Le rapport des cinq présidents : achever la construction néolibérale de l’UEM
Par Le concierge du Musée le samedi 29 octobre 2016, 10:58 - Observatoire de l'UE - Lien permanent
L’édification de l’UEM (Union économique et monétaire) continue. Les efforts des dirigeants européens pour l’assemblage du cadre institutionnel de l’UEM se poursuivent à travers les procédures prévues dans le rapport des cinq Présidents.
Le 22 juin 2015 la Commission a présenté un rapport des cinq présidents[1] concernant les perspectives d’achèvement de l’Euro zone. Plus précisément, les présidents de la Commission, de Conseil, de la BCE, de l’Euro groupe et du Parlement (pour les rapports précédents, le parlement était absent), proposent le renforcement des procédures d’édification de l’Euro zone en s’appuyant sur quatre piliers.
a) une véritable union économique, qui aura pour objectif la convergence des économies européennes, au moyen de réformes structurelles dans les domaines de l’économie, du marché du travail, de l’administration publique et du marché des produits et des services. Différentes procédures et mécanismes sont proposés pour imposer ces réformes, et les soumettre à la surveillance du « gendarme » européen par le recours aux « meilleures pratiques » des autorités nationales en matière de compétitivité et de traitement des déséquilibres macroéconomiques
b) une union financière, qui englobera l’union bancaire et l’union des marchés financiers, avec l’objectif d’un seul et unique marché monétaire et financier européen. Les nouveaux éléments que proposent les cinq Présidents sont : l’achèvement des étapes de l’union bancaire, l’union des marchés de capitaux (instauration d’un marché unique du capital pour financer les entreprises sur le modèle des USA), et l’adoption d’une garantie de dépôt européenne.
c) une union budgétaire, avec d’un côté la garantie d’une dette publique viable et de l’autre, l’adoption et la mise en service d’une austérité perpétuelle, au moyen de « stabilisateurs automatiques » qui diminueront les dépenses et augmenteront les impôts automatiquement, sans décisions politiques, chaque fois que la stabilité budgétaire sera menacée.
d) une union politique qui, d’après les auteurs du rapport, signifiera une représentation unique de l’Euro zone, un poste permanent de Président de l’Eurogroupe, et des « auditions » plus fréquentes des planificateurs de la politique économique européenne (Conseil, Commission, ministres des états-membres, troïka) par le parlement européen.
La première étape de ces changements s’est concrétisée le 21 octobre 2015, lorsque la commission a présenté les propositions législatives suivante, sans exiger toutefois l’accord du parlement :
- durcissement du cadre du semestre européen sur l’application des « meilleures pratiques » et sur la liaison entre les démarches réformatrices d’un état-membre et son financement par les fonds communautaires.
– instauration de conseils nationaux de compétitivité qui contrôleront la compétitivité sur tous les plans (prix, salaires, cadre de régulation) et qui « conseilleront » le gouvernement pour les réformes structurelles, et les partenaires sociaux pour la fixation des salaires)
- instauration d’un conseil budgétaire européen indépendant, qui évaluera la stabilité budgétaire de l’Euro zone dans sa globalité et celle des états-membres, et qui fonctionnera comme parapluie institutionnel des conseils budgétaires nationaux correspondants.
- la garantie paneuropéenne des dépôts bancaires au moyen de contributions des banques ; mais, comme cela arrive désormais sous bien des aspects pour l’union bancaire, cette garantie ne sera déclenchée que sous de strictes conditions politiques, qui, augmenteront de fait le risque et l’instabilité, au lieu de les réduire
L’Eurozone n’est pas une simple union monétaire qui a été imaginée par des experts et réalisée par des hommes politiques. L’Euro zone constitue un outil économique, institutionnel, et politique très précieux en vue de l’accélération de la transformation néolibérale des économies européennes qui ont choisi d’entrer dans l’Euro. En d’autres termes, il s’est créé une union d’états qui, au nom de la « stabilité des prix » et de la « prospérité », impose par la contrainte, tant politique qu’économique, la restructuration des relations de travail, dans l’intérêt du capital, la pérennisation et l’inscription dans la loi de la politique des déficits réduits (austérité), les privatisations, et dernièrement ressort des restrictions à l’ordre constitutionnel même des pays et à la démocratie.
L’Euro zone a développé un arsenal légal et institutionnel qui ne permet à aucun gouvernement, quel que soit le mandat qu’il a reçu de son peuple, d’appliquer des politiques économique et sociales qui ne cadreraient pas avec le dogme néolibéral de dérégulation totale. En d’autres termes, l’intégration à la monnaie unique d’un état ou d’un peuple équivaut à l’annulation du droit même d’un peuple à choisir la teneur de sa politique économique en ne laissant comme seule solution que l’austérité, la flexibilité des relations de travail, et les privatisations.
Par conséquent, il est paradoxal pour Syriza et le gouvernement grec de manifester de l’embarras en face de la position du FMI, alors que dans le même temps l’Union Européenne et ses institutions ont démontré qu’ils étaient les meilleurs élèves des politiques économiques du FMI, les meilleurs élèves pour les tactiques de sanctions et de chantage en direction des peuples et des pays indépendants.
Nikos Chountis, député européen, membre de Laïki Enotita (Unité Populaire)
Traduit par Jean Marie Reveillon
via Sylvie Haller
Paru sur le site de l'Unité Populaire
Notes
[1] Le président J.C. Juncker, avec les présidents Tusk, Dijsselbloem (Eurogroupe), Draghi (BCE), Schulz (PE)