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On a assisté en Italie – comme dans les autres pays d’Europe du Sud – à une forte montée en puissance du processus de libéralisation lors de la récession de 2008. La crise financière a en effet accéléré le calendrier des réformes du marché du travail. Ces réformes devaient contribuer à rééquilibrer l’énorme dette extérieure privée accumulée avant la crise par le secteur bancaire et les entreprises. La dette privée s’est rapidement transformée en dette publique sous l’effet des sauvetages bancaires. Et la montée de la dette publique – tout comme la dramatique récession qui a frappé les pays du Sud de l’Europe – a été un argument pour justifier politiquement la nécessité de réformes censées favoriser la compétitivité, ramener la croissance et réduire les dettes.

Dans ce contexte, le Jobs act de Matteo Renzi a été le dernier chapitre des réformes. Le gouvernement de centre-droit de Renzi a mis en œuvre ce qui constituait depuis la fin des années 1990 un objectif central (et difficile à faire passer) de la droite. Avec la Loi sur l’emploi n°183/2014 (le Jobs act), le gouvernement a éliminé toute obligation pour les entreprises de réintégrer les travailleurs en cas de licenciement abusif – lorsqu’il n’y a ni faute ni motif économique avéré pour justifier le licenciement. Cette obligation a été remplacée par une indemnité monétaire minimale (égale à deux salaires par année de travail) pour les travailleurs illégalement licenciés. Ainsi, après cinq années de crise dramatique, Renzi a réussi à transformer un pilier central de la protection sociale des travailleurs italiens en quelque chose qui s’apparente à un pourboire. Un pourboire qui peut encore être réduit pour les salariés qui “acceptent” de renoncer à tout contentieux en échange d’un paiement immédiat de la somme qui leur est due.

Deux changements introduits par le Jobs act méritent qu’on s’y arrête. Le premier est l’introduction d’une nouvelle forme de contrat qui se substitue à l’ancien contrat à durée indéterminée (CDI) et est destinée à devenir la forme dominante de contrat sur le marché du travail. Ce nouveau contrat, appelé « contrat à protection croissante » (contratto a tutele crescenti), ne prévoit aucune obligation de réintégration des travailleurs en cas de licenciement abusif. Le second changement est la possibilité pour les employeurs de surveiller les salariés en recourant à différentes sortes de dispositifs électroniques. La mesure, très critiquée pour les risques d’atteinte à la vie privée et à la liberté individuelle des travailleurs qu’elle comporte, a été adoptée au nom de la nécessité “d’améliorer la productivité des travailleurs”. Ces changements participent de la redéfinition d’une norme destinée à transformer radicalement les relations capital-travail en Italie.

Un autre changement important doit être souligné. Afin de renforcer les effets de la nouvelle loi, le gouvernement Renzi a accompagné le Jobs act d’un gentil cadeau aux entreprises, sous forme d’exonérations de cotisations sociales, et pour un montant exorbitant. La loi prévoit des incitations pour les employeurs qui transforment les CDD en CDI ou embauchent en CDI, des CDI qui prennent désormais presque toujours la forme du « contrat à protection croissante » créé par le Jobs act. Sur les trois prochaines années, ces incitations engageront un montant d’environ 15 milliards d’euros, dans un contexte pourtant dominé par les coupes dans les dépenses publiques. (...)

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