Tsipras et Varoufakis vers la capitulation finale
Par Le concierge du Musée le mardi 1 octobre 2019, 22:57 - Quatrième nuit de Walpurgis - Lien permanent
Nous reproduisons la conclusion de la partie 9 de la série d'Eric Toussaint "Le témoignage de Yanis Varoufakis : accablant pour lui-même" consacré à "Adults in a room" (dont une adaptation cinématographique réalisée par Cost-Gavras sortira en salle le 6 décembre) Le Concierge
Au cours des deux mois qui mènent à la trahison du verdict populaire du 5 juillet, Tsipras a pratiqué une orientation qui conduisait au désastre. À plusieurs reprises, il aurait pu prendre un tournant mais s’y est refusé. L’enthousiasme soulevé par le référendum du 5 juillet a fait long feu et a débouché sur une énorme déception.
Est-ce que Varoufakis a défendu de manière cohérente une alternative crédible, comme il le prétend ? La réponse est clairement négative. Il a accompagné Tsipras et le noyau qui l’entourait et il n’en a jamais pris publiquement ses distances quand il en était encore temps. Et lorsqu’il a démissionné, il l’a fait dans des termes qui ont prolongé la confusion. Dans l’explication publique de sa démission, il écrit le 6 juillet :
« Peu après la proclamation des résultats du référendum, on m’a fait savoir que certains membres de l’Eurogroupe ainsi que d’autres « partenaires » auraient vu d’un bon œil mon « absence » lors des réunions, idée que le Premier Ministre juge potentiellement utile pour parvenir à un accord. C’est pour cette raison que je quitte aujourd’hui le ministère des Finances. (…) Je considère qu’il est de mon devoir d’aider Alexis Tsipras à exploiter de la manière qu’il jugera utile, le capital que le peuple grec nous a confié lors du référendum de dimanche. (…) Je soutiendrai donc sans hésitation le Premier Ministre, le nouveau ministre des Finances et notre gouvernement. »
Quant à son plan B, il a fallu attendre la décision de fermeture des banques pour que Varoufakis découvre, selon ses propres déclarations, que la banque de Grèce disposait d’une réserve de billets en euros pour un montant de 16 milliards € qui, si le gouvernement l’avait décidé, auraient pu être remis dans le circuit, par exemple en les estampillant pour qu’ils fonctionnent comme une monnaie complémentaire non convertible et qu’ils puissent être mis en circulation via les distributeurs de billets. Et à ce moment-là il reconnaît lui-même qu’il s’est opposé à ce qu’on utilise cette manne alors que le leader de la plateforme de gauche essayait de convaincre Tsipras de s’en servir.
Heureusement, Varoufakis a ajouté sa voix au camp du refus du 3e mémorandum dans la nuit du 15 au 16 juillet, votant « Non » avec les députés de la Plateforme de gauche et avec Zoe Konstantopoulou.
En ce qui concerne la Plateforme de gauche, il faut aussi reconnaître qu’elle a commis l’erreur grave de ne pas exprimer publiquement ses désaccords à partir de la première capitulation du 20 février et par après. Elle n’a pas mis dans le débat public le plan B élaboré notamment par Costas Lapavitsas. Après la trahison du résultat du référendum, elle s’est largement cantonnée à la dénonciation de la politique de Tsipras sans être capable de mettre en avant de manière offensive et crédible une proposition alternative.
Il n’y a pas eu de grandes mobilisations spontanées car une majorité du peuple de gauche qui avait mené le combat principalement entre 2010 et 2012 faisait confiance à Tsipras et celui-ci n’appelait pas le peuple à se mobiliser. Les forces de gauche hors du parlement qui appelaient à la mobilisation étaient quant à elles trop faibles.
Les facteurs qui ont conduit au désastre sont bien identifiés : le refus de la confrontation avec les institutions européennes et avec la classe dominante grecque, le maintien de la diplomatie secrète, l’annonce à répétition que les négociations allaient finir par donner de bons résultats, le refus de prendre les mesures fortes qui étaient nécessaires (il aurait fallu suspendre le paiement de la dette, contrôler les mouvements de capitaux, reprendre le contrôle des banques et les assainir, mettre en circulation une monnaie complémentaire, augmenter les salaires, les retraites, baisser le taux de TVA sur certains produits et services, annuler les dettes privées illégitimes…), le refus de faire payer les riches, le refus d’appeler à la mobilisation internationale et nationale,… Pourtant comme nous le verrons dans la partie qui suit, le dénouement tragique n’était pas inéluctable, il était possible de mettre en œuvre une alternative crédible, cohérente et efficace au service de la population.
Eric Toussaint
A lire intégralement sur le site du CADTM