Pour des pays comme la Grèce, ou le Portugal, la sortie de la zone euro devient une perspective tout à fait justifiée. Pour reprendre la maitrise de l’économie et appliquer des politiques qui répondent aux intérêts du pays, il faut être prêt à revenir à une monnaie nationale. Mais d’après moi, ce n’est valable que si cela va de pair avec la socialisation des banques, avec une réforme fiscale favorable à ceux d’en bas, avec une solution radicale à la dette. Sinon on aura une sortie de droite à la zone euro. C’est bien pourquoi une partie de l’extrême droite soutient de façon souverainiste cette sortie. Il faut l’éviter. Il faut une sortie progressiste, favorable au peuple. Pour retrouver le contrôle de sa propre monnaie, pour mener une politique monétaire favorable au marché local, notamment aux producteurs locaux, il ne faut pas avoir comme objectif de vendre à l’extérieur, mais bien de se baser sur les forces productives du pays pour répondre aux besoins de la population et ainsi diminuer les importations et donc les besoins en devises fortes.

Il faut tirer les leçons de la capitulation de 13 juillet 2015. Si l’on ne recourt pas à des mesures unilatérales d’auto-défense face aux créanciers, notamment la suspension de la dette, il est impossible d’obtenir des concessions fortes de la part des créanciers. Il faut que les forces politiques et sociales européennes comprennent qu’une négociation dans le cadre européen actuel respectant les règles dictées par la Commission européenne, la BCE, ou le FMI ne peut pas marcher. Il faut désobéir aux créanciers. Ce n’est qu’en désobéissant aux créanciers qu’on peut leur imposer de faire des concessions. Bien sûr il n’y a pas que la question de la dette. Il faut répéter qu’aujourd’hui, il existe des mesures clés d’alternatives : à côté de la suspension de la dette, il faut l’abandon des mesures d’austérité et l’adoption de lois protégeant les personnes qui ont été affectées par ces politiques d’austérité. Il faut aussi une solution du côté des banques. Il faut une socialisation du secteur bancaire. Il faut que ces banques privées passent dans le secteur public et répondent à des critères de service public pour servir les intérêts de la population. Il faut une toute autre politique fiscale. Il faut que le pourcent le plus riche, les grandes entreprises, paient réellement des impôts, et que l’on baisse les impôts sur la charge de la majorité de la population : il faut baisser les taux de TVA, il faut que l’on exonère de certains impôts ceux d’en bas en fixant un seuil de revenu. C’est donc la combinaison d’une politique qui porte sur la dette, sur les banques, sur la fiscalité, mettant fin à l’austérité et créant des emplois qui permet de mettre en place une alternative. Cette alternative est tout à fait possible. La population est prête. Elle soutient. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi 62% des grecs, alors qu’ils étaient menacés du chaos s’ils votaient NON, pourquoi, malgré ce matraquage, ce chantage, la fermeture des banques grecques, pourquoi ils ont voté contre la proposition des créanciers.

La conclusion est qu’un mouvement qui veut assumer des responsabilités gouvernementales doit être à la hauteur du soutien populaire. Il doit être prêt. Si l’on propose à la population de rejeter les propositions des créanciers, si l’on propose de réaliser un autre programme, il faut être prêt à prendre les mesures qui permettent de réaliser ce programme. Nous avons besoin des forces sociales et politiques qui sont concrètement prêtes à affronter les créanciers. Et à désobéir aux créanciers.

La leçon fondamentale à tirer est que la modération ne permet pas de trouver une solution. Il faut s’appuyer sur la population et prendre des mesures très fortes.

Lire l'intégralité de l'intervention d'Eric Toussaint parue sur le site du CADTM sous le titre "Grèce : pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible (Version texte)"