"Rompre avec l’Europe pour sortir du cauchemar néolibéral : c’est peut-être cela le véritable internationalisme."
Par Le concierge du Musée le vendredi 6 novembre 2015, 18:25 - Bibliothèque - Lien permanent
La sidération de la gauche face à l’Europe résulte de son incapacité à admettre qu’il y a un internationalisme du capital, un internationalisme des classes dominantes. L’internationalisme n’est pas toujours de gauche ou progressiste. A l’inverse, les classes dominantes ne sont pas encroûtées à jamais dans cette forme politique qu’est l’État-nation.
Le capitalisme est un système par essence mobile. Lorsque les circonstances deviennent défavorables à l’accumulation du capital, il peut aller chercher des conditions plus propices ailleurs. Le capitalisme peut aussi mettre en concurrence les espaces, en s’appuyant sur les uns pour contraindre les autres à se plier à sa logique.
La mondialisation néolibérale permet, à la fois, d’ouvrir de nouveaux champs d’activités profitables, et d’agir comme un puissant levier pour défaire les coûteux compromis sociaux de l’après-guerre. Réorganiser l’accumulation du capital à une échelle où les syndicats et les mouvements sociaux sont presque inexistants est le meilleur moyen d’affaiblir leurs positions.
L’UE est une incarnation de cet internationalisme du capital. C’est un espace politique dont les classes populaires sont exclues. Par le passé, des nuances ont pu exister au sein des élites européennes concernant le type de dynamique économique et de régime politique à développer. Depuis, la relance du projet européen, avec l’acte unique de 1986, le néolibéralisme règne sans partage. L’UE tend, depuis ses origines, à échapper au contrôle populaire.
Cette tendance n’a cessé de s’accentuer, surtout, depuis la crise de 2008. C’est alors que les institutions européennes les moins démocratiques, au premier rang desquelles la Banque centrale, sont montées en puissance, au détriment de celles qui font encore mine d’être démocratiques, comme le Parlement européen.
L’euro est au cœur de cet internationalisme des classes capitalistes européennes : véritable rouleau compresseur de la « discipline salariale » à l’intérieur, il s’est construit comme moyen de paiement et monnaie de réserve au niveau mondial, au service de l’expansion de la finance et des grandes sociétés européennes.
Mondialisation et construction européenne ont ainsi changé le contexte dans lequel se pose la question de l’internationalisme. La configuration politique n’est plus celle d’une domination de la bourgeoisie via les États-nations.
Tout comme son opposé le nationalisme, l’internationalisme n’a jamais cessé de changer de forme. Les mouvements sociaux — mouvement ouvrier en tête — ont, quant à eux, cherché à articuler les différentes échelles de la politique. L’idée que l’internationalisme consisterait à opposer toujours l’international au national est donc simpliste. L’internationalisme consiste à faire avancer les intérêts des classes subalternes - et par cette entremise de l’humanité entière - en s’affranchissant des obstacles érigés par les classes dominantes, quelle que soit l’échelle à laquelle ces obstacles sont situés.
Lire la suite du point de vue de Cédric Durand Economiste à Paris-XIII, Stathis Kouvélakis Philosophe au King’s College de Londres, Razmig Keucheyan Sociologue à Paris-IV paru sur le site de la Fédération des travailleurs des Industries du Livre, du Papier et de la Communication Cgt sous le titre "Quelle Europe ? La vraie nature de l’internationalisme"