Les multinationales réclament un droit de veto sur les Etats
Par Le concierge du Musée le mercredi 25 mai 2016, 16:45 - Quatrième nuit de Walpurgis - Lien permanent
WikiLeaks rend publics de nouveaux documents sur les négociations secrètes d'un accord sur les services (TISA). Ils révèlent comment les grands groupes cherchent à organiser leur irresponsabilité juridique et financière. Ils font pression pour obtenir la suppression de toute réglementation contraignante et avoir un droit de veto à l’avenir sur toutes les lois nationales.
Avec TISA, les grands groupes ne seraient plus seulement des intaxables mais des irresponsables au sens propre du terme. Tout est pensé dans ces textes pour les dégager de toute obligation sociale, environnementale, et même prudentielle, pour leur permettre de réécrire la loi selon leurs intérêts, pour éviter la moindre poursuite judiciaire.
En guise de préambule à toutes ces discussions, les États-Unis ont déposé en octobre 2015 des propositions sur « les nouvelles disciplines et leurs améliorations » censées poser un cadre général à cet accord sur les services. Ces propositions, s’inspirant de l’accord sur le traité transpacifique, visent à libéraliser encore un peu plus tous les secteurs, à supprimer les contraintes qui pourraient peser sur les groupes.
Les États-Unis proposent ainsi d’en finir avec toutes les obligations locales. Dans le cadre de TISA, les pays devraient renoncer à toute législation imposant une implantation locale, liant les contrats à des emplois locaux, à des transferts de technologies, à des efforts de recherche et développement sur place, à l’utilisation de produits industriels nationaux.
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La fédération américaine du commerce ne prend même plus la peine de cacher ses arrière-pensées. Devant le congrès américain, elle a expliqué qu’elle souhaitait que TISA permette d’ouvrir des marchés internationaux à ses membres, mais aussi fasse tomber les réglementations. « Y compris les restrictions sur la taille des magasins et les heures d’ouverture, qui ne sont pas nécessairement discriminatoires, mais gênent les grandes enseignes pour atteindre leur pleine efficacité économique », a-t-elle expliqué. L’objectif étant, pour elles, de travailler « relativement libre de toute réglementation gouvernementale ». Tout est dans le « relativement ».
Non seulement les grands groupes entendent attaquer les réglementations existantes, mais ils entendent avoir un droit de veto sur les dispositions légales prises dans le futur par les États. Le projet TISA sur la « transparence » précise ainsi les procédures que les gouvernements devront suivre, s’ils veulent prendre de nouvelles réglementations, afin que les intérêts étrangers puissent faire entendre leur voix dans les décisions.
Tout nouveau projet de réglementation et autres mesures devrait être ainsi publié suffisamment longtemps à l’avance et avec des détails suffisants, de telle sorte que les gouvernements étrangers et les grands groupes soient informés que leurs intérêts commerciaux peuvent en être affectés. « Les intérêts étrangers devraient se voir accorder un temps suffisant et des moyens raisonnables pour réagir aux réglementations prévues », est-il dit. Les gouvernements se devraient de tenir compte des commentaires qui leur sont adressés par ces intérêts étrangers. Enfin, un délai suffisant devrait être pris entre l’annonce de cette réglementation nouvelle et sa mise en application. Naturellement, toute nouvelle disposition législative ou réglementaire pourrait être attaquée par un groupe, s’il s’estime lésé.
Mediapart, 25 mai 2016
Note introductive de Wikileaks (en anglais)
Documents de Wikileaks