Si certains se demandent ce qu'on entend par "souveraineté", l'exemple d'un pays qui l'a perdue pourrait les faire réfléchir. Car faire des selfies de dénonciation des colonisations du passé sert surtout à cacher celles du présent, commises en notre nom. Nous ne savions pas? (le Concierge)

J’étais députée de Syriza et présidente du Parlement grec pendant les sept mois qu’a duré le premier gouvernement de ce parti. Lorsque Tsipras a signé le troisième mémorandum en dépit de sa toxicité, en 2015, j’ai lutté de toutes mes forces pour préserver nos procédures parlementaires que le Premier ministre et la troïka foulaient aux pieds. En dépit des pressions permanentes, j’ai refusé de déroger à nos règles démocratiques et d’endetter encore plus notre peuple. Avec des dizaines d’autres parlementaires de Syriza, j’ai voté contre cet accord monstrueux.

Tsipras a alors dissous prématurément le Parlement pour nous écarter, les parlementaires dissidents et moi.

Trois ans plus tard, sa capitulation devant la troïka s’est révélée aussi désastreuse que nombre d’entre nous l’avions prédit. La vie de nos concitoyens est devenue intolérable. Le chômage des jeunes est devenu la norme et on estime à 8 % la part de la population qui a quitté le pays à la recherche d’un emploi. Le salaire minimum ne permet pas de couvrir les factures et des centaines de milliers de familles doivent se passer d’électricité pendant de longues périodes.

Cette tragédie a commencé dès 2010, mais Tsipras et son gouvernement soi-disant de gauche ont tout fait pour prouver qu’ils pouvaient mener les politiques austéritaires mieux que leurs prédécesseurs. Ils se vantent même de dépasser les cruels objectifs de la troïka en matière de coupures budgétaires et d’impôts.

Pendant les élections anticipées de 2015, Tsipras a prétendu avoir signé le troisième mémorandum parce que la troïka lui avait promis des discussions sur un allègement de la dette. Le 21 juin dernier, l’Eurogroupe a convenu d’une extension de dix ans de l’échéancier de remboursement de la Grèce, ce qui en définitive, signifie que davantage d’enfants et de jeunes deviendront endettés contre leur volonté. Chaque nouveau-né en Grèce voit le jour avec une dette de 40 000 euros, et de moins en moins de bébés naissent depuis l’imposition de mesures d’austérité.

Tsipras a salué la prolongation de l’échéancier dans un discours où il qualifie ce 21 juin de « jour historique ». Je doute que quelqu’un s’en souvienne l’année prochaine. La dette de la Grèce, source de nos ennuis, a été déclarée « illégitime, illégale, odieuse et insoutenable » par la commission parlementaire d’audit de la dette que j’avais convoquée lorsque j’étais présidente du Parlement en 2015. Tsipras n’a jamais utilisé les rapports officiels de cette commission. Sous son mandat, la dette de la Grèce s’est encore accrue et selon les prévisions, elle devrait exploser.

L’Eurogroupe a imposé à la Grèce un objectif d’excédent budgétaire d’au moins 2,2 % du PIB d’ici 2060. Tsipras prétend que la Grèce « sortira proprement » du mémorandum en août prochain : il a déjà légiféré pour introduire de nouvelles mesures austéritaires prescrites par la troïka jusqu’à 2022, accepté la surveillance de l’économie jusqu’à 2060 et a renoncé à tout contrôle sur les biens publics jusqu’à 2114.

Tsipras prétendait vouloir mettre à bas les oligarques des médias. Aujourd’hui pourtant, ces anciens oligarques n’ont rien perdu de leur pouvoir et une nouvelle génération s’est même installée, les « oligarques de l’ère Tsipras ».

Sa politique étrangère a connu le même sort : en octobre dernier, alors qu’il représentait un État en faillite, il a dépensé pas moins de 2,4 milliards de dollars pour l’achat d’avions de chasse F-16 aux États-Unis. Il a ensuite fait l’éloge de Donald Trump qui, selon lui, perpétue « la tradition de démocratie et de liberté » née en Grèce. En bon caniche de Washington, Tsipras a également noué d’étroites relations avec le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou, a accepté de vendre des armes à l’Arabie Saoudite, dont le régime est actuellement accusé de bombarder des enfants au Yémen et a levé le véto de la Grèce à l’expansion de l’OTAN dans les Balkans. Il a également signé des accords sur les réfugiés qui constituent une violation criante du droit international humanitaire.

Depuis 2015, il a mis en œuvre un programme de privatisation cynique, vendant à vil prix nos ports, nos aéroports, nos côtes, nos voies ferrées, nos compagnies d’électricité, d’eau et de gaz, nos sites archéologiques et culturels, nos théâtres, nos tribunaux, nos mines d’or et d’autres entreprises prospères. Aucun de ses prédécesseurs néolibéraux n’avait osé aller aussi loin.

En 2017, son gouvernement a lancé la vente aux enchères en ligne des logements de familles qui n’étaient plus en mesure de s’acquitter de leur dette envers leur banque, en ayant recours à des méthodes anticonstitutionnelles et à la violence policière. Comme avocate, j’ai même vu la police user de gaz lacrymogène dans un tribunal. Pour complaire à la troïka, il a même criminalisé les manifestations contre la vente aux enchères des domiciles

Extrait de la tribune de Zoé Konstantopoulou parue sous le titre "Si vous aimez la Grèce, aidez-nous à nous débarrasser d’Alexis Tsipras et de son parti zombie" sur le site du CADTM.