Les trois économistes, Fréderic Lordon (France), Heiner Flassbeck (Allemagne) et Costas Lapavítsas (Grèce), ont apporté un éclairage pas forcement nouveau, mais néanmoins assez accompli (et ainsi pessimiste) de notre impasse, suite notamment à la... mémorandisation de SYRIZA.

Ce débat a été plus important en réalité que le supposé grand débat des journalistes et des chefs politiques qu’a eu lieu pratiquement le même moment dans le studio de la télévision ERT. Pourtant, l’amphithéâtre de la Faculté d’Économie à Athènes ne s’est pas totalement rempli et les medias de la “reductocratie” lui ont accordé une place alors infime.

Pour Fréderic Lordon, “la fonte des glaces en Europe ne fait que commencer. L’acte de décès de l’espoir SYRIZA avait été signe le 13 juillet 2015 (mémorandum III). C’était prévisible, dans la mesure où le but stratégique de SYRIZA était erroné, et par ailleurs, la direction (gouvernement) SYRIZA s’est montrée incapable d’apprendre après avoir analyser les événements en cours. Nous entrons dans une phase extrêmement dramatique et charnière en Europe, tout le monde le voit, ainsi, les pseudo-radicaux à l’instar de Thomas Piketty, veulent instaurer d’urgence un Parlement de l’Euro, une parodie de plus à travers la parodie de la Démocratie en Europe”.

“Car la Démocratie, c’est la possibilité de renverser la situation, chaque situation actuelle. Ainsi, ce que Yanis Varoufákis a déclaré dans une interview récente, accordée à un magazine français est profondément antidémocratique: ‘Il n’y a pas de chemin de retour à partir du moment où l’Union monétaire a été constituée’. Mon désaccord avec une telle logique est alors total, et ce qui est valable pour la Grèce, l’est autant pour nous tous. Il va falloir donc renverser la situation actuelle, celle de l’euro/Allemagne, et redonner ainsi place à l’espoir déchu en juillet dernier... par SYRIZA”.

Heiner Flassbeck (ancien Secrétaire d’État à l’Économie dans son pays) a fustigé “le rôle de l’Allemagne au sein de la zone Euro, bien plus funeste qu’il ne paraît. La politique allemande est complètement erronée, personne n’ose le dire publiquement au sein de l’Eurogroupe, et comme cette erreur de construction de la dite zone continue à bénéficier à l’Allemagne, elle prétend même imposer son ordolibéralisme aux autres pays avec les résultats que l’on constante avec tristesse”.

“J’avais rencontré Alexis Tsipras au Texas en 2013. J’ai eu l’occasion de discuter un peu avec lui. Je lui ai alors posé la question suivante: Après ton élection, si tu vas raconter à Berlin que tu es le nouveau chef de la Gauche en Europe, ils vont rigoler. Il m’a répondu avec naïveté, ‘je leur dirai, que je suis le nouveau Premier ministre de la Grèce et que je représente dix millions de Grecs’. Je lui ai dit, ‘Fais attention, Schäuble te rétorquera très sèchement: ‘Je suis le ministre des Finances de l’Allemagne, j’ai mon mot à dire sur l’Euro et je représente quatre-vingt millions d’Allemands’. La suite des événements m’a donné hélas entièrement raison”.

“L’Allemagne ne changera pas de politique, sauf contrainte et forcée par une puissance supérieure. Par exemple, la France et l’Italie pourraient menacer l’Allemagne de quitter simultanément la zone euro, voire de le faire, dans pareil cas la situation changerait. Il faut pouvoir porter un coup décisif aux intérêts décisifs de l’industrie allemande pour être en mesure de négocier sérieusement avec l’élite de l’Allemagne. La Grèce seule était bien faible, il faut le dire. Enfin, il ne faut plus se voiler... la vérité. Pour sortir de l’impasse, le futur de l’Eurozone aboutira à deux scenarii. La France et l’Italie quitteront la zone de l’euro, ou sinon, des futurs gouvernements nationalistes mettront fin à celle-ci”.

Costas Lapavítsas, a rappelé comment et combien “les mémoranda sont d’abord une guerre contre les pauvres et contre la classe moyenne, par exemple l’imposition qui pèse sur eux a augmenté de 340% depuis 2010, tandis que celle qui concerne les classes vraiment aisées a accru de 9% seulement. Depuis l’entrée même de la Grèce dans la CEE (1981), le pays a perdu essentiellement ses secteurs productifs, agriculture et industrie. Ensuite, l’euro a parachevé la catastrophe”.

“Il faut donc d’abord quitter la zone euro et ensuite, lorsque toute autre politique de restructuration économique et productive du pays en faveur du plus grand nombre de citoyens sera impossible à réaliser au sein de l’Union européenne, eh bien... il va falloir aussi organiser la sortie de l’UE, en expliquant bien les enjeux avant de poser la question au peuple. La route sera longue et pour s’en sortir, la Gauche doit rejeter l’européisme, sinon, l’avenir appartiendra à l’extrême-droite. Sans ce rejet, la Gauche ne se remettra plus jamais...”.

Lire l'article de Panagiotis Grigoriou paru sur son blog Greekcrisis sous le titre "Parodies"