Yanis Varoufakis est un homme remarquable et estimable. Un homme de conviction et de tempérament. Un homme qui sait de quoi il parle lorsqu’il s’agit d’économie et de finances. C’est sans nul doute parce qu’il était en capacité intellectuelle et morale de ne pas s’en laisser compter par les gangsters de l’Eurogroupe que les médias toxiques ont distillé de lui une image caricaturale destinée à le discréditer.

Son rôle dans le crise grecque – qui est d’abord et avant tout une crise de l’UE – et sa visite en France cet été, avec la captation médiatique réalisée autour de lui par deux personnalités de gauche qui, chacune à leur manière, se veulent atypiques, ont créé ce qu’on pourrait appeler « un moment Varoufakis ». Il se prolonge avec sa présence à la fête de L’Humanité ce prochain week end. Avec tout le respect que m’inspire la personnalité de Varoufakis, j’entends montrer les dangers de son propos. Surtout parce qu’ils inspirent des acteurs politiques français qui cultivent l’ambiguïté dès qu’il s’agit de l’UE.

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On regrettera (...) qu’il écarte d’emblée, au nom du danger nationaliste et du risque de fragmentation de l’Europe, toute idée de construire une autre union des peuples d’Europe rendue possible seulement par la dénonciation des traités européens et de leur interprétation extensive par la Cour de Justice de l’Union européenne. Comme si les politiques de l’Union européenne et les institutions conçues pour les mettre en œuvre ne constituaient pas aujourd’hui le plus grand danger de la renaissance du nationalisme et de l’opposition des peuples d’Europe entre eux. Le dogme de la concurrence qui met en compétition les peuples de l’UE, l’impossibilité inscrite dans les traités de toute harmonisation fiscale et sociale qui en est le corollaire, l’impuissance des peuples à encore décider de leur destin, tout cela fournit aux extrêmes-droites nationalistes et identitaires des arguments décisifs bien plus menaçants pour la cohésion de l’Europe.

Le discours de Varoufakis représente dès lors une tentation dangereuse parce qu’il entretient, une fois de plus, l’illusion qu’une autre UE est possible. Comme son crédit médiatique est grand, il capte l’attention de ceux qui, à gauche, entretiennent la confusion des esprits et brouillent à dessein leur message sur l’UE. Il retarde d’autant la prise de conscience à gauche de la nécessité de sortir de l’UE, non pas comme une fin en soi, mais comme le seul moyen de construire l’indispensable union des peuples qui le souhaiteront ; une union où, en lieu et place de la concurrence, la souveraineté populaire sera le principe moteur.

Raoul Marc JENNAR

10 septembre 2015

Lire l'intégralité du texte de Raoul Marc Jennar dont nous n'avons reproduit que l'Introduction et la conclusion