Souviens-toi de Nicole Notat et de la CFDT en 1995 !
Dans notre nouvelle série, "les ennemis de nos ennemis ne sont pas non plus totalement nos ennemis" (ou "la maladie infantile du gauchisme ne passera pas par nous mais on refuse la lobotomisation !), le Musée de l'Europe & de l'Afrique publie un texte de Daniel Mermet (et oui !) paru sur SON site la-bas.org
Mme Cécile Duflot signe un texte avec Cambadélis, tout est dit. Feu sur la fausse gauche de la fausse gauche pour qu'elle vote une motion de censure y compris de droite et fasse tomber, ce que la population lui demande, le gouvernement le plus à l'extrême droite depuis 1944. Car le coup du référendum d'entreprise (loi El-Khomri) dans un pays aussi peu syndiqué (contre-coup de la charte d'Amiens, le syndicalisme révolutionnaire ne s'étant pas développé pour autant) , c'est la mort de l'appareil de la CGT. Et la bureaucratie centrale le sait, c'est pour ça que temporairement, les intérêts de la base et de la bureaucratie coïncident. C'est très rare dans l'histoire syndicale. Donc c'est une lutte à mort. Et les anciens trotsko, spécialistes de la manipulation des mouvements étudiants qui ont toujours misé sur une bavure policière pour être portés au pouvoir le savent. Donc ils essaient d'inverser le truc. Le story telling appuyant les ordres débiles donnés aux CRS est en place depuis 3 semaines. Et ils savent pouvoir compter sur les agitateurs petits (voire grands) Bourgeois insurrectionalistes qui sentent que ça vient et les neuneux qui ne voient les conflits sociaux qu'à travers la police pour la provoquer : la mort d'un flic.
Il faudrait un tout petit peu d'intellectuel collectif pour avancer... Malheureusement, c'est pas Lordon qui va rééquilibrer la force. Mais il a toute sa place dans la bataille à côté de l'ouvrier des Trois glorieuses (qui est quand même beaucoup plus éduqué depuis le temps, même si le prof qui n'arrive pas à la cheville d'un intellectuel européen du XIXème siècle est toujours aussi condescendant !):
« L’ouvrier des Trois Glorieuses chaloupait derrière les barricades et se foutait des professeurs ; il les acceptait dans ses rangs avec gentillesse, mais comme simples soldats. Maintenant, dès qu’il en apparaît un, on lui a appris à en baver et à se mettre au garde-à-vous. Il a confié les destinées de sa classe à quelqu’un qui n’en est pas et qui lui apprend tout de suite à douter. On le fait aller à l’école quand il est bien plus savant avec son instinct. Avant-même de s’être affranchi des maîtres dont il veut se débarrasser, il s’en est donné de nouveaux qui ne valent pas plus que les premiers. Il ne ne peut plus se libérer que par personnes interposées, c’est à dire qu’il ne peut plus se libérer du tout. De là toutes les interprétations du mot liberté, à quoi on lui dit de réfléchir et où il est comme une poule qui a trouvé un couteau. Comme il n’y comprend rien, il ne peut plus être généreux. C’est tout un profit pour ses chefs dont il fait l’établissement au lieu de s’établir lui-même. »
Jean Giono (Voyage en Italie, 1954)
C'est maintenant qu'on arrête le fascisme et la guerre ! Il n'y aura pas d'autre occasion.
Feu, Feu, Feu !
le Concierge
Louise Michel, Mandela, Che Guevara, mais où sont les révolutionnaires d’aujourd’hui ? On les a trouvés, ils sont à la une de Libération, ils sont quarante, quarante rebelles qui ont eu l’audace de lancer un appel aux patrons, « l’appel des 40 au CAC 40 ».
Ce qu’ils exigent ? Que les salaires des patrons n’excèdent pas 100 fois le SMIC ! Cent fois, c’est-à-dire 1 750 000 € annuels. Le montant du SMIC étant de 17 592 € bruts annuels (soit 1 144 € mensuels), alors que les patrons du CAC 40 sont en moyenne à 4,2 millions € bruts annuels, soit 238 fois le SMIC. Le réduire à pas plus de 100 fois, telle est l’exigence impérative de ces insurgés.
À première vue, on peut trouver que c’est déjà beaucoup. Mais on peut aussi se demander pourquoi se contenter de ce qui resterait tout de même une énorme inégalité. Qu’est-ce qui fait qu’un homme vaut cent fois plus qu’un autre ? Alors que, par exemple, la peu révolutionnaire CES (Confédération Européenne des Syndicats) propose un écart de 1 à 20.
L’éventail acceptable des revenus est une vieille histoire.
L’économiste Jean Gadrey [1] rappelle qu’au Vème siècle avant notre ère, Platon préconisait une échelle de 1 à 4. C’est ce que la majorité des Français estime acceptable toujours aujourd’hui. En 1998, une recherche de l’économiste Thomas Piketty montrait que l’écart acceptable entre un cadre supérieur et une caissière de supermarché était de 3,6 pour une majorité de Français. Même le grand banquier américain John P. Morgan (1837-1913) estimait qu’un PDG ne doit pas percevoir plus de 20 fois le revenu moyen de ses salariés. Même Henry Ford, capitaliste légendaire, considérait que l’écart acceptable ne pouvait dépasser 1 à 40. Mais pour les quarante indignés de Libération, cet écart peut aller de 1 à 100. Ce journal, qui rappelons-le est la propriété du milliardaire Patrick Drahi, sixième fortune française, avait mentionné l’Union syndicale Solidaire parmi les signataires de l’appel. C’était un abus que Solidaire a aussitôt dénoncé, ce syndicat en effet milite pour un écart de 1à 20 dans l’immédiat pour atteindre ensuite 1 à 10.
Parmi les signataires, des rebelles comme Dany Cohn-Bendit, Nicolas Hulot, Cécile Duflot ou Jean-Christophe Cambadélis passent pour de hardis justiciers mais ils ne font que renforcer les inégalités et les faire accepter par l’opinion. Au temps de l’esclavage, ils auraient négocié le poids des chaînes. Ils n’auraient pas osé s’attaquer au système esclavagiste dans la crainte des conséquences économiques, mais ils auraient lancé une courageuse pétition pour réduire le poids des chaînes et limiter le nombre de coups de fouet pour les esclaves indociles.
Jadis, l’ouvrier le moins révolutionnaire n’avait qu’une idée devant ces gros patrons, les pendre, et non pas militer pour les aider à gagner cent fois plus que lui.
Daniel MERMET
Notes
[1] Alternatives Economiques, novembre 2008