La faillite de l'anti-terrorisme
Par Le concierge du Musée le mercredi 7 janvier 2015, 22:12 - Quatrième nuit de Walpurgis - Lien permanent
Un terrible attentat a été commis à Paris ce mercredi 7 janvier 2015.
Depuis 10 heures les médias, en continu, nous expliquent narcissiquement pour toute analyse qu'il s'agit d'un attentat contre la liberté d'expression et la liberté tout court puisqu'il vise un organe de presse et que "la presse c'est la liberté".
Ils oublient, alors que ce serait leur travail de le rappeler, que la France est en guerre sur différents fronts et qu'elle est donc mécaniquement exposée à des risques d'attentats, car la guerre, c'est la guerre (et qu'il serait peut-être temps de réfléchir en ces termes avant que cela ne soit aussi la guerre sur le front russe à force de ne rien comprendre et de pervertir le langage qui le permettrait.)
C'est ainsi que l'attentat qui a eu lieu le 11 décembre 2014 contre le Centre Culturel Français de Kaboul fut interprété comme une attaque contre "la culture et la création" selon le Président de la République, sans autre attendu lié à la situation en Afghanistan.
Dans ces guerres asymétriques, les médias ne sont pas des observateurs : ils constituent une mécanique de propagande dont le fonctionnement est devenu tellement prévisible qu'il peut désormais être aussi instrumentalisé par des combattants d'autres bords qui ont leurs propres besoins de propagande et leurs buts de guerre.
La mise en scène de l'assassinat bien réel de journalistes est ainsi devenu depuis peu l'un des moyens les plus efficaces pour s'assurer l'impact médiatique maximal avec toutes ses conséquences politiques, et cela en engageant très peu de moyens, aussi terribles soient-ils.
Les journalistes sont des citoyens ordinaires. Les transformer en symboles et les laisser se transformer narcissiquement - oserait-on dire petit-bourgeoisement - en symboles, c'est les transformer en explosifs symboliques que tous les Machiavel peuvent décider d'allumer en fonction de leur agenda politique.
Dans un contexte où le risque d'attentats était réputé maximum et où Charlie Hebdo s'offrait témérairement en cible de choix pour ces Machiavel, grands ou petits, on ne comprend pas que le journal n'ait pas été plus sérieusement protégé (il l'était par un simple digicode apparemment). Comme si les fantasmes de la lutte anti-terroriste contre des fantômes (et même parfois des "jihadistes verts") avaient pris le pas sur les règles les plus élémentaires et rationnelles de prévention.
Mais qui osera poser en ce jour la question de la dérive politique délirante de l'anti-terrorisme depuis le 11 septembre et de sa conséquence : la faillite épouvantable de la mission qu'on lui assigne devant l'opinion publique dont témoignent dans leur tombe les morts absurdes de ce 7 janvier.
Le Concierge