Embouteillages d'escrocs publics-privés dans la porte-tournante bien huilée par la Commission Européenne
Par Le concierge du Musée le mercredi 28 octobre 2015, 17:21 - Observatoire de l'UE - Lien permanent
Un tiers des Commissaires européens sortants (9 sur 26) qui ont quitté leurs fonctions en 2014 ont emprunté la « porte-tournante » pour aller pantoufler dans des multinationales ou d’autres organisations liées au monde des affaires, ce qui fait craindre (sic!) des relations étroitement malsaines entre les organes exécutifs de l’UE et les intérêts privés. Le Corporate Europe Observatory estime que, dans au moins huit cas concernant quatre commissaires, les autorisations n’auraient pas dû être données étant donné le risque possible (sic!) de conflits d’intérêts. C’est le cas notamment de l’autorisation donnée à l’ancienne commissaire (aujourd’hui également parlementaire européenne) Viviane Reding de siéger au CA de la compagnie minière Nyrstar [1], d’Agfa-Gevaert et de la Fondation Bertelsman (qui a des liens intimes avec la multinationale des médias du même nom), de Siim Kallas autorisé à devenir consultant de la compagnie de technologies de l’information Nortal. De plus, d’autres membres de la Commission Barroso II (qui a géré les mesures consécutives au crash financier mondial de la fin de la décennie 2000) sont désormais rémunérés par Bank of aAmerica Merril Lynch (Nellie Kroes) et par l’important fonds de placement privé CVC Capital Partners et le gestionnaire de fortunes Merit Capital (Karel De Gucht). L’ancien Commissaire au commerce Karel de Gucht qui a engagé les négociations du Traité transatlantique (TTIP) a lui aussi reçu la bénédiction de l’actuelle Commission pour rejoindre la compagnie de télécoms Belgacom (aujourd’hui Proximus) [2]. Par ailleurs, l’ancien Président de la Commission, José Emmanuel Barroso en personne a été convié à joindre son rond de serviette aux banquets du lobbying de haut niveau que sont le sommet européen des affaires et la conférence Bilderberg (…)
L’entre-soi de politiciens, fonctionnaires, industriels et lobbyistes connu sous le nom de « Bulle bruxelloise » est constitutif des relations étroites et malsaines entre régulateurs et régulés. Si on y ajoute le phénomène de la porte-tournante entre les secteurs public et privé, les conflits d’intérêts potentiels (sic!) sont très élevés. La porte-tournante est un des aspects de la capture du processus décisionnel par les industriels.
Dans la hiérarchie de la prise de décision politique, les 28 commissaires européens, un par État, sont sans doute les plus importants. Individuellement et collégialement, ils ont le pouvoir d’initier et de négocier des lois et des règlements qui affectent 500 millions de citoyens. Les conditions dans lesquelles 5 sur 13 Commissaires non-reconduits à l’issue de la Commission Barroso I (2004-2010) s’étaient engouffrés dans la porte-tournante pour accéder à de nouvelles fonctions avaient déjà choqué. D’anciens commissaires, qui avaient collégialement géré les conséquences des crises financière et économique pantouflaient dans le CA du géant de l’assurance Munich Re, à la BNP Parisbas, à la compagnie de fonds hypothécaires et d’assurance-vie Credimo, pour n’en citer que quelques-unes.
Pour parler de qui défraya la chronique, Charlie McCreevy qui fut Commissaire au Marché Intérieur avait rejoint le département des produits dérivés du fonds mondial d’investissement BNY Mellon, le CA de Ryanair et celui de Sentenial qui fournit des technologies de paiement aux banques. Dans le même temps, Günter Verheugen, ancien Commissaire aux entreprises et à l’industrie, fondait une firme de consulting nommée The European Experience Company avec son ancien chef de cabinet, rejoignait le conseil consultatif du lobby de consulting FleishmanHillard et devenait Conseiller senior et vice-Chairman chargé des marchés bancaires en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique à Niederlassung Deutschland membre de Royal Bank of Scotland (RBS).
Cela avait déclenché une immense indignation. Environ 50 000 personnes (sic!) signèrent une pétition lancée par ALTER-EU (Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation) réclamant des mesures anti-porte-tournante. Les règles du Code de conduite des Commissaires furent légèrement revues (...)
Comme ce rapport l’illustre au sujet de la fin du mandat de la Commission Barroso II, le problème de la porte-tournante n’a pas été résolu (sic!).
Le Corporate Europe Observatory a montré combien les efforts d’influence des multinationales et de leurs lobbies sur les politiques de l’UE ont remporté des succès sans précédent (sic!) sous la Commission Barroso II, grâce notamment aux liens étroits entretenus avec la Commission. Le livre noir du CEO a montré combien la Commission Barroso II en est venue à agir au nom des multinationales, que ce soit dans le domaine du climat, de l’agriculture et de l’alimentation aussi bien que de la finance, de l’économie et des politiques fiscales. Dans quelle mesure cette capture des politiques perdure par le biais des pantouflages dans le privé et quelle a été l’efficacité des mesures adoptées ? Telles sont les questions auxquelles le présent rapport tente de répondre.
(Le titre et les "sic" sont du Concierge. Il ne s'agit en effet en aucun cas de "dysfonctionnements". Mais d'un système structurellement corrompu dont il faut se débarrasser au plus vite. L'Europe existe. L'UE détruit l'Europe. Sortons de l'UE!)
Notes
[1] Reding a obtenu l'autorisation de la Commission mais sa prise de fonction n'est pas officielle
[2] De Gucht n'a pas encore été nommé au CA de Proximus. La presse a annoncé en septembre 2015 que l'autorisation du gouvernement belge avait été accordée (Proximus est détenu à 53% par l’État belge) et le CA de Proximus doit encore l'homologuer.
Les nouvelles fonctions des Commissaires de Barroso II en trois exemples[1]
Le CEO a compilé dans un tableur les nouvelles fonctions exercées par les anciens membres de la Commission Barroso II. Ces informations proviennent des minutes publiées du Collège des Commissaires de demandes officielles d’accès à des documents et d’autres sources publiques. Il s’agit de la seule liste publique. En voici un résumé (les chiffres sont établis au 23 octobre 2015).
1. Pour 26 Commissaires sortants, on dénombre 117 nouvelles fonctions.
2. Sur 117, 98 ont fait l’objet d’une autorisation dont 37 (38%) ont été soumises au Comité d’Éthique Ad hoc.
3. Un tiers des Commissaires sortants en 2014 (9 sur 26) ont franchi la porte-tournante pour pantoufler dans les multinationales ou d’autres organisations liées au monde des affaires. Quatre Commissaires cumulent huit positions qui n’auraient clairement pas dû être autorisées par la Commission.
4. La Commission n’a refusé aucune autorisation au 1er octobre 2015.
5. Il y a eu trois retraits de demande d’autorisation. Deux émanent de Androulla Vassiliou et l’autre de Connie Hedegaard. La Commission a à ce jour refusé de donner des informations sur les fonctions concernées par ces retraits, mais elles surviennent après avis du Comité d’Ethique Ad Hoc. En ce qui le concerne, Vassiliou a confirmé que le Comité a pointé de possibles conflits d’intérêts pour ces deux fonctions ce qui l’a conduit a retiré sa demande d’autorisation auprès de la Commission.
6. Parmi les multinationales recrutant d’anciens Commissaires, on compte :
Agfa-Gevaert (Viviane Reding);
Bank of America Merrill Lynch (Neelie Kroes);
Belgacom / Proximus 2 (Karel De Gucht);
Bertelsmann (Viviane Reding);
CVC Partners (Karel De Gucht);
Enel (Joaquín Almunia);
Merit Capital (Karel De Gucht);
Nortal (Siim Kallas);
Nyrstar 1 (Viviane Reding);
Syngenta (Janez Potočnik)
7. L’ancien Commissaire le mieux recyclé est José Manuel Barroso avec 22 nouvelles fonctions.
8. La fonction la plus populaire est celle de membre du CA du Think-Tank pro-business Friends of Europe. Quatre Commissaires ont demandé l’autorisation d'y accéder : László Andor, Andris Piebalgs, Androulla Vassiliou etJoaquín Almunia. Trois autres figurent aussi sur le site du Think Tank, Štefan Füle, Michel Barnier et Dacian Cioloș.
9. Štefan Füle n’a demandé l’autorisation pour aucune nouvelle fonction (au 7 août 2015) ce qui ne l’a pas empêché de rejoindre le Conseil d’Orientation du Central European Strategy Council . 10. Siim Kallas, Dacian Cioloș et Michel Barnier, Commissaires sortants sont désormais Conseillers spéciaux de la Commission. Leur collègue Martine Reicherts est retournée à la fonction publique européenne en tant que chef de DG éducation-culture
Pour plus de détails sur tous les Commissaires sortants et leurs nouvelles fonctions, consulter le tableur du CEO « The revolving door between the Barroso II Commission and the corporate sector »
Malgré la réforme du Code de Conduite des commissaires en 2011 consécutif au scandale du passage au privé des sortants de la Commission Barroso I, la pratique s’accommode des règles. L'inefficacité des règles permet que la capture de la Commission Barroso II persiste au-delà de la fin de son mandat..
Étude des Cas
Viviane Reding (Luxembourg)
Anciennes fonctions : Commissaire à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté (2010-2014) ; Société de l’Information et Médias (2010-2014) ; Éducation et Culture (1999-2004) Nouvelles fonctions: Députée européenne, membre du CA de Nyrstar et d’Agfa-Gevaert, Trustee de la Fondation Bertelsmann Foundation etc.
Viviane Reding a quitté ses fonctions après son élection au parlement européen en mai 2014. Une élection qui ne change rien à ses obligations éthiques d’ancienne Commissaire. Elle a obtenu l’autorisation d’occuper de nouvelles fonctions, rémunérées ou non, notamment aux CA de la compagnie minière Nyrstar [2] et Agfa Gevaert (technologies de l’information analogiques et numériques) sous condition qu’elle s’abstienne de « faire du lobbying et de défendre » les intérêts de ces compagnies auprès de la Commission. Le Comité d’Éthique n’a pas été consulté car ces fonctions ont été considérées comme sans rapport avec ses anciens mandats. C’est d’autant plus étonnant qu’on parle de deux multinationales aux intérêts multiples au niveau de l’UE.
Reding a rejoint le Consel d'Agfa Gevaert en mai 2015, son intégration du CA de Nyrstar doit encore être officialisée. Selon nous, Reding n’aurait jamais dû obtenir ces autorisations considérés sa connaissance profonde de la Commission où elle a été en fonction durant 15 ans, son expertise, son savoir-faire politique et ses contacts. Ces compétences sont d’un très grand intérêt pour ces deux multinationales. Elle a aussi pu participer à des décisions du Collège présentant un intérêt direct pour ces compagnies dans beaucoup de domaines. En tant que membre du CA, sa responsabilité sociale est d’agir dans l’intérêt de la firme ce qui peut entrer en contradiction avec ses engagements légaux auprès de la Commission et plus largement l’intérêt public.
Reding a aussi été à exercer des fonctions rémunérées comme membre du CA (Kuratorium) de la Fondation Bertelsmann, un think-tank qui a des activités politiques. Même s’il s’agit d’entités juridiquement distinctes, la fondation contrôle la majorité des parts de Bertelsmann , un groupe mondial de médias (66,7 du capital de Bertelsmann Group) et trois membres du conseil de surveillance de la multinationale siègent également au Kuratorium de la Fondation.
Cette nomination a été examinée par le Comité d’Éthique et autorisée, sous réserve que Reding évite tout conflit d’intérêt incompatible avec le Code de Conduite des Commissaires sous condition « qu’elle s’abstienne durant les 18 mois suivant la fin de ses fonctions, notamment dans le cadre de projets de la Bertelsmann Stiftung candidats ou bénéficiaires d’un co-financement de la Commission, de faire du lobbying et de défendre les intérêts de la Fondation auprès de la Commission ».
Pour le moins, la réserve du Comité d’Éthique qui tient en un seul paragraphe apparaît-elle bien superficielle, faisant l’impasse sur les liens étroits entre la multinationale et la Fondation, sans parler des intérêts très étendus de la première.
La compétence politique et les contacts de Reding, particulièrement son savoir-faire dans le domaine des médias, de la protection de la vie privée et de l’éducation constituent un énorme potentiel pour une compagnie de médias et de services comme Bertelsmann. Sans compter que Reding était membre de la Commission qui a lancé les négociations pour le partenariat commercial EU-USA (TTIP). Bertelsmann est un géant mondiale des médias qui peut attendre de bénéficier largement du TTIP que sa Fondation a largement promu. Une telle fonction n’aurait pas dû être autorisée si vite (sic!) après la fin de son mandat à la Commission.
Ajoutons que Reding occupe ses fonctions dans le même temps où elle siège au parlement européen où elle fait partie de la commission sur le commerce et actuellement rapporteuse d’un rapport sur les négociations très controversées sur le Commerce des Services (TiSA, Trade in Services Agreement). Le code de conduite des Députés européens doit être réformé d’urgence pour interdire aux parlementaires de cumuler avec certaines professions parmi lesquelles consultant, lobbying et fonctions de direction rémunérées.
Nous avons contacté Viviane Reding dans le cadre de la préparation de ce rapport, mais sans réponse. Pour plus d’informations notre fiche sur Viviane Reding ou notre tableur
Karel De Gucht (Belgique)
Anciennes fonctions : Commissaire au commerce (2010-2014) , Commissaire au Développement et à l’aide hulanitaire (2009-2010).
De Gucht est l’ancien Commissaire au Commerce et a subi les critiques de la société civile pour avoir constamment assis le monde des affaires sur le siège de négociateur des relations commerciales pour l’UE. Il est aujourd’hui autorisé à rejoindre la direction de trois compagnies : l’opérateur de téléphonie Belgacom et deux autres opérant dans le secteur financier.
Le Comité d’Éthique Ad Hoc n’a pas été consulté concernant l’entrée de De Gucht à Belgacom, la Commission ayant estimé que ces fonctions étaient sans rapport avec son précédent mandat. Si De Gucht n’a pas directement régulé le secteur des télécommunications en tant que Commissaire, son ancien mandat de négociateur unique du TTIP pour l’UE est d’intérêt croissant pour le secteur.
Belgacom (désormais connu sous le nom de Proximus et qui possède aussi la filiale internet Skynet) est le principal opérateur téléphonique de Belgique, membre du lobby European Telecommunications Network Operators Association (ETNO). ETNO et Skynet ont exercé leur influence sur les fonctionnaires du commerce de l’UE au sujet du TTIP lors de réunions derrière des portes closes du temps où De Gucht était Commissaire au commerce. Le secteur des Télécoms et du numérique était le troisième plus gros lobbyiste sur le TTIP dans les deux années ayant précédé février 2014 (lorsque De Gucht était Commissaire), ce qui signifie qu’il arrivait en 3ème position en termes de nombre de réunions à l’abri des regards avec la DG Commerce. Proximus est inscrit au registre des lobbyistes de l’UE et a déjà dépensé cette année 2015 (entre janvier et juillet) 299 999€ en lobbying.
Nous considérons que la Commission n’aurait pas dû autoriser cette prise de fonction. Le Comité d’Ethique aurait dû être consulté et la règle anti-lobbying des 18 mois d’abstinence est insuffisante pour prévenir le risque de possibles conflits d’intérêts (sic!) d’un De Gucht, ancien Commissaire au Commerce ayant rejoint le CA de begacom/Proximus[3]
Par contre, le Comité d’Éthique a été consulté sur l’entrée de De Gucht à CVC Capital Partners, réputée la troisième firme mondiale de conseils en fonds privés de placement et d’investissement. Le Comité a écarté la possibilité de conflits d’intérêts en ne considérant que les fonctions de de Gucht à la Commission ne concernaient que le cadre juridique du Commerce et de l’investissement. Une fois de plus, le rôle élargi de De Gucht en tant que Commissaire européen lors du désastre de la crise financière mondiale n’est pas pris en compte. C’est le service juridique de la Commission qui a requis que le délai standard de 18 mois d’interdiction de lobbying soit explicitement mentionné dans la décision d’autorisation.
De Gucht a fait valoir que cette fonction n’est pas rémunuérée mais d’autres informations sont censurées. Le Comité d’Éthique écrit : « Le Comité prend note que l’acitivité envisagée n’est pas rémunérée mais que M. De Gucht (censuré) ». La Commission a décrété que la partie censurée du texte relève de « données privées contractuelles », mais dans le cas où il s’agirait d’avantages extra-financiers accordés à M. De Gucht dans ce cadre, il n’y aurait pas de raison de censurer. Le fait qu’une fonction soit ou rémunérée est un critère majeur (mais non unique) du point de vue ds changements de fonction par emprunt de porte-tournante. Quoi qu’il en soit dans le cas d’espèce, d’ex-commissaires ne devraient pas, selon nous, pouvoir rejoindre le CA de firmes financières si peu de temps (sic!) après la fin de leur mandat.
De Gucht a aussi obtenu l’autorisation de rejoindre le CA (sans rémunération) de Merit Capital, une banque privée indépendante et un courtier, basé à Anvers avec des bureaux à Deurle, Hasselt, Courtrai et Leuven, mais aussi à Zürich. La déclaration d’intérêts financiers à la Commission de De Gucht du 28 mars 2011 indique qu’il était, avant de devenir Commissaire, membre du Conseil de Direction de Merit Capital Group (anciennement Sequoia International). Pendant son mandat de Commissaire, il a continué à détenir un nombre conséquent de parts puisque dans sa déclaration d’intérêts de 2014 il indiquait jouir de l’ « usufruit » généré par 774 700 parts de Merit Capital, estimées à la valeur de 1 900 474€.
Merit Capital n’est pas inscrit au registre du lobbying de l’UE. Il est pourtant actif au sein du Belgisch Financial Forum et de la Belgian Corporate Finance Association et membre de FebelFin, le principal lobby financier belge. Febelfin déclare explicitement faire du lobbying pour ses membres au niveau de l’UE et est membre de l’European Banking Federation très active au niveau de l’UE.
Nous avons contacté Karel De Gucht avant de publier ce rapport sans obtenir de réponse. Plus d’informations sur [le cas Karel De Gucht |http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/karel-de-gucht]
Neelie Kroes (Pays-Bas)
Anciennes fonctions : Commissaire pour l’agenda numérique (2010-2014), Commissaire à la Concurrence (2004-2010)
Nouvelles fonctions : Conseillère spéciale de Bank of America Merrill Lynch, Membre du CA de Open Data Institute etc.
Neelie Kroes a embrassé plusieurs fonctions nouvelles dont Conseillère Spéciale de la Bank of America Merrill Lynch (pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique). La Commission a autorisé cette prise de fonction ce qui n’empêche pas d’avoir à y redire.
Le Comité a pointé que Kroes décrit cette fonction en des termes bien généraux sous le seul intitulé de « leadership féminin » sensé, comme elle l’a indiqué à la Commission de prendre la forme du « partage d’expériences, d’analyses et d’échanges de perspectives ». Elle ajoutait : « plus concrètement sur mon rôle de conseillère, je puis être amenée à donner des conférences et à fréquenter des politiciens et des leaders d’opinion. Mais « fréquenter des politiciens et des leaders d’opinion » suggère un peu qu’il pourrait y avoir un peu de lobbying dedans. Son email évoque aussi un « engagement client renforcé. Il aurait peut-être fallu demandé à Kroes de préciser ce dont il peut bien être question.
Il a été demandé à Kroes d’éviter le lobbying direct durant 18 mois pour le compte de Bank of America Merrill Lynch , tandis qu’aucune mention n’est faite de ses clients ou de lobbying indirect. Dans le cadre d’une autre de ses fonctions, membre non rémunéré de l’Open Data Institute (une ONG qui promeut « l’innovation »), Kroes a été enjointe à ce « qu’aucune compagnie utilisant les services de l’Open Data Institute puisse indûment bénéficier de ses connaissances et expertise acquises au-cours de ses fonctions » à la Commission. Sous ce rapport, il est pour le moins négligent et constitue une omission que de n’avoir pas requis une abstinence de lobbying beaucoup plus large de Kroes dans sa fonction pour Merrill Lynch.
Qui plus est, Kroes était Commissaire européenne durant toute la crise financière, on peut de demander s’il est judicieux de la laisser rejoindre, en quelque qualité, une grande banque avec des intérêts en Europe, aussi peu de temps après avoir quitté la Commission (sic!). Après tout Bank of America ML a dépensé 1 250 000€ en lobbying auprès de l’UE en 2014 (contre 50 000€ l’année précédente, d’après le LobbyFacts archive) dans des domaines touchant de nombreux dossiers en-cours.
Kroes a rejoint la Commission en 2004 cernée par la dénonciation de possibles conflits d’intérêts liés aux 25 fonctions qu’elle exerçait alors dans le monde des affaires. Lors de son audition devant le Parlement européen préalable à la confirmation de ses fonctions, elle avait promis qu’elle « ne retournerait pas dans le secteur privé à l’issue de son mandat comme Commissaire chargée de la Concurrence ».
Nous avons tenté de contacter Neelie Kroes par l’intermédiaire de Bank of America ML avant la publication de ce rapport mais vainement.
Plus d’informations sur le cas Neelie Kroes.
Extraits de The revolving doors spin again Barroso II commissioners join the corporate sector, publié par Corporate Observatory et Lobby Control.
Sommairement traduit par Benoît EUGENE
Note du Concierge
Nous n'avons pas traduit les conclusions du rapport qui préconisent notamment l'adoption de mesures visant à mettre la Commission Juncker à l'abri des "dysfonctionnements" des Commissions Barroso I et II.
Elles accréditent par trop la possibilité d'une autre Europe dans le cadre des traités actuels (hors desquels il ne saurait y avoir de démocratie selon Juncker. C'est à dire qu'il ne saurait y avoir de démocratie.)
Dans le contexte de la destruction de l'Europe par l'UE et des conditions matérielles de vie du plus grand nombre conduisant au sociocide grec, toute proposition d'amélioration nous paraît désormais au mieux obscène, au pire complice. Ce façadisme de contrôle d'institutions structurellement corrompues ne ferait que reculer le jour où ces crimes seront enfin punis
Notes
[1] Le rapport d'origine en compte dix
[2] Reding a obtenu l'autorisation de la Commission mais sa prise de focntion n'est pas officielle
[3] De Gucht n'a pas encore été nommé au CA de Proximus. La presse a annoncé en septembre 2015 que l'autorisation du gouvernement belge avait été accordée (Proximus est détenu à 53% par l’État belge) et le CA de Proximus doit encore l'homologuer.