En réalité, nous sommes aujourd'hui en Italie face à un crise comparable à celle qu'a connue la IIIe République française naissante, le 16 mai 1877 : un conflit de légitimité entre un président élu par un parlement dont la majorité à été écrasée dans les urnes et la nouvelle majorité.

La seule différence, de taille, c'est que le président italien est la marionnette d'une puissance étrangère.

Car Mattarella n'a pas refusé de nommer Matteo Salvini au motif que sa politique migratoire serait incompatible avec les traités européens ou des droits de l'Homme ; non, il a refusé de nommer Paolo Savona, ministre des Finances, parce que celui-ci, après avoir été partisan de l'euro, défend aujourd'hui que l'euro est une cage de fer allemande dans laquelle expire l'économie italienne - la pure et simple vérité.

Les masques sont donc une fois encore tombés : c'est l'ordre européen, c'est-à-dire l'ordolibéralisme allemand, qui conditionne désormais, partout en Europe, l'exercice du suffrage universel, qui contraint les choix des électeurs - en application du théorème Juncker énoncé au moment de la "crise grecque" : pas de démocratie contre les traités européens. C'est-à-dire pas de démocratie du tout. Explicitement désormais, le rite électoral est désormais limité à un concours de mode destiné à désigner le plus jeune, le plus avenant ou le mieux habillé parmi ceux qui ont accepté de conduire la seule politique acceptable - déterminée ailleurs, par la Caste qui sait mieux que les peuples ce qui est bon pour eux, hors de tout contrôle démocratique, et pour l'éternité des temps. Et c'est encore mieux si c'est un banquier et le plus soumis aux volontés de l'Allemagne : Macron, par exemple.

Une fois de plus, la preuve est faite que ce qu'il est convenu d'appeler l'Europe est incompatible avec la démocratie. Et comme on ne la changera plus, comme on ne la réorientera plus, parce qu'elle a été précisément conçue, dès l'origine, pour servir exactement à quoi elle sert, soit on choisit la démocratie et on sort de l'euro et de l'UE, soit on choisit de rester dans l'UE et l'euro et on enterre la démocratie.

C'est bien là qu'est le noeud gordien de la question italienne qu'il faut trancher, si l'on ne veut pas voir mourir la démocratie en Italie comme ailleurs en Europe. Hier soir, en meeting à Naples, Luigi di Maio, le leader du M5S n'a pas dit autre chose : "Pour revenir aux urnes, nous n'avons pas besoin du drapeau du mouvement, mais du drapeau italien, car dans ces couleurs il y a le peuple italien et la souveraineté appartient au peuple italien, pas au peuple allemand."

Alors ? Gouvernement technique sous la houlette de "Monsieur Ciseaux" pour gagner quelques mois et surtout mettre l'Italie à genoux devant les marchés, afin que la majorité trouve une situation dans laquelle elle aura pieds et poings liés. Forcer la Ligue et M5S à prendre l'engagement de rester dans l'euro où ils seront ligotés, et pilonner que la sortie de l'euro conduirait les Italiens à la ruine, à la pauvreté, à la faillite. Alors que c'est juste le contraire : la sortie de l'euro est la condition du redressement italien.

Extrait du billet d'Olivier Delorme paru sous le titre "Coup d'Etat à l'italienne" sur son blog

Ajout du 27/08/2018

François Asselineau a proposé une analyse constitutionnelle différente de celle d'Olivier Delorme à laquelle le Concierge adhère en fait. Sur le fond, les deux points de vue ne sont guère différents. Mais la forme reste importante pour une sortie de l'UE en bon ordre.

Lire:

Le refus du président de la République italienne de nommer un ministre des finances anti-euro démontre l’impasse totale de « l’alter-européisme » et de ses ambiguïtés programmatiques.