À qui appartient ce média ?

Nous avons déjà débusqué les propriétaires des noms de domaine qui se proclament sites officiels, nuitdebout.fr [1] qui est une société spécialisées dans le web-management et la constitution de fichiers de données à des fins de marketing.

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Intéressons-nous à TV-Debout qui enregistre des records d’audience tous les soirs (« dignes des chaînes de télévisions » selon un Figaro tout autant en extase que l’ensemble de la presse mainstream totalement discréditée). De son animateur, Rémy Buisine, nous apprenons qu’il est « Community Manager » pour trois radios du groupe « 1981 » (Ado, Voltage et Latina). Le groupe fut le propriétaire de Sud-Radio dont il portait le nom jusqu’à la vente de cette station en 2013 pour 7 millions d’euros. Le nom « 1981 » est choisi, sans doute parce que 1984 était déjà pris, ou plutôt parce que 1984 est daté 1981 dans la mémoire de la gauche. En effet le groupe est ainsi nommé « en souvenir de l'année de naissance des radios libres, et (annonce le même jour) plus de 5 millions d'euros d'investissements ». Son capital est de 40 millions d’euros et son chiffre d’affaires de 20 millions.

Certes ces chiffres sont peu élevés. Selon le patron c'est une logique de start-up. Et c'est avec de "l'indépendant" qu'on finit par faire du bon mainstream, c'est bien connu.

Ajoutons qu’« En janvier 2014, à l’international, le groupe 1981 annonce l’investissement de 500 000 € dans la création d’une radio francophone Frissons Radio à Cotonou, au Bénin destinée à un auditoire de plus de 40 ans. » et que le groupe investit en 2015 deux millions d’euros dans la radio numérique : 7 sites internet pour ses radios hertziennes et création de 67 webradios. On imagine que le Community Manager Remy Buisine n’est pas trop mal payé et a un bel avenir capitaliste devant lui... Tant mieux pour lui.

Intéressons-nous à son patron, Jean-Eric Valli :

« En novembre 1992, le Groupement « Les Indépendants » a été créé à l’initiative de Jean-Éric Valli, Président-fondateur de Groupe 1981 (anciennement dénommé Groupe Start puis Sud Radio Groupe) et d’Éric Hauville, fondateur du réseau disparu « Radio Vallée-de-Seine » (RVS).

Depuis le 1er janvier 2009, TF1 Publicité est la nouvelle régie publicitaire du Groupement. Elle commercialise les espaces publicitaires nationaux, multivilles et franciliens du Groupement, les stations conservant la commercialisation de la publicité locale.

En novembre 2010, « Les Indépendants » sont rebaptisés « Les Indés Radios ». En 2014, le Chiffre d’Affaires global (tous types de publicité confondu) généré par les stations des Indés Radios est de 165 millions d’euros HT, dont 85,3 millions d’euros de recettes publicitaires nationales, selon les communiqués de TF1 Publicité et des Indés Radios. »

Inutile de commenter davantage ?

On peut aussi parler de Periscope, le media sur lequel Remy Buisine diffuse. Son principal fondateur Kayvon Beykpour, star de 27 ans de la Silicon Valley, raconte qu’il en a eu l’idée à Istanbul où il était témoin des événements de la place Taksim (tiens, tiens...). Aussitôt dit aussitôt fait et Periscope aurait été racheté par Twitter 100 millions de dollars avant même sa création.

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Autant dire que le Journal Fakir ne fait pas le poids en terme de diffusionface à la médiatisation « virale » de ce qui est un « événement » (et qui ne relaie à peu près pas de contenu "Fakirien" alors ne parlons pas des syndicats !

Quelles catégories de représentations du monde social véhicule-t-il ?

Sur le plan public, on peut dire que cette médiatisation semble véhiculer un vide encore plus intersidérant que les medias mainstream. Car il n’y a à peu près aucun contenu ce qui n’empêche pas de mobiliser énormément de temps de cerveau disponible. Beaucoup moins cher que les médias classiques qui doivent quand même diffuser un contenu entre deux spots publicitaires qui peut s’avérer coûteux ! Ou plutôt, c’est un gigantesque spot publicitaire interactif pour le capitalisme ! Mais l’important « c’est le média », comme dirait l’autre. Croire à ce qui n’existe pas, se détourner de sources d’information et de réflexions fiables, croire que « la révolution, c’est ça », que « la politique c’est ça », que l’ « heure est venue », qu’on « en est », que ça se consomme encore plus facilement pour être « in » qu’une paire de Nike « Révolution ». Et qu’on est tous pareils, les mêmes produits marketing. Qu’il n’y a ni classes, ni rapports de production. Seulement les 1% qui sont un peu trop gourmands... Et qu’on est tous d’accord, qu’on a tous les mêmes intérêts. Et qu’on communie avec l’autre de toute la planète en une grande messe virtuelle qui se célèbre au détriment des relations et des solidarités réelles. La grande messe des avatars en l’Église du Capital où l’on se refile l’hostie twitter en se télétransportant par Periscope (qui porte bien son nom vu ce qu’on voit dans un périscope!). Voir ce que l’on veut bien que vous voyiez pour cacher tout le reste : « Il y a un peu plus d'un an, nous avons commencé à nous intéresser de très près à l'idée de découvrir le monde à travers le regard des autres. Et si vous pouviez littéralement voir ce que voit un manifestant en Ukraine ? » (site de Périscope). En Ukraine, tiens, tiens... Sûrement pas la main des Américains (les mêmes que ceux du TAFTA, oui, oui!) dans la culotte des néo-nazis !

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Comme il ne se passe strictement rien à filmer Place de la République, le seul qu’on voit, c’est celui qu’on ne voit pas. Rémy Buisine. Commentaires lénifiants, couvrant parfois des interventions un peu plus larges que le tri sélectif des déchets (un intervenant sur le vote sur le secret des Affaires au Parlement Européen couvert par l’impétrant : « puisqu’il y a une interruption... » est-ce anecdotique?). Qui devient star des médias mainstream qu’il révère :

« "En une seule nuit, Rémy Buisine passe du statut d’anonyme à véritable référence sur les réseaux sociaux. Community manager sur les radios Ado, Voltage et Latina, il est même invité, mardi 5 avril, sur le plateau du "Grand journal" de Canal+ aux côtés d’Olivier Besancenot et Miguel Urban Crespo, député européen du parti espagnol Podemos. "C’était vraiment merveilleux. J’ai toujours été admiratif des grands médias. Et là, me retrouver dans les coulisses..." raconte-t-il à La Voix du Nord." » (souligné par nous)

Au passage, on accrédite à tout instant l’idée que la « démocratie » c’est ça, quelques centaines de personnes sur une place, échantillon absolument non-représentatif de la population, qui jouent à « l’Assemblée générale » comme on joue à la dînette... Et puisque le pouvoir fait semblant de l’empêcher en ne l’empêchant pas, c’est bien que nous sommes « very dangerous ».

Et que la démocratie, c’est un salarié du groupe 1981 qui accapare les médias à lui tout seul en phase absolue avec le travail de la presse mainstream, Ce que tout le monde a l’air de trouver « génial » ! Se "réapproprier" la Place, génial ! Le Média de la Place, j'y avais pas pensé !

Que va-t-il réussir à nous vendre ?

C’est déjà dit : une représentation de la société et de la démocratie encore pire que l’illusion de la démocratie représentative ! La démocratie 2.0, la démocratie liquide (liquidée serait plus juste). L’hallucination totale des classes moyennes et l’occultation totale des relations de classe et des rapports de production. Ce qui se joue là, c’est la prise de contrôle absolue des cerveaux par des monopoles de l’information à la main du Département d’État et de l’industrie qu’on prétend combattre, c’est à dire par la propagande, une propagande qui a une (petite) dimension « Do it yourself », selon le slogan de Nike dont la traduction exacte est « on le fait pour vous ».

2012.jpg 2012, Le film.

Si ceux qui sont en train de se guignoliser croient pouvoir contrôler l’arme fatale qu’est ce média global mopolistique, cette machine infernale à laver les cerveaux, qui les passent en fait à la moulinette en tant qu'intellectuels et militants, ainsi que tout ce dont ils sont héritiers (la sociologie, les luttes sociales) et qu’ils crédibilisent d’autant plus qu’ils ont contribué à décrédibiliser les médias mainstream sans voir arriver les nouveaux, c’est sans doute parce qu’à force d’avoir raison sur certaines choses, ils ont fini par se prendre pour des Prophètes. Croient-ils pouvoir faire l’histoire par la seule force de leur parole (car ils n’ont évidemment rien d’autre) ? Ou bien ont-ils l’intention de s’introduire dans l’Arche de l’International pour échapper à la météquisation d’une bonne partie de la population dans le nouvel ordre transatlantique ? Les places sont chères car toute la petite-bourgeoisie qui accumule du capital international depuis des années à partir des Forums mondiaux et a trouvé, grâce au réchauffement climatique, la possibilité de s’introduire dans des réseaux en apparence mondiaux mais pour les plus gros sous domination US (pour certains en organisant des manifestations simultanées sur des ronds-points qui valent bien des Places de la République) sont sur les rangs de la conversion du capital critique accumulé !

« La gauche ne peut pas mourir » ? C’est une blague ? Quand ce média global (on ne parle pas de Rémy Buisine qui a déjà la moitié du ticket en classe-pont pour l’Arche en question sur fond de prise de contrôle des médias français de toute nature par l’alimentation en sources officielles et l’infrastructure technologique) contribue aussi puissamment à occulter ce qui est peut-être le dernier début de sursaut social possible du travail contre le capital autour de la loi Khomri ? Espérons qu’elle ne meure pas, car sur sa tombe, on risquerait de devoir écrire « Lordon m’a tuer » (à Amiens) !

Que faire de la médiatisation de la Place de la République ?

Il s’agit de politisation dépolitisante. Tout le travail politique accompli depuis 1995, dont le journal Fakir est un des héritiers en meilleure santé (c’est à dire trois fois rien), disparaît, au profit du plus grand vide et des slogans marketing.

Il faut donc exproprier Remy Buisine et reprendre le contrôle, non du tri sélectif, mais de la médiatisation, et cela au service des travailleurs !

En faire une arme contre la loi Khomri !

L’utiliser pour soutenir les luttes locales, dans les entreprises et ailleurs, comme un soutien aérien aux militants sur le terrain et non une médiatisation de leur trombinette qui permettra aux prochains pouvoirs de faire leur casting !

Faire entendre les voix des sans-voix ! C'est à dire de ceux qui n'ont pas de porte-voix et bien au contraire qu'on empêche de parler (en banlieue ! Mais pas à l'Université Paris VIII !!!)

Faire de l’éducation populaire toute la journée sur cette chaîne ou une autre ! Des tonnes de contenus ont été produits depuis 1995 !

Et que l’Assemblée nomme et récuse la rédaction de cette presse !

Ce qui s’adresse aussi à toutes les entreprises du même type, grandes ou petites...

Occupy Télé Debout !

Le Concierge

Bonus 1

Les Mutins de Panurge ?

Lu sur le site des Mutins de Pangée :

Le premier à avoir popularisé la diffusion sur Smartphone de #NuitDebout sur la place de la République à Paris est un certain Rémy Buisine, un jeune reporter indépendant amateur ("un professionnel étant un amateur qui ne fait que ça" comme dirait Raoul Sangla). Il est totalement imprégné et se revendique externe au mouvement mais "en immersion". Il le fait avec sincérité, persévérance et talent. Rémy filme ce qu’il voit au plus près et commente tout avec un certain recul, dialogue avec les acteurs du mouvement, les passants, répond aux questions en direct. Ce sont de vraies performances et il fait parfois jusqu’à 8 heures de direct par jour, jusqu’au bout de la nuit... Rémy Buisine a fait péter les audiences et bugger Periscope le premier dimanche avec plus de 80.000 spectateurs simultanés, ce qui a rendu jaloux BFM et Itélé... ce qui est déjà pas mal ! En fait, en quelques heures, en cassant la boucle permanente et assommante de ces TV, un jeune mec tout seul avec son téléphone portable, sans faire de critique média, a renvoyé ces fausses chaînes "d’info" à leur propre condition : l’inutilité. (souligné par nous)

Plus précisément : il les rend "inutiles" car il fait le même travail, idiot ! Et les Mutins de Panurge sont d'accord avec toute la presse mainstream. Merci patron ! (Note du Concierge)

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Bonus 2

Pas de Porte-Parole ?

Sauf celui qui commente en direct depuis la place de la République et sur tous les médias mainstream !

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Notes

[1] "et convergences-des-luttes.fr" avions-nous écrit, mais il s'agit d'une erreur manifeste