L’actuel “répétitisme” grec du régime de la Troïka (élargie), a d’abord et d’emblée concerné les rescapés du salariat... devenu quasi-inexistant et cela sous de différents prismes. Ainsi, près d'un million de travailleurs du secteur privé en Grèce, ne perçoivent plus de salaire, ou sinon, ils sont payés de manière partielle et largement intermittente. Car les “retards” pratiqués de manière désormais généralisée par employeurs ne respectant plus les délais relatifs au versement des salaires peuvent être bien longs, allant de trois à dix-huit mois. Les patrons donc en rajoutent, “crise oblige”, et depuis un moment déjà, une certaine “Justice”... les accompagne à sa manière.

Alors que la majorité des travailleurs du pays sont pris en otage, subissant de fait ce régime particulier du non-paiement de leurs salaires par les employeurs, la Cour Suprême à Athènes, par sa décision (677/2017 du 4 juillet 2017) confirme que “le non-paiement des salaires des employés, même prolongé dans le temps, ne suffit pas à lui seul pour établir la notion du changement défavorable dans les termes de leurs contrats pour les employés, dans la mesure où ce non versement des salaires n’est pas liée à l'intention de l'employeur de forcer l'employé à démissionner, évitant donc de lui verser une indemnité de départ”, (presse grecque, juillet 2017).

L’évolution grecque sous le régime d’exception (devenue la nouvelle règle) de la Troïka (comme des patrons du coin) est depuis 2010 fort saisissante. Ce qui semble être encore réglementaire et admissible ailleurs en Europe, par exemple en France, les mesures notamment relatives à la protection du salarié, tout cela appartient déjà aux yeux des Grecs, à une... autre civilisation:

“En effet, le retard dans le paiement du salaire est considéré comme une faute grave de l’employeur et ce, ‘peu important que ce manquement soit justifié ou non par des raisons légitimes’ (Cour de cassation, chambre sociale, 27 mars 2008). Si le retard dans le paiement est trop important, le salarié pourra obtenir la rupture de son contrat de travail. Cette rupture sera alors qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, donnant ainsi droit au versement d’indemnités. Enfin, le non-paiement des salaires constitue une infraction pénale, passible de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. (Article R. 3246-1 du Code du travail)”, Presse électronique spécialisée en France (“Saisir les Prud'hommes”).

Cela dit, comme par exemple à cette distillerie de la région de Trikala (Thessalie), nous pouvons encore rencontrer des employés... régulièrement payés et à l’heure, heureux moments historiques ! Ailleurs, ce n’est pourtant pas le cas et cela jusqu’au paroxysme.

Paroxysme donc, car Athéna âgée de 42 ans, employée aux enseignes Karipidis à Giannitsa (agglomération du nord de la Grèce), vient de se suicider (11 juillet 2017, et la presse grecque a pour une fois très largement évoqué son suicide) . Athéna a même laissé un ultime message, rédigé à l’attention de son frère, avant de s’ouvrir les veines, enfermée dans la salle de bain du domicile familial. Leur père, petit fabriquant, équipementier en métallurgie, s’était suicidé au début de la crise par pendaison, dans les locaux de son entreprise en faillite.

Athéna, ne supportait plus d’être prise en otage (ni payée, ni licenciée). Elle n’était pas rémunérée pour son travail depuis quinze mois. Plus de 170 plaintes ont été déposées par les salariés de l’enseigne, plaintes motivées par le non-paiement des salaires, sans résultat. Cadre... naturel de la dite “crise grecque”. Regard finalement dégagé... mais autrement.

Le cas d’Athéna, devenue définitivement et... pour tout dire (employée) pleinement invisible, demeurera manifestement ignoré des visiteurs du pays. Leur instantané vécu sur place est suffisamment divergent. Ainsi, les terrasses des cafés si fréquentées à Trikala comme ailleurs, feront même parfois douter de l’état létal d’une bonne part de l’économie comme de la société du si beau pays visité.

Extrait de l'article de Panagiotis Grigoriou paru sous le titre "Cadre naturel" sur son blog Greek Crisis

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