Le lendemain d'une triste journée... 17 morts au total. Une telle violence. Notre sympathie aux familles des victimes toujours. Rien ne peut justifier ces horreurs, encore et toujours.

Le jour d'après, il faut être digne, sage et déterminé à défendre nos principes, la valeur de la vie, la justice, l'égalité, le refus de tous les racismes, la liberté d'expression. Il nous incombe néanmoins de ne pas tomber dans le simplisme émotionnel binaire : "Vous êtes avec nous ou contre nous" que voulait nous imposer G. W. Bush sans place à la réflexion, aux questionnements et à la critique de la raison raisonnable. Le jour d'après... il faut s'imposer la lucidité.

Le jour d'avant... "la grande marche de l'unité" de Paris, il est impératif de ne pas se tromper ni de slogans ni de questions. Vivre ce rassemblement dans un élan émotif condamnant les meurtres et en le réduisant au soutien à la liberté d'expression, façon Charlie, ne sera pas un gage d'unité française ni européenne pour l'avenir. Il faut fonder l'unité autant sur des valeurs communes que sur des questionnements légitimes que nous devons appréhender ensemble.

L'unité et l'union des citoyens sont superficielles si elles ne consistent qu'à réagir, avec le coeur, à des drames (ou même à des victoires sportives). Demain tout peut recommencer, ou se fracturer gravement. L'unité dans la diversité impose que tous les êtres, femmes et hommes, de toutes les couleurs, de toutes les religions et sans religion, soient invités égalitairement - au quotidien - à s'exprimer, à être écoutés, et à partager leurs espérances, leurs interrogations, leurs doutes, leurs frustrations et leurs critiques, sur les plans national et international : la liberté d'expression d'une nation impose l'égalité d'expression de celles et ceux qui la constituent.

Il faut marcher demain et continuer à marcher après-demain pour la justice sociale, l'égalité des droits, le respect des peuples, par tous, partout et pour tous. Sous peine de se satisfaire d'avoir éliminé "les trois assassins" et de s'aveugler sur les raisons objectives qui sont à la source des violences du monde, des terreurs quotidiennes qui continueront à tuer là-bas, et ici.

Que les Présidents et Ministres marchent deux heures avec les peuples est ponctuellement beau, que les Présidents et Ministres aient le courage de vraies politiques nationales et internationales pour l'égalité, la liberté et la diversité est, dans la marche de l'Histoire, la revendication exigeante et l'espérance des justes.

La paix a un prix, elle est à ce prix. Là-bas et ici.

Tariq Ramadan (message publié sur sa page officielle facebook)

Voir aussi la planche dessinée par Joe Sacco pour The Guardian