Ils sont 600 000 « esclaves modernes » rien qu’en Europe. Un phénomène « alarmant » au point que le Royaume-Uni a adopté un Modern Slavery Act et que des formations au droit du travail sont dispensées aux réfugiés en Allemagne. Car maintenus dans la précarité par leur statut fragile, les travailleurs migrants, en particulier les sans-papiers et demandeurs d’asile, sont les plus exposés à cette exploitation. En France, la justice peine à lutter contre ce travail forcé qui se répand dans l’agriculture, la construction, l’industrie ou la restauration.

« Vous connaissez ce mot, "droits" ? », demande Birgitta Wodke. Elle écrit le mot sur le tableau, pendant un cours d’allemand à destination des réfugiés dans un quartier du sud de Berlin. « "Rechte" (droits, ndlr). "Arbeitsrecht" (droit du travail)... » Face à elle, une dizaine d’étudiants écrivent consciencieusement sur leur cahier. Ils ont entre vingt et cinquante ans, viennent de Syrie, du Pakistan, d’Égypte, d’Iran, du Ghana, d’Afghanistan, et parlent déjà bien allemand. Birgitta Wodke n’est pas professeure de langue. Elle intervient ici pour une courte formation au droit du travail allemand. L’objectif : protéger ces nouveaux arrivants contre les abus et exploitations en tous genres.

Il y a ici six hommes, quatre femmes. L’une est diplômée d’anglais et a travaillé neuf ans dans une agence de voyage en Iran. Il y a un ancien professionnel de la broderie qui projette de se reconvertir comme chauffeur de bus, une jeune Ghanéenne qui était esthéticienne dans son pays, un Afghan qui conduisait des poids lourds et travaille aujourd’hui un dizaine d’heures par semaine dans un fast-food. Ou encore, un ingénieur égyptien avec 18 années d’expérience, une enseignante, un menuisier, un jeune Syrien qui a travaillé trois ans en Turquie au début de son exil et espère désormais trouver un emploi dans la vente ou la réparation de téléphones portable.

« On est payé pendant les congés ? »

La formatrice distribue une bande-dessinée toute simple : un personnage propose du travail à un autre, pour cinq euros de l’heure. Ce dernier accepte ; il fait la plonge, sans gants. Reçoit sa première paie, presque rien. Il réclame son dû, et l’employeur lui répond : « Tu n’auras pas plus. Maintenant tu peux partir ». « Cela m’est déjà arrivé », réagit l’homme afghan. Mais il ne savait pas comment se défendre. C’est justement de ce genre d’abus que cet enseignement entend protéger les réfugiés. « Même sans contrat écrit, un accord oral vaut pour contrat en Allemagne. Si vous venez travailler après cet accord oral, il faut que l’employeur vous paie. Et s’il vous licencie, il doit le faire dans les règles », souligne la formatrice. « Qui peut vous aider dans une telle situation ? », demande-t-elle. « Les association d’aides aux migrants, les syndicats, et aussi la police. Même si vous travaillez sans autorisation, il y a des situations où vous pouvez quand même vous adresser à la police. Si le patron vous frappe, ou qu’il a pris votre passeport. Un employeur n’a pas le droit de vous prendre votre passeport. »

Au cours des trois heures, la formatrice explique ce qu’il faut savoir pour se défendre : bien noter le nom de l’entreprise, son adresse, des contacts de collègues qui pourraient témoigner du fait que l’on a bien travaillé sur le site, prendre une photo de soi sur son lieu de travail. Ce que doit contenir un contrat, quel est le salaire minimum, quels sont les droits aux congés, en cas de maladie… « On est payé pendant les congés ? », interroge un homme. « Oui – Et en cas d’accident du travail ? – Oui – En cas de maladie ? – Oui. » Autant de points essentiels à connaître.

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Lire la suite de l'article de Rachel Knaebel paru sur le site de Bastamag!