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Mme Cécile Duflot, députée de la 6ème circonscription de Paris

Madame,

nous ne commenterons pas votre confusion entre l'Assemblée Nationale, qui est chargée de contrôler un gouvernement qui viole les biens les plus précieux de la population, avec un comité d'"éthique" : il est exact que c'est très exactement le projet de ce gouvernement, réduire votre Assemblée à une autorité morale consultative ou une chambre d'enregistrement, ce qui fut le funeste destin du Parlement grec (avec la complicité criminelle du Parlement français), pris comme un exemple par Manuel Valls sur RMC le 26 mai dernier.

Nous nous en tiendrons à l'incohérence logique que recèle votre analyse et révèlerait un défaut de la pensée, si la thèse de l'opportunisme serti d'"éthique" (et sachez que l'auteur de ces lignes est un anticlérical conséquent, c'est à dire qui sait reconnaître la "Sainte hypocrisie") n'était pas la plus probable.

Vous écrivez en effet : 1) "Encore fallait-il réunir 288 voix pour adopter la censure et faire tomber ce projet de loi, ce qui apparaissait peu probable" (au passage, il s'agit de faire tomber le gouvernement dans le cadre d'une motion de censure, et non le "projet de loi", mais comme il est évident que vous vous refusez à la première option, ce lapsus n'en est évidemment pas un). 2) "je ne pouvais me résoudre à soutenir la motion de la droite tant que demeure l'espoir et la possibilité de déposer une motion des écologistes et des gauches à l'occasion de la deuxième lecture."

Outre que prendre le risque de reculer la chute du gouvernement en juillet, pendant les vacances et après des mois de luttes desquelles le gouvernement joue l'épuisement, c'est prendre le risque de perdre (mais nous avons bien compris que vos "convictions" ne vont pas jusqu'à faire ce qu'il faut pour gagner), vous conviendrez que si les Députés de droite adoptent votre "éthique", ils ne voteront pas la motion de censure "de gauche", qui de toutes façons n'a aucune chance d'être adoptée par la majorité de 2012. Toute motion de censure sera de toutes façons votée par une majorité de droite, ce qui risque de vous poser des problèmes d'"éthique".

Après tout, ne s'agit-il pas de faire tomber le gouvernement le plus à l'extrême-droite depuis 1944 ? Et donc d'un règlement de comptes entre deux droites, également en état de fascisation avancée.

Vous avez perdu une bonne occasion de vous ranger derrière la majorité de ce pays, qui se contre-fiche de votre "éthique" et de vos "convictions" ainsi que de votre souci de respecter, en bon soldat, l'agenda d'un Parlement proche de la mort clinique (et avec lui le parlementarisme, mais sans doute comme votre ancienne camarade Cosse, pensez-vous qu'il faut "plus d'Europe" et donc moins d'"État" en attendant plus d’État du tout comme en Grèce.)

Vous avez raté l'occasion de rétablir a minima l'illusion de souveraineté déléguée au Parlement et en tous cas le Parlement lui-même.

Il est donc évident que : vous ne nous représentez pas.

Très cordialement,

Pour Le Musée de l'Europe & de l'Afrique

Le Concierge


En réponse à

Bonjour,

J'ai tardé à vous répondre et j'en suis désolée mais compte tenu du grand nombre de mails reçus et vu l'importance du sujet, j'ai tenu à répondre à chacun-e d'entre vous.

Mon opposition à la loi travail est totale depuis l'origine du projet gouvernemental, annoncé sans la moindre concertation préalable et pour lequel la menace du recours à l'article 49 alinéa 3 était déjà évoquée.

J'y suis resté opposée après concertation et modifications dès lors que le projet demeurait inacceptable, notamment du fait de l'inversion de la hiérarchie des normes ouvrant à toutes les dérives au sein de chaque branche professionnelle.

C'est ensuite encore davantage la méthode qui rencontre mon intangible opposition. Attachée aux valeurs de la gauche et aux vertus de la délibération politique et parlementaire, je ne peux tolérer qu'on ignore le peuple, la rue et une pétition historique ayant recueilli plus de 1,3 millions de signatures comme je ne peux d'avantage tolérer une méthode éliminant tout débat parlementaire et toute possibilité d’amender ce texte à l'Assemblée.

L'utilisation, par un gouvernement issu de la gauche, de l'article 49.3 de la Constitution, sur un texte portant réforme du Code du Travail, est un acte politique d'une extrême gravité.

Vous devez savoir que j'ai fait tout mon possible pour que soit déposée une motion de censure de gauche, réunissant des députés socialistes, écologistes, membres du front de gauche ou non inscrits, afin d'incarner ensemble le refus du projet de loi travail mais aussi du recours au 49.3. Si celle-ci a échouée, elle a tout de même recueillie – dans le délai imparti de 24 heures – 56 signatures, soit deux de moins que le nécessaire imposé par la Constitution.

Nombreux-ses sont celles et ceux qui m'ont sollicité, me demandant de voter la motion de censure déposée par la droite. Cela ne m'est pas apparu envisageable et ce d'abord pour des raisons d'éthique.

Il n'était pas envisageable de voter une motion de censure de droite prétendant que ce projet de loi a été dénaturé "suite à la pression d'organisations syndicales plus ou moins représentatives" et dont "la quasi-totalité des mesures positives ont été abandonnées" alors qu'ils s'agissait de mesures que nous avons, avec vous, farouchement combattues.

Il n'était pas envisageable de voter cette motion de censure dès lors qu'elle n'est pas un simple texte visant à censurer le gouvernement, mais aussi un texte d'orientation motivé, justifiant la censure par des considérations à l'opposé de celles qui sont les miennes.

Il n'était pas envisageable de voter un texte réclamant un projet de loi plus libéral, réclamant notamment l'assouplissement des licenciements économiques et taxant celui que nous combattons de ne pas aller assez loin.

Encore fallait-il réunir 288 voix pour adopter la censure et faire tomber ce projet de loi, ce qui apparaissait peu probable.

Surtout, je ne pouvais me résoudre à soutenir la motion de la droite tant que demeure l'espoir et la possibilité de déposer une motion des écologistes et des gauches à l'occasion de la deuxième lecture. Compte tenu de la fermeté du gouvernement sur ce texte et de la coloration politique du Sénat, il ne fait aucun doute que la seconde lecture à l'Assemblée nationale sera l'occasion d'une nouvelle motion de censure.

Le combat n'est pas fini. Soyez assuré que mes convictions continueront de guider mes choix et mes votes.

Bien à vous,

Cécile Duflot Députée de Paris