La situation n’est donc pas à prendre à la légère, et aux frontières de la Grèce... il n’y a ni la Belgique, ni le Danemark. Comme le fait remarquer sur son blog l’analyste en géopolitique Dimitris Konstantakópoulos, “les États-Unis sont à présent représentées en Grèce par l'ambassadeur Geoffrey Pyatt, mondialement connu pour son mandat précédent à Kiev. Durant son mandat, les événements en Ukraine ont été les suivants: une révolte, un coup d'État, une guerre civile, un avion civil abattu, ainsi que la plus grande crise des trente dernières années dans les relations russo-occidentales.”

“En ce moment, M. Pyatt se rend à Ankara pour négocier l'avenir de la Grèce et de Chypre accompagnant Rex Tillerson secrétaire d'État des États-Unis de l'administration du président Donald Trump, dans ses pourparlers avec M. Erdogan. La présence d'Athènes et de Nicosie était évidemment jugée inutile dans ces discussions. Ces deux autres capitales seront informées rétrospectivement de ce qu'elles doivent tout juste savoir... et quant à nous, nous subirons les suites.”

“Erdogan, Tillerson et Pyatt mettront tout sur le tapis pour déterminer ce qu'ils donneront de la Grèce et de Chypre à la Turquie afin que le Sultan (Erdogan) puisse donner son accord, ce qui d’ailleurs n’est pas certain. Dans l’éventualité d’un accord entre la Turquie, l'Occident et Israël, nous ici, nous paierons une partie de la facture, et à défaut d’accord, il ne peut pas être exclu qu’une... belle guerre gréco-turque puisse par la suite être organisée.” (Dimitris Konstantakópoulos, “Grèce: tout droit vers le précipice”, 15 février 2018)

L’expérience grecque ainsi que l’analyse qui est celle de ce blog depuis ses débuts (2011), c’est que l’austérité (euphémisme en toute évidence qui cache une réalité beaucoup plus apocalyptique), la prise du contrôle total des finances du pays (et des pays), des institutions, des mentalités (mécanique sociale), l’annulation (dans les faits) de la Constitution, la marionnettisation surpassant le ridicule de la classe politique (en réalité apolitique), la fin des droits sociaux, ce n’est qu’une palier dans cette guerre asymétrique que les pays, nations et sociétés subissent... au risque de disparaître même entièrement... en succombant, à défaut de résister.

Et lorsque cette mainmise sur les ressources, sur les cultures, sur les populations, sur les mentalités atteint le niveau visé (par certains pays supposés grands et pas la dite élite mondialisatrice pour qui les petits gens ne sont que “de la vermine”, c’est bien connu), eh bien, il ne restera que le chaos provoqué comme provoquant. Plus évidemment la guerre tout court... faite par d’autres moyens. D’où à notre avis, le handicap (en réalité assumé) des analyses (supposées marxisantes) que la gauche à la SYRIZA adopte ici ou là, histoire tout naturellement de (mal) dissimuler son appartenance consubstantiel (mais bientôt cosmétique) au méta-monde de l’hybris, comme de la piraterie généralisée, qui est le “nôtre”.

Les Grecs l’ont si bien compris qu’ils ne manifesteront plus jamais nous semble-t-il, à l’appel des partis de gauche ou des syndicats. Désormais, ce sont les questions identitaires, celles liées à l’ultime existence ainsi acculée, qui véhiculent, véhiculeront et canaliseront l’immense douleur des années troïkannes, ce que les grands rassemblements à propos de la question Macédonienne ont déjà prouvé à Thessalonique et surtout à Athènes.

Inutile de dire combien et comment une déflagration gréco-turque en Égée (même de courte durée), en Thrace ou à Chypre, pourrait devenir ce catalyseur qui balaiera, non seulement le “gouvernement” SYRIZA/ANEL, mais peut-être bien, l’ensemble du régime politique grec. Un peu comme l’invasion turque à Chypre et la courte guerre gréco-turque en 1974, ont balayé le régime de l’autre junte, celle des Colonels.

Il n’y aura pas de retour ne arrière dans ce processus qui est le nôtre actuellement, et nous irons très probablement jusqu’au bout. Les Grecs n’ont même plus d’illusions quant à l’état du monde, quant au simulacre de la démocratie, ou quant aux enjeux géopolitiques dans cette région du monde. Tsipras et les siens sont désormais haïs (et non seulement politiquement rejetés) par plus du 70% de la population. La situation à Athènes... étant sans cesse observée, les Ambassades à Athènes devraient autant le savoir.

Enfin, ce que les Grecs savent (si ce n’est que par intuition), ce que Tsipras (visiblement davantage que Samaras), après avoir paraphé tant de mémoranda coloniaux, il aurait en même temps, donné son accord à un agenda géopolitique dissimulé, au détriment des intérêts, voire, de l’intégrité territoriale du pays. Pour une “majorité” réelle (et non pas forcément électorale) se basant sur près du 10% des Grecs (et encore), tout cela ne passe absolument pas, d’où ce qualificatif lequel revient ainsi sans cesse en ce moment en Grèce pour designer les Syrizistes: “Traîtres”.

Extrait de l'article de Panagiotis Grigoriou, paru sous ce titre sur son blog Greek Crisis