Le comité translucide a courageusement affronté la critique des masses populaires en sorte de faire cheminer ses idées du particulier au général. Un débat de haute tenue péripatéticienne a vu l'indécrottable réfractaire J-P.Garnier affronter : clercs universitaires, ex-maoïstes rationalistes, leninistes barbus, nuitdeboutistes, spontanéistes communards, libraires, voisins et amis pour une impeccable défense et illustration du marxisme-burlonisme. En prime quelques archives émouvantes et une présentation de l'ouvrage par son éditeur. (Présentation reprise du site de tropiques)
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Bonnes feuilles :
Changer les règles, changer les institutions ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Moi je maintiens que l’on appartient à la petite-bourgeoisie intellectuelle cad aux agents dominés de la domination, je reprends toujours une définition bourdivine, cad qu’en fait pour l’instant on ne voit pas les membres de notre classe remettre en cause le fonctionnement de Universités, le fonctionnement des règles. Faut pas déconner. j’ai passé quand même plusieurs décennies dans l’Université, j’ai jamais vu des gens qui remettaient en cause la fonction n°1 des universités, c’est celle de la reproduction des rapports de production, la division du travail etc. jamais personne. Aucun prof. Aucun prof ! Il y avait quelques profs anars bon ils en ont eu marre, ils sont partis eux-aussi faire les agriculteurs dans les périphéries ; mais sinon je n’ai jamais vu un prof remettre en cause la division du travail entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent. La division du travail capitaliste sociale, je dis bien, pas technique, c’est quelque chose qui est sans arrêt reproduit particulièrement par l’Université. Les règles ne sont pas remises en cause. On veut simplement que ces règles-là soient un peu plus favorables...
Alors je ne suis pas du tout d’accord (...)... le salariat. Le rapport salarial. Ça pour moi, c’est une fumisterie. Il y a des salariés qui sont haut de gamme, qui sont presque des capitalistes, qui commandent, qui dirigent... Moi, il y a un mot qui a disparu et que je persiste à utiliser, c’est le mot prolétariat, cad des ouvriers et des employés d’exécution. Les salariés... si c’est un prof de rang A dans une fac, on sait ce que c’est... Il n’y a pas plus conservateur. J’en ai fréquenté toute ma vie. Et j’ai vu ce qu’ils valaient. En terme d’offensive, contre les instituts, rien du tout. Ils essaient de se caser, ils ont des plans de carrières, les projets de société ils n’en ont rien à foutre. Fallait voir... En plus, quand je suis arrivé, en plus je suis arrivé à un moment où ça bougeait un peu dans les Facs. 1971. Toulouse Le Mirail. Fallait voir. Je les avais vus à Cuba, la Révolution, machin... Je les ai vus... Ils étaient tous en train de savoir bon, qui est-ce qui veut occuper ce poste etc. Ils n’ont pas du tout... On était les seuls... On était trois profs uniquement seulement sur la Fac, contre les lois Debré de réforme universitaire, à foutre la merde. La vraie merde, hein ! Empêcher les examens, par exemple. Pour prendre un exemple, bon à l’époque, on construisait le Mirail – il est détruit maintenant – l’Université du Mirail, y’avait deux chevaux en train de brouter... On a amené un cheval et on l’a amené dans une salle d’agreg où il y avait un prof qui ne faisait pas grève, qui était du PC. Et évidemment il y avait 300 à 400 étudiants... Mais les profs ce sont des lâches et des arrivistes... Ils sont modelés pour reproduire la société... Faut pas... C’est quand ils ont le dos au mur qu’ils deviennent... Et j’en viens à Lénine. L’intelligentsia russe...
Effectivement, Radek, Boukharine... on va pas faire la liste... c’étaient tous des intellectuels. Mais c’était des intellectuels sous un régime tsariste. Alors le régime tsariste, il fallait voir ce que c’était... Il fallait voir aussi que ça bougeait beaucoup les soviets et tout le bazar, 1905. Ce sont des gens qui ont su être traîtres à leur classe. Traîtres à leur classe. Qui se désolidarisent de leur classe. Moi, je ne me suis jamais solidarisé avec ma classe. Je suis un petit-bourgeois intellectuel. J’ai été payé et je suis toujours payé, avec la retraite, par l’État. Mais je n’ai jamais été solidaire au point de nier, de fonctionner dans le déni sur le fait que tant qu’on ne fout pas la merde dans les institutions... pas pour les améliorer au service de la n-ième réforme, on n’arrête pas d’avoir des réformes en France, n-ième règle du jeu... le jeu, faut le casser. C’est pas de faire des règles du jeu pour faire plaisir aux réformateurs ou plutôt... aux réformateurs, hein, ceux qui veulent donc... Qu’est ce qu’il a dit l’autre ? Todd... apprivoiser le capitalisme. Moi je pense que face au capitalisme redevenu sauvage, il ne faut pas l’apprivoiser... il faut lui faire peur. Mais lui faire peur pas au sens Lordonesque du terme, hein !
Note du Concierge:
Sur la "Divergence des luttes" avec les universitaires, on lira en complément une étude de terrain du laboratoire de Neuneulogie du Collège d'Argein qui ambitionne de passer du particulier au général (s'agissant d'un "terrain de lutte", des noms sont cités, mais le lecteur n'aura qu'à les changer sur son propre terrain pour prendre conscience qu'il s'agit bien là d'un rapport de classes et de production, et non d'une critique moraliste de type "indignés".)