Les années apocalyptiques en réalité ne font que revenir en réalité. Hormis les mémoranda et les autres Traités néocoloniaux de l’Européisme et de la mondialisation, les Grecs observent et subissent surtout les conséquences d’une immigration incontrôlée et massive depuis... l’autre monde moderne.

La situation dans les îles grecques de l’Égée orientale est désormais hors contrôle. Sur le port de Mytilène où s’entassent certaines milliers d’immigrés et de refugiés, c’est comme un avant-goût du conflit... qui vient. Entre la destruction d’une partie du port, l’arrêt de son activité et la violence entre migrants et la violence tout court, la société se trouve autant au bord de l’insurrection, paraît-il au besoin armée, histoire de se protéger elle-même, comme de protéger ses biens et son territoire.

D’après les reportages du moment, la situation dans le port de Mytilène est dramatique, il est désormais occupé par les immigrants et les réfugiés, situation dénoncée dans une lettre ouverte du président de l'Autorité portuaire de Mytilène Sotíris Zamtrakis.

“L'occupation complète du port de passagers de Mytilène par les immigrants et les réfugiés a été accomplie. Et autant, la destruction complète de toutes les installations portuaires. Il est désormais impossible de fournir nos services aux passagers, aux navires de fret ou aux bateaux touristiques et de plaisance. L'ensemble de la zone du port a été transformée en un vaste dépotoir d’ordures où les gens font aussi leurs besoins... à défaut d’autre solution. Le risque sanitaire est permanent et d’ailleurs visible. Les émeutes et les violences non seulement entre réfugiés, mais aussi, entre eux et les habitants de Mytilène est une question de jours ou d'heures seulement”, (quotidien Kathimeriní du 4 septembre). L’histoire est en route et en déroute une fois de plus.

Dans les cafés d’Athènes, le constat est très amer. “Ils nous dépossèdent de notre pays, d'en bas par les migrants, comme d'en haut par la Troïka. Nous ne savons plus comment réagir... et ce Tsipras, il a démissionné pour en arriver là... aux élections de la grande foutaise. Ces gens se moquent alors de nous et de tout”.

À l'heure du café heureux... et moins cher à Athènes, nombreux sont ceux qui font semblant d’ignorer la gravité de la situation tout comme ses questions alors fondamentales. Toute société démocratique et souveraine doit maîtriser son territoire, son espace qui est autant celui de l’exercice de ses droits et ainsi être en mesure d’accueillir ou pas autrui, ou sinon et surtout, accueillir dignement.

Les tenants de la mondialisation, après avoir détruit délibérément les souverainetés, les économies et les sociétés, ils instrumentalisent en plus cet énorme flux migratoire des désespérés, faisant autant violence sur les sociétés européennes, qui plus est, sous le régime délétère des memoranda. La presse mainstream de Grèce et d’ailleurs, toujours au service de la métadémocratie, n’a pas hésité à faire même un usage quasi pornographique et... nécrochtone, de l’image de ce pauvre garçon noyé en mer Égée (sur la côte de la Turquie), pour ainsi renforcer les clous de sa propagande. L’hybris règne et l’abime de la prochaine histoire en gestation est devant nos portes.

Je sais et je sens que les Grecs des îles ont pratiquement épuisé toutes leurs ressources matérielles et psychologiques de solidarité et d’hospitalité. Depuis des mois, voire des années, ils ont pu accueillir dignement ces familles et ces populations venues de Syrie ou d’ailleurs. Ce n’est plus possible... dans la pire débâcle de l’État comme des identités sociales et nationales extrêmement froissées par les mémoranda à répétition. Sous mes yeux, la cristallisation des mentalités grecques prend alors l’allure déjà d’une déferlante. Élections ou pas d’ailleurs.

Nos gauches, européistes ou non, demeurent enfin bien ignorantes face au problème de fond (souveraineté, démocratie, territoires, processus décisionnel), elles préfèrent alors l’ignorer. La droite européiste, n’en parlons même pas. Hélas, tout cela laisse finalement trop de place (et de parole) aux néonazis avérés de l’Aube dorée. Voilà comment la petitesse finit par engendrer l’énormité dans l’histoire des humains. Ce n’est guère nouveau.

Moments passablement rugueux du degré zéro de la politique. Nous étions pourtant suffisamment prévenus: “L'Europe occidentale contemporaine, comme tout l'Occident, est caractérisée par l'évanescence du conflit politique et social, la décomposition de la société politique morcelée entre lobbies et dominée par les partis bureaucratisés, la propagation de l'irresponsabilité, la destruction accélérée de la nature, des villes et de l'ethos humain, le conformisme généralisé, la disparition de l'imagination et de la créativité culturelle et politique, le règne dans tous les domaines des modes éphémères, des fast-foods intellectuels et du n'importe quoi universel. Derrière la façade d'institutions ‘démocratiques’ et qui ne le sont que de nom, les sociétés européennes sont des sociétés d'oligarchie libérale où les couches dominantes s'avèrent de plus en plus incapables de gérer leur propre système dans leur intérêt bien compris” (Cornelius Castoriádis, “Quelle démocratie?”, tome 2).

Extrait de l'article de Panagiotis Grigoriou paru sur son blog Greekcrisis sous le titre "Temps balayé"