Fondements juridiques de la suspension et de la répudiation de la dette souveraine grecque
Par Le concierge du Musée le mardi 30 juin 2015, 11:45 - Centre d'Economie du Bonheur - Lien permanent
Le chapitre final du rapport présenté le 18 juin 2015 par la Commission pour la vérité sur la dette grecque apporte à la Grèce de solides arguments juridiques pour suspendre ou répudier les dettes illégitimes, odieuses, illégales ou insoutenables.
Résumé :
Plusieurs mécanismes légaux permettent aux États, de manière unilatérale, de répudier ou suspendre le remboursement de dettes illégitimes, odieuses, illégales ou insoutenables.
Un premier ensemble de mécanismes vise la répudiation des dettes illégitimes, odieuses et illégales. Ceux-ci intègrent des éléments subjectifs, qui prennent en compte le comportement des créanciers. La répudiation unilatérale se justifie par des considérations impératives de justice et d’équité, mais trouve également ses fondements dans les notions de souveraineté et d’autodétermination. C’est le cas lorsqu’il y absence de bonne foi, conformément à l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT), qui dispose que les traités lient les parties et doivent être exécutés de bonne foi. Dans le cas grec, la mauvaise foi a consisté à asservir financièrement la Grèce et à imposer des mesures portant atteinte aux droits sociaux, économiques, civils et politiques fondamentaux du peuple grec, en violation de la législation nationale. De plus, la pression soutenue exercée sur les autorités grecques afin qu’elles contournent la Constitution et bafouent leurs obligations en matière de droits humains, tout comme l’ingérence des créanciers dans les affaires politiques et économiques du pays, constituent une forme de contrainte. Une telle contrainte est en soi un motif de nullité, aux termes de l’article 52 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. La référence faite dans ladite Convention à la « force » peut être interprétée comme comprenant des formes de contrainte économique. Il faut ensuite noter que, dans le cas présent, les déclarations des créanciers, y compris les déclarations fondées sur des suppositions, dont on savait qu’elles aboutiraient à la dégradation de l’économie grecque et des conditions de vie des Grecs, constituent une forme de contrainte unilatérale. Ces mesures sont proscrites par le droit international et sont contraires à la Charte des Nations Unies. Il est communément admis que lorsqu’un pays est la cible de mesures dont on sait qu’elles nuisent à son économie (en particulier dans l’intérêt de ses prêteurs) et aux moyens d’existence de son peuple, il peut légalement recourir à des contre-mesures. En effet, selon le droit international coutumier et les articles 49 et suivants du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite adopté par la Commission du droit international (CDI), un État lésé peut ne pas exécuter une obligation internationale autrement contraignante vis-à-vis d’un autre État si cet autre État s’est rendu responsable d’un acte internationalement illicite. La violation du droit commise par l’État lésé vise à amener l’État responsable à respecter ses obligations.
Enfin, il faut souligner le fait que le peuple grec n’a pas reçu d’avantage injuste ou tiré d’autre bénéfice de la dette accumulée, et par conséquent, la Grèce ne saurait être pas tenue de rembourser la partie du capital initial reconnu odieux, illégal ou illégitime sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
Un second ensemble de mécanismes concerne les dettes insoutenables. Contrairement aux mécanismes décrits plus haut, ils s’appliquent de manière objective, quel que soit le comportement des créanciers. Dans une telle situation, la dette ne peut pas être répudiée, mais son remboursement peut être suspendu. À cet égard, la Grèce peut légalement recourir à deux arguments qui suspendent l’obligation de rembourser. Le premier argument concerne l’état de nécessité. Conformément à l’article 25 du projet d’articles de la CDI, le terme « nécessité » renvoie aux cas exceptionnels dans lesquels le seul moyen pour un État de protéger un intérêt essentiel contre un péril grave et imminent est de suspendre, momentanément, l’exécution d’une obligation internationale dont le poids ou l’urgence est moindre. Dans le cas qui nous occupe, en raison de la crise économique et sociale en Grèce, les conditions requises pour invoquer l’état de nécessité sont remplies. Le deuxième argument est lié au droit à l’insolvabilité. Bien que les créanciers soient généralement opposés à une telle option, puisqu’elle les prive de remboursement, l’insolvabilité souveraine est une réalité des affaires internationales, reconnue à la fois en théorie et en pratique. Si un État jouit du droit de devenir insolvable, il est clair que l’insolvabilité déclarée unilatéralement est une condition qui exclut l’illicéité du non respect des obligations internationales de l’emprunteur, en l’occurrence de l’obligation de rembourser une dette.
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