Il n’est pas besoin d’être partisan de Tariq Ramadan ni même d’être musulman pour se sentir très à l’aise à rappeler que, dans cette affaire, c’est le traitement médiatique et l’instrumentalisation politique qui posent problème et qui posent même un problème majeur pour notre démocratie.

L’acharnement contre Tariq Ramadan, le mépris de sa présomption d’innocence et de son droit à pouvoir répondre aux attaques médiatiques et politiques qu’il subit – alors que, placé en détention provisoire, il ne le peut manifestement pas -, n’interpellent pas seulement les musulmans ou ses partisans. Cette campagne objective de dénigrement, alors même qu’une procédure judiciaire est en cours, interpelle l’ensemble des Français à un moment de basculement périlleux de notre société où les frontières intellectuelles entre l’extrême-droite et une partie de la gauche et de la droite s’effondrent et promettent d’accentuer les clivages et d’exacerber les tensions.

(...)

Chacun peut et doit légitimement s’interroger sur l’attitude et les choix de communication des partisans de Tariq Ramadan, mais ne pas le faire au sujet des plaignantes, de leurs propres soutiens ou des détracteurs notoires de l’accusé, alors même que leur comportement est tout aussi discutable et litigieux, sinon même davantage, c’est faire preuve de déni et refuser de voir ce qui se produit pourtant sous nos yeux.

Peut-être Tariq Ramadan aura-t-il à répondre à son auditoire musulman au sujet d’éventuelles relations extra-conjugales qui le mettraient en porte-à-faux avec ses enseignements, c’est là un débat interne aux milieux musulmans et nul ne peut préjuger de ses conclusions. Ce qui est certain, c’est que la presse aura à répondre de ses propres agissements à l’ensemble des Français, dans un contexte social et intellectuel de plus en plus sensible et difficile.

Car comment la presse expliquera-t-elle, alors même que l’accusation pour crime de viol commence à s’effondrer, qu’elle a pu se complaire dans la mise en spectacle de la vie privée d’un homme aux seules fins de nuire à ce dernier ? Comment expliquera-t-elle qu’elle a accepté de trahir sa propre mission d’impartialité et de se laisser instrumentaliser politiquement, sinon de politiser elle-même le débat ? Comment expliquera-t-elle la sélection sinon la rétention d’informations – aujourd’hui encore – capables d’expliquer et de remettre en cause la position des plaignantes, alors même qu’elle fait feu de tout bois pour accabler l’accusé, lequel, placé aux arrêts et contraint au silence, ne pourra pas, elle le sait, lui répondre ?

Quelle est cette presse qui se comporte ainsi et prétend, ici comme sur d’autres sujets, nous éclairer sur l’avenir et jouer un rôle démocratique dans notre société ? Son entêtement relève-t-il simplement du déni et de l’orgueil, ou encore d’une prise de conscience qu’elle se serait fourvoyée et ne sait plus comment faire machine arrière ? Ou bien est-il possible que son rôle soit encore plus calamiteux et qu’elle se soit définitivement égarée ?

Extrait de l'article de Mathieu Vernerey paru sur son blog