Il fut un temps, Yorgos Séféris avait repéré (en 1946) un naufrage près de l’ilot de Daskalio, toujours à Póros, un navire auxiliaire de la Marine nationale grecque, sabordé pour ne pas être saisi par la Marine allemande durant l’Occupation (celle des années 1940). Séféris, en congés (après 9 ans de service ininterrompu, il était diplomate) et hébergé à la villa ‘Galini’ (‘Sérénité’), il y écrira un de ses plus célèbres poèmes ‘La Grive’, publié l’année suivante inspiré par ce naufrage.

“Entre l’îlot et la côte, la Grive coulée ; seule la cheminée émerge de quelques pouces. ‘On l’a coulée pour que les Allemands ne puissent mettre la main dessus’ me dit-on. (...) Le batelier disait: ‘Une fois coulé, il a été pillé par ceux qui faisaient du marché noir.” (Carnet de Yorgos Séféris, 14 août 1946).

Poésie du délabrement: “Il me faut du temps, ainsi qu'une grande peine pour écrire ce peu que j'arrive à écrire”, (Carnet de Yorgos Séféris, 24 octobre 1946). Póros, Daskalio, ‘Sérénité’, la villa de Séféris, et le calme (même relatif) du mois de novembre, autorise enfin un peu de cette consistance perdue dont nos imaginations avait été dotées il n’y a guère si longtemps. Du moins, nous avons pu cueillir nos propres olives.

“Le temps change, les hommes lorsqu'ils deviennent déments, ils ne changent alors jamais”, avait dit le poète Séféris lors d’une interview accordée au quotidien “Phileléftheros” de Chypre, quelques mois seulement avant sa disparition physique (interview du 15 avril 1970) .

beart1.PNG "Contre tous les pouvoirs !" (Guy Béart, illustration du Concierge, cliquer sur l'image)

Touti, la chatte des Séféris accompagnait alors parfois le poète à Póros. Nos olives, nos îles, nos chats. “Un sentiment fort quant à la dissolution mentale chez les gens. Ils te parlent et tu te sens tendre les mains dans une brume de lambeaux. Terrible manque de consistance, de rythme, de droiture: tu ne peux pas faire confiance à personne: Horreur”. (Carnet de Yorgos Séféris, 31 décembre 1946 - 1er janvier 1947). Ce qui restait valable aux yeux du poète et du diplomate en 1947, l’est également en cette Grèce de 2017.

“Ils sont divisés, fiers de leurs petites boutiques politiques, incapables de préparer et encore moins d’incarner le moindre contre-projet tangible et heureux, face au totalitarisme actuel. Ceux, issus des gauches (ceux des droites c’était déjà connu), tout comme ceux ayant quitté SYRIZA, ils sont tout simplement en quête de future réélection à défaut de programme. Ils adorent les verbiages, ils adoptent parfois nos analyses et phrases dans leurs discours, mais c’est tout. J’avais rencontré une fois Tsipras, il y a longtemps. Je lui ai dit certaines choses, il a pris mes mots... sans leur sens, et encore moins le sérieux de l’engagement qui devait en résulter. Et comme pour tout le reste, il a tout salopé”, me disait récemment un ami, fin connaisseur du... dernier situationnisme grec.

C’est alors dans ce sens que le voyage en Grèce de Jean-Luc Mélenchon n’a pas vraiment été remarqué. Lafazánis (Unité Populaire), visiblement gêné en dit un mot hésitant, après l’avoir brièvement rencontré, Alavános via le site de son ‘Plan-B’ ayant ouvertement critiqué les positions insuffisantes de la France Insoumise, surtout face à l’hybris européiste, il reste, le mouvement de Zoé Konstantopoúlou, lequel avait officiellement invité le président de la France insoumise, une opération de survie politique, sans plus à mon avis.

Zoé Konstantopoúlou dont les historiens retiendront son mérite d’avoir défendu la Constitution ainsi que d’avoir constitué le Comité sur la dette grecque, n’a plus d’avenir politique ici, elle n’a pas de projet d’ensemble. Et comme elle ne franchira probablement pas la barre requise pour être élue (au sein un pseudo-parlement il faut le dire), elle pourrait d’après ce que Jean-Luc Mélenchon laisse entrevoir, elle pourrait donc éventuellement être élue au pseudo-parlement par excellent de la dite Union européenne, via une liste de la France Insoumise qui dépasserait alors les frontières. C’est une hypothèse.

Zoé Konstantopoúlou pourrait-elle alors être élue de la sorte... pérennisant ainsi les illusions européistes, et l’amertume des peuples avec. Après avoir bu toute la cigüe Syriziste (et ce n’est pas terminé), nous savons à présent que le premier acte de résistance consiste à ne plus participer aux pseudo-scrutins, nationaux (du moins jusqu’à reconsidérer la situation) et encore moins aux dites élections européennes. Sans concession, ni enfumages. Le cynisme, n’est alors pas que la dernière arme des chiens.

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Extrait de l'article de Panagiotis Grigoriou paru sous le titre "Sérénité" sur son blog Greekcrisis