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Reste la grande question de l’engagement militaire français contre l’OEI : « Nous sommes face à un groupe, Daech, qui nous a déclaré la guerre. Nous devons mener cette guerre par tous les moyens », affirmait une nouvelle fois François Hollande mardi dernier sur le perron de l’Hôtel de Ville de Saint-Etienne du Rouvray, trois heures seulement après l’exécution du père Jacques Hamel. Mais n’est-ce pas aussi la France qui a déclaré la guerre à Daech en traquant ses émules au Sahel, en Libye, en Syrie, en Irak — au risque de s’attirer les foudres de cette organisation sur son propre territoire ?

"En d’autres termes, faut-il s’étonner que la France soit à ce point ciblée prioritairement par la multinationale du salafisme, alors qu’elle est géopolitiquement en première ligne : meilleure alliée occidentale de Washington (au Proche-Orient, au Sahel) ; désormais seule dans l’Union européenne à compter militairement (après la demi-défection de la Grande-Bretagne), avec des engagements sur plusieurs fronts simultanés ; proche partenaire de l’Arabie saoudite (dont elle dépend pour son approvisionnement en pétrole et ses marchés d’armement) ; et toujours prompte à guerroyer tous azimuts, au nom de sa mission internationale, sinon de ses propres intérêts.

François Hollande prétend qu’une sortie de l’État de droit pour combattre le terrorisme chez soi (que préconise une certaine droite) serait inefficace et finirait par se retourner contre la France, tout en soutenant que frapper l’OEI et chercher à l’éradiquer « chez elle » revient à s’en protéger chez soi. Ce que policiers et juges tentent de faire en France, les pilotes de Rafale et de Mirage chercheraient à l’accomplir depuis le ciel du Proche-Orient.

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Va-t’en-guerre

Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, dans un discours récent à la Brookings Institution de Washington, ne dit pas autre chose : « Frapper Daech au Levant, c’est du même coup — pour nous et pour d’autres — protéger nos territoires ». Tout en affirmant que « la France n’est pas un va-t’en-guerre, mais sait reconnaître que certaines guerres s’imposent à elle », il assure que « l’idée selon laquelle nous pourrions en quelques sorte “acheter” notre tranquillité en n’intervenant pas contre Daech n’a aucun sens ». Selon le ministre, laisser l’OEI consolider son emprise sur le Proche-Orient, c’est lui donner encore plus de ressources, de combattants, et « de capacités de planification pour nous frapper, comme il l’a fait notamment en novembre dernier, selon un plan travaillé de longue date ».

Ancien haut-fonctionnaire au ministère de la défense et spécialiste entre autres de la « contre-radicalisation », Pierre Conesa estime au contraire, dans un entretien le 27 juillet à France 24 que la France paie de plus en plus — et au prix fort — son engagement militaire contre l’OEI « à la place des pays musulmans de la région »  : « Nous n’avons pas à nous mêler d’une guerre de religion entre sunnites et chiites, qui n’a rien à voir avec nos intérêts propres, et qui nous fait apparaître comme une puissance occidentale faisant une fois de plus la police au Moyen-Orient ». Mais il est un des seuls à poser ainsi clairement la question d’un lien de cause à effet entre les frappes en Syrie-Irak et les attentats en France.

Lire l'article de Philippe Leymarie paru sous le titre La France en guerre contre le terrorisme d’opportunité sur son blog Défense en ligne