A la Commission européenne, le temps des copains
Par Le concierge du Musée le mardi 10 décembre 2019, 12:27 - Observatoire de l'UE - Lien permanent
Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de l’exécutif européen, vient de nommer l’un de ses très proches, Jens Flosdorff, conseiller en communication de son cabinet avec rang de directeur général adjoint, une fonction d'ordinaire remplie par le chef du Service du porte-parole de la Commission, avec simple rang de directeur.
La Commission a une apparence – une administration publique européenne au service des citoyens – et une réalité – une vaste machine à promotion des copains et des coquins. Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de l’exécutif européen, vient d’en faire une nouvelle fois la démonstration en bombardant l’un de ses très proches, Jens Flosdorff, un homme charmant au demeurant, conseiller en communication de son cabinet avec rang de directeur général adjoint (DGA) de grade AD15, soit l’une des plus hautes fonctions (il n’y a que directeur général au-dessus) et l’un des plus hauts grades (AD16 est le maximum) de la fonction publique communautaire.
C’est une véritable fonction de vice-roi que va occuper Flosdorff au sein du cabinet de Von der Leyen : ce n’est pas un hasard s’il a le même grade que le chef de cabinet, Bjoern Seibert, un autre très proche qui occupait le même poste au ministère allemand de la Défense, celui-ci ayant cependant le rang de directeur général (une pratique instaurée par José Manuel Durao Barroso pour donner au chef de cabinet l’autorité nécessaire). Flosdorff va donc émarger à environ 17 000 euros par mois… Pas mal pour un ancien journaliste du quotidien populaire Bild qui ne connaît strictement rien aux affaires européennes et n’a comme mérite que de suivre Von der Leyen depuis une quinzaine d’années dans les mêmes fonctions.
Fonction dédoublée
Non seulement c’est la première fois qu’un simple communicant est à ce point choyé, mais c’est aussi la première fois qu’un président de la Commission s’offre le luxe d’un tel conseiller. Normalement, ce rôle est tenu par le chef du Service du porte-parole (SPP) qui gère non seulement la communication du président, mais celle de tous les commissaires via une équipe de porte-parole et attachés de presse, les petites mains qui font le boulot au quotidien. Mais Von der Leyen a décidé de dédoubler la fonction entre, d’une part, le Français Eric Mamer, chef officiel du SPP, mais qui n’a rang que de directeur (certes payé AD15), et, d’autre part, Flosdorff qui le coiffe puisqu’il a rang de DGA.
Pourquoi une telle solution qui coûte cher au budget communautaire (à eux deux, ils vont toucher deux millions d’euros de salaire sur cinq ans) ? Tout simplement parce que Flosdorff ne pouvait pas occuper le poste de chef du SPP, car il ne parle pas français, une condition sine qua non, les deux langues de la salle de presse étant l’anglais et le français. Autrement dit, il n’avait pas les qualifications requises. Qu’importe donc, Ursula von der Leyen a su trouver une solution imaginative pour trouver une place à son protégé !
Mauvaises manières de Martin Selmayr
Quel sera exactement le rôle de Flosdorff, sachant que la gestion quotidienne du SPP sera assurée par Eric Mamers et son adjointe, la Roumaine Dana Spinant ? On ne voit guère, si ce n’est parler à la presse allemande, ce qu’il fait d’ailleurs très bien selon mes confrères. Mais 17 000 euros par mois, n’est-ce pas exagéré dès lors qu’il s’agit d’argent public et quand on sait qu’une partie de plus en plus grande des tâches de l’exécutif européen sont assurées par des contractuels sous-payés faute de budget suffisant ?
En réalité, ce sont les mauvaises manières instaurées par Martin Selmayr, l’ancien secrétaire général de la Commission, qui se poursuivent. Quoi d’étonnant lorsqu’on constate que la conseillère que Von der Leyen a chargée de l’administration dans son cabinet est la Bulgare Jivka Petkova, une proche de Selmayr qui l’avait imposée dans l’équipe de transition de la nouvelle présidente. En la conservant auprès d’elle, celle-ci a vite compris le parti qu’elle pourrait en tirer, comme le montre le job en or dont hérite Flosdorff.
Jean Quatremer
Article paru dans Libération sous ce titre