Discours de Yanis Varoufakis à Frangy, bilan de six mois de tentatives de négociations ayant révélé la véritable nature de l'Union européenne et la menace mortelle qu'elle fait peser sur chacun d'entre-nous. Notons cependant que le gouvernement grec n'a tiré aucune conclusion de cette guerre d'agression économique, s'étant lourdement trompé sur la nature réelle de cette Union, victime d'européisme béat. C'est ainsi que Yanis Varoufakis lui-même a refusé dès le début et jusqu'à la capitulation de Tsipras (entouré d'anciens du PASOK) d'établir un véritable rapport de force avec la seule arme disponible, la dénonciation de la dette grecque, comme l'a expliqué Eric Toussaint du CADTM. Continuer à revitaliser le mythe européen, est-ce vraiment raisonnable ? Et que dire de la plaidoirie pour une Europe fédérale sur le modèle américain dont le fédéralisme a été le principal outil de répression des mouvements sociaux et de concentration des richesses mondiales entre quelques mains ?

Le Concierge

Je suis ici parce que ce qui nous est arrivé est en train de vous arriver. La Grèce est un champ de bataille sur lequel une guerre contre la démocratie européenne, contre la démocratie française, a été tentée et testée.

En mai dernier, en marge d'une autre réunion de l'Eurogroupe, encore un autre, j'avais eu le privilège d'une conversation fascinante avec le Dr Schäuble. Nous avions parlé longuement à la fois de la Grèce et de l'avenir de la zone euro. Plus tard ce jour-là, l'ordre du jour de la réunion de l'Eurogroupe comportait un article sur les changements institutionnels à venir pour renforcer la zone euro. Dans ces conversations, ce que le Dr Schäuble prévoyait pour l'Europe est devenu très clair. Il était également clair que la grande majorité des ministres des Finances étaient d'accord. Michel Sapin n'était pas parmi eux, mais, je ne me souviens pas de l'avoir vu contester ouvertement la vision de Dr Schäuble. Clairement, la France n'est plus ce qu'elle a été...

Et quel est le plan? François Mitterrand savait que la zone euro avait été mal construite. Il croyait que la première grande crise de l'euro obligerait ses successeurs à introduire l'union politique nécessaire pour sauver l'Europe d'une fragmentation semblable à celle des années 1930. Il avait tort.

Une crise à grande échelle est bien sûr inévitable lorsque le contrôle sur l'argent de différentes nations est concédé à des "technocrates" déconnectés de tout processus parlementaire susceptible de l'infléchir si nécessaire. Une fois que la crise inévitable éclate, les intérêts nationaux refont surface sur un mode vengeur. L'histoire a prouvé que Mitterrand avait tort: La crise a opposé une nation fière à un autre et a repoussé à un avenir lointain une solution fédérale.

Nous sommes restés avec le plan de Dr Schäuble: Un seigneur du budget Eurozonal (peut-être une version glorifiée de président de l'Eurogroupe) muni uniquement de pouvoir négatif, ou de veto, sur les budgets nationaux. Sur le budget de la France, pour être précis. Un Eurogroupe qui devient de plus en plus puissant pendant que la Commission européenne se fane à l'arrière-plan, confinée à des questions d'importance mineure.

A ceux qui disent «plus d'Europe» et parlent en faveur d'une «union politique», je dis: méfiez-vous! L'Union soviétique était aussi une union politique. La question est: Quel genre d'union politique? Un royaume démocratique de prospérité partagée? Ou une cage de fer pour les peuples d'Europe?

Une démocratie fédérale comme l'Allemagne, les Etats-Unis ou l'Australie, permettez-moi de vous le rappeler, est fondée sur la souveraineté de ses citoyens, comme en témoigne le pouvoir de ses représentants fédéraux de légiférer au nom du peuple souverain.

En contraste, le Plan Schäuble conçoit seulement des pouvoirs négatifs: Un seigneur du budget qui peut seulement dire «non», mais a une capacité très limitée de recycler les excédents vers les régions déficitaires de l'Europe - ce qu'un système fédéral ferait.

Le problème posé par ce plan est double. Premièrement, il ne permet pas de protéger et de gérer la macro-économie de la zone euro. Deuxièmement, il viole les principes fondamentaux de la démocratie libérale occidentale.

Alors, que vient faire la Grèce dans tout cela? Elle est utilisée dans une sorte de conte moral, pour vous démontrer à vous ce qui vous attend si vous résistez à cette version disciplinaire de l'union politique. Le Grexit est conçu comme une menace pour forcer le peuple de France à accepter comme un moindre mal l'austérité permanente, la crise permanente et le contrôle de votre destin par des irresponsables, des gens sans visage, des pseudo-technocrates économiquement analphabètes.

Ne vous méprenez pas: Notre gouvernement a été écrasé, car nous avons osé dire non à la Troïka à une époque où elle avait des plans pour venir à Paris. Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenus. "Nous sommes tous des Grecs désormais" non pas parce qu'il y a quelque chose de supérieur chez les Grecs, mais parce que le printemps d'Athènes a allumé une petite bougie d'espoir chez tous les Européens. Une bougie que la Troïka devait éteindre à tout prix, de peur que son autorité soit contestée par le spectre de la démocratie.

Lire l'intégralité sur le blog de Monika M. que nous remercions pour son précieux travail de traduction.