La crise grecque continue et les prêteurs internationaux du pays demandent sans arrêt des réformes additionnelles telles qu’aucun gouvernement démocratique hors d’Europe ne pourrait les mettre en place. Quelquefois, leurs demandes pour plus de réformes ne sont pas accompagnées de mesures spécifiques, donnant l’impression de n’être rien de plus qu’une démonstration de brutalité sadique envers le peuple grec. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Noam Chomsky : Les conditions imposées à la Grèce par ses créanciers ont ravagé le pays. L’objectif proclamé était de réduire le poids de la dette qui a en réalité augmenté avec ces mesures. Comme l’économie a été mise en difficulté, le PIB a naturellement baissé et le taux de dettes sur PIB a augmenté malgré les coupes drastiques dans les dépenses. En théorie, la Grèce a bénéficié d’un allègement de dettes. En réalité, c’est devenu un passage grâce auquel les aides européennes remontent vers les banques du Nord qui ont fait des investissements risqués et veulent être renflouées par l’argent des contribuables européens, une caractéristique classique des institutions financières à l’ère du néolibéralisme.

Quand le gouvernement grec a suggéré de demander au peuple grec d’exprimer son avis sur son destin, les élites européennes ont été horrifiées par tant d’impudence. Comment les Grecs pouvaient-ils considérer la démocratie comme une valeur à respecter dans son pays d’origine ? Les élites européennes ont réagi d’autant plus sadiquement, imposant des mesures plus strictes afin de ruiner la Grèce, tout en faisant sans doute le maximum pour accaparer tout ce qu’elles pouvaient. La cible du sadisme n’est pas tant le peuple grec que quiconque osant imaginer que les peuples puissent avoir des droits égaux a ceux des institutions et des investisseurs. En général, les mesures d’austérité pendant les périodes de récession n’ont aucun sens économique, comme le reconnaissent eux-mêmes les économistes du FMI (mais pas ses représentants politiques). Il est difficile de considérer cela autrement que comme une guerre des classes qui cherche à découdre le tissu social et démocratique qui a été l’une des contributions majeures de l’Europe à la civilisation moderne.

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