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Nous sommes le vendredi 29 avril. Des bus affrétés par l’Institut français se dirigent vers Gafsa pour rallier la 6ème édition du Forum jeunesse, qui, chaque année, célèbre la coopération décentralisée entre la France et la Tunisie.

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Bien que d’autres lieux plus proches du centre-ville aient été envisagés par les organisateurs de l’Institut français, c’est finalement dans un hôtel cinq étoiles excentré, le Jugurtha palace, gardé par un dispositif sécuritaire conséquent, que se déroulent la plupart des activités du forum. Un cadre agréable : piscine, verdure, chants d’oiseaux, qui tranche avec le reste de la ville et qui constitue le décor des nombreux selfies réalisés par les participants.

La formation et l’employabilité des jeunes sont à l’honneur cette année, et il est vrai que ces thèmes ont une résonance particulière dans une région comme celle de Gafsa, où le taux de chômage des jeunes, notamment des diplômés, bat des records. D’ailleurs, à quelques kilomètres de l’hôtel, devant le siège du gouvernorat, un sit-in de jeunes chômeurs se prolonge depuis plus de six mois. Mais ceux-là n’iront pas participer au forum.

(Le) discours le plus emblématique est peut-être celui d’Agnès Rampal, Présidente de la commission Euroméditerranée au Conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur : elle affiche à la fois l’inscription de la coopération dans un certain héritage et un parti pris néolibéral. Agnès Rampal commence par assurer l’auditoire de sa joie d’être en Tunisie : née à Alger, pied-noir, elle affirme se sentir « chez elle » de ce côté-ci de la Méditerranée. Elle salue la révolution tunisienne, pour avoir si rapidement abouti à « une vraie démocratie », et le processus de décentralisation, domaine dans lequel les Français, « bien entendu, ont un peu d’avance ». Mais la phrase clé, c’est sans doute celle-ci : « Aujourd’hui, les Etats ne peuvent plus tout ». Il faudrait alors faciliter l’entreprise privée, en Tunisie comme en France, où demeurent, malgré l’avance, des personnes rétives au « changement ».

Les limites de l’Etat composent aussi la toile de fond de « l’Agora » du samedi matin, consacrée à « l’emploi des jeunes : ce que peut la société civile », et articulée en trois « espaces de dialogue ». Présentés comme des espaces de discussion privilégiés entre jeunes, il s’agit plutôt de trois panels, ou débats d’experts, avec des représentants des institutions locales, des acteurs de la coopération franco-tunisienne et des initiatives de jeunes, suivis de questions à la salle nécessairement limitées par le temps.

Le premier panel aborde la formation, dans une vision utilitaire. Il en ressort que les cursus universitaires devraient mieux correspondre aux demandes du marché du travail : a-t-on besoin de tant de diplômés en philosophie, par exemple ? Le deuxième s’emploie à « soutenir l’entrepreneuriat chez les jeunes ». C’est l’occasion de se perfectionner en novlangue entrepreneuriale : « innovation sociale et technologique » ; « lancer un tech-business », « incubateur » (qui se décline en « incuber » et « incubation »), etc.

Enfin, le troisième panel dédié à l’emploi des jeunes par les jeunes se veut être une discussion « entre des jeunes qui sont dans une dynamique d’auto-création d’emploi et des jeunes qui sont dans la revendication », à savoir la section locale de l’Union des diplomés chômeurs (UDC). Il prend place dans une salle déjà clairsemée car c’est l’heure du déjeuner. Le représentant de l’UDC est d’avis qu’on ne peut pas parler d’emploi sans aborder la question du développement. Après les nombreuses présentations de start-ups innovantes par des jeunes-qui-se-prennent-en-main, ses appels à l’entraide et sa volonté d’aborder la question depuis un angle politique semblent un peu saugrenus. Il soulève pourtant une interrogation cruciale : un jeune qui veut la dignité n’a-t-il comme option que de créer sa propre entreprise ? Mais les rares estomacs encore présents gargouillent..

Lire l'intégralité de l'article de Diane Robert, paru sur le site Nawaat