Marchand du Temple de la République : commémorer Rivesaltes pour cacher Calais
Par Le concierge du Musée le jeudi 26 novembre 2015, 14:59 - Quatrième nuit de Walpurgis - Lien permanent
Claudine André, infirmière qui sillonne la planète pour Médecins sans frontières depuis 15 ans, observe :
"J’ai rarement été confrontée à de telles conditions sanitaires. J’ai passé plusieurs mois dans un camp à la frontière entre le Soudan et l’Ethiopie qui était géré par le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, NDLR). C’était beaucoup plus organisé qu’à Calais. Et les conditions d’hygiène y étaient meilleures."
La Charte humanitaire et les standards minimums de l’intervention humanitaire exigent en effet un robinet pour 250 personnes, une latrine pour 50 individus et la fourniture de 2.100 calories quotidiennes. Loin des "équipements" de la jungle. Seulement trois rampes d’eau, 90 toilettes chimiques et un repas par jour distribué par le centre d’accueil de jour Jules Ferry, mis en place par le gouvernement.
Extrait du Discours de Manuel Valls d'Inauguration du Mémorial du Camp de Rivesaltes
On se représente très bien, quand on connaît un peu la région – et en même temps, on a du mal à imaginer – ce qu'ont pu être les conditions de vie. En hiver, la tramontane qui gifle les visages et s'engouffre dans les baraquements. L’été, la chaleur insupportable, suffocante même. En permanence, l'hygiène précaire, voire inexistante, l'absence d'intimité et de dignité. La dignité : voilà ce qu'on voulait arracher aux personnes enfermées ici. Or, sans dignité, on n’est rien. Et cette dignité, nous voulons la leur rendre aujourd'hui, par cet hommage.
Imaginons un instant ces familles qui survivaient tant bien que mal, avec la faim, la maladie, la vermine, dans le dénuement le plus total. Elles étaient entassées les unes sur les autres. Imaginons ces femmes, ces hommes, lucides sur leur sort et donc rongés par les pires angoisses. Imaginons ces enfants pleurant de fatigue, terrorisés par ce qu'ils voyaient dans le regard des adultes. Imaginons cette mère ou ce père voyant leur enfant partir.
Le quotidien, ici, fut terrible, presque autant que ces euphémismes qui voulaient recouvrir la vérité d'un voile pudique : camps de rétention, camps d'internement, camps de regroupement. Pourtant, derrière ces expressions différentes, il y eut une même réalité : un camp d'exclusion, fait de mise à l'écart et de mépris total de l'humanité. Ce qui caractérisait ce lieu, ce n'est pas seulement le regroupement, c'est l'ordre du mépris qui régnait.
Et si nous sommes rassemblés, c'est pour que la mémoire de ce mépris d'hier nous rappelle nos devoirs d'aujourd'hui et empêche la répétition de l’horreur, demain.