le Premier Ministre du pays et le capital politique du premier Premier Ministre de gauche, du plus jeune aussi, un capital politique dont je pensais et pense encore qu’il n’avait personnellement aucun droit de le réduire à néant, car ce capital politique représente les attentes et l’espoir d’un peuple tout entier pour quelque chose de différent, pour une lueur, pour le progrès, la cohérence, la dignité.

Je suis meurtrie et attristée par le choix d’Alexis Tsipras d’ajouter son nom à la liste des premiers ministres des mémorandums, par son choix de laisser jeter en pâture aux chiens ceux de ses camarades qui ont exprimé leur désaccord avec lui, son choix de ne pas accepter d’être soutenu par la Présidente du Parlement à qui il avait personnellement accordé sa confiance, en pleine connaissance de ce que je fais et dis, et du fait que je ferais preuve d’originalité en respectant tout ce que j’avais déclaré avant les élections, chose que j’ai toujours cru qu’il le ferait lui-même, et d’accepter le soutien –comme ils prétendent le soutenir- depuis si longtemps, depuis de si longs mois, mais de façon particulièrement intense ces dernières semaines, des représentants du plus ancien, du plus corrompu des régimes collusifs, mais aussi des nouvelles recrues des aspirants à la collusion, de Monsieur Kouris propriétaire du journal « Avriani..., de l ’« avrianisme » à l’ancienne à M. Periodista (bloggeur) aux accointances notoires, qui feignent de soutenir le Premier Ministre, par la diabolisation et la prise à partie, la psychiatrisation et les attaques cannibales contre des membres du Syriza et moi-même en tant que Présidente du Parlement. Face à ceux-là, je me défendrai moi-même, mon parcours, ma dignité, mon existence, nonobstant le fait que ceux qui, par leur fonction institutionnelle, avaient le devoir de le faire, quand bien même je ne le leur aurais pas demandé à maintes reprises au cours des derniers mois, ne l’ont pas fait.

Messieurs du gouvernement, vous n’avez pas le droit - et c’est la dernière occasion pour vous d’endosser cette responsabilité - de placer sur les épaules du pays un nouvel emprunt, en acceptant le paiement d’une dette illégale. Le Premier Ministre de Grèce, au lendemain du chantage, nous a demandé, à nous tous qui croyions qu’il existait des alternatives, de lui soumettre des propositions. Un mois s’est écoulé depuis lors. J’avais alors déclaré clairement que je croyais qu’il existait des alternatives. J’avais dit, alors, que le Parlement avait créé des alternatives : il a créé la Commission de Vérité sur la Dette Publique qui effectue un audit de la dette, obligation de tout pays placé sous mémorandum, conformément au règlement 472 en vertu duquel le présent projet de loi est introduit. Et personne n’a daigné me dire pour quelle raison l’avis de cette Commission, qui aboutit à la conclusion que cette dette est illégale, odieuse, et insoutenable n’a pas été placé au premier plan, n’est pas devenu la bannière de la revendication du gouvernement. Personne ne m’a expliqué pourquoi, alors que l’avis de la commission et le fonctionnement même de cette commission sont salués par les organes compétents de l’ONU, le gouvernement fait comme si tout cela n’existait pas. Personne ne m’a répondu, pour quelle raison, alors qu’il est fait mention de cet avis dans le rapport récent de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, qui souligne que le peuple grec ne peut supporter encore d’autres mesures d’austérité qui constituent une violation des droits de l’homme, on ne le mentionne même pas, on ne s’y réfère nulle part. Personne ne m’a expliqué pour quelle raison, alors que depuis le 25 juin, la Conférence des Présidents, sur requête de 55 députés du Syriza, a décidé de débattre de cet avis en assemblée plénière, discussion qui permettrait d’ouvrir un nouveau débat au niveau international – nous avons de très nombreux alliés dans le monde entier – cela constituerait en soi un évènement mobilisateur de forces pour le soutien du gouvernement en vue d’une meilleure solution que cette abomination, personne ne m’a répondu pour quelle raison, jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement n’a pas demandé, n’a pas suggéré une date de débats. Je l’ai également demandé dans ma dernière lettre au Premier Ministre, le 31 juillet 2015, où je répondais à sa requête de fermer le parlement jusqu’au 16 août 2015, date à laquelle le parlement aurait été fermé ; si je n’avais été convaincue par les assurances du Premier Ministre que rien ne serait débattu au Parlement, j’aurais fait pression afin qu’avant-hier, le Parlement débatte de cet avis-là (ndlt : de la Commission de Vérité sur la Dette) et non pas du Troisième Mémorandum. Je n’ai pas de réponse quant à la raison pour laquelle, alors qu’il existe un avis de la Commission du Bureau de la Comptabilité Générale portant sur une exigence de la Grèce atteignant, selon les calculs les plus modérés, la somme de 340 milliards d’euros (au titre des réparations de Guerre), et c’est une commission créée par M. Staïkouras (ndlt : ministre adjoint des finances du gouvernement Samaras), il ne s’agit pas de la commission créée par le gouvernement Syriza-ANEL, personne ne me dit pourquoi cette exigence n’a pas été inscrite au budget, personne ne m’a expliqué les raisons du rejet de ma requête demandant que ma lettre, qui dénonçait une violation du fonctionnement démocratique, soit communiquée à mes homologues et Premiers Ministres ; elle a été implicitement rejetée, puis elle a été rejetée par écrit par le Président de la République, lequel, en contradiction avec ce que prévoient les institutions, a déclaré que mon avis concernant la violation du fonctionnement démocratique constitue mon point de vue strictement personnel. Mais c’est le Président de la République, et non la Présidente du Parlement, qui a écrit deux essais sur les violations de la légalité démocratique par les mémorandums…

Tout cela, et bien d’autres choses encore, comme le recours aux forums compétents, aussi bien du Conseil de l’Europe que de l’Europe et de l’ONU, ont constitué des propositions alternatives, et je n’ai obtenu aucune réponse quant aux motifs pour lesquels elles ont été rejetées.

Je n’ai toujours pas de réponse, et je ne veux pas croire que la raison en soit l’attachement obsessionnel à ce qu’avait dit, selon moi de façon tout à fait sommaire, l’actuel ministre de l’Économie, M. Stathakis, à savoir que seulement 5% de la dette serait prétendument odieuse ; les conclusions des commissions établissent qu’il n’en est rien et que nous sommes en droit de réclamer l’annulation totale de la dette ; je ne veux pas croire ce que j’ai entendu de la propre voix du ministre, à savoir que nous ne parlons finalement plus de chantage, mais de décision stratégique du gouvernement et d’un véritable choix.

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues, il s’agit bien ici du Troisième Mémorandum, ce que nous ne sommes en rien habilités à voter, et quiconque vote pour cela sait pertinemment, pour toutes les raisons que je vous ai exposées, pour toutes nos références mais surtout pour toute sa relation vécue avec les mouvements de revendication de protection des biens publics, Skouries, Elliniko, les aéroports qui sont bradés, a fortiori irrévocablement, les organismes portuaires, et chaque beauté, chaque coin de notre terre, avec la DEH, l’ADMIE, chacune et chacun de nous sait pertinemment pourquoi nous n’avons pas le droit de voter ce mémorandum. Mesdames et messieurs les députés, le jour se levant, j’aimerais que nous puissions tous dire qu’il ne s’agissait que d’un cauchemar, que nous nous sommes réveillés et que rien de tout ce que nous avons vécu de si traumatisant et douloureux n’était réel. Malheureusement, il n’en va pas ainsi. Mais cela nous intime l’obligation de nous battre, non pas pour donner raison au(x) cauchemar(s), mais pour ce pour quoi, à travers le temps, nous nous sommes toujours battus : pour que les rêves prennent leur revanche.

Traduit du grec par Marie-Laure Veilhan et publié par le CADTM