La République en vrac
Par Le concierge du Musée le mercredi 14 novembre 2018, 18:40 - Quatrième nuit de Walpurgis - Lien permanent
S’il y a bien une chose que nous apprend l’appel au blocage du 17 novembre, c’est que les fractures sociales évoquées depuis plus de 20 ans par les politiques de tous bords sont à présent bien consommées. La question n’est pas tant de savoir ce qu’il faut faire ce samedi-là que de découvrir ce que cela fait ressortir comme fantasmes et représentations sociales de part et d’autre, des failles à présent béantes qui ont atomisé notre tissu social et qui nous empêchent à présent totalement de faire société.
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Ce qui est frappant, ce sont les réactions à cette histoire et la profonde division de notre société qu’elles révèlent.
D’un côté, il y a ceux qui assument d’autant mieux l’augmentation du prix des carburants et le discours pseudo-écolo qui va avec qu’ils ne sont pas concernés. Parce que dès que l’on creuse un peu, on découvre que l’écrasante majorité des pourfendeurs du mouvement sont des urbains, c’est-à-dire des personnes qui ont plutôt intérêt à se passer de véhicule personnel, ce qui est d’autant plus aisé pour eux qu’ils bénéficient de l’intermodalité des transports en commun. Mais surtout, il devient assez vite évident que derrière les critiques d’un manque de conscience écologique ou d’une absence de sens des priorités dans les contestations, se cache un classisme assez peu reluisant qui consiste grossièrement à considérer comme complètement cons, primaires et risibles tous ceux qui ne partagent pas le même mode de vie, les mêmes idées, la même conception du monde : "Ceux qui ne sont pas comme moi sont juste de gros beaufs !"
De l’autre côté, on a la population des périphéries, ceux qui sont rejetés toujours plus loin des commodités et des boulots qualifiés par la spéculation immobilière et un ordre social de plus en plus inégalitaire et brutal, que l’on estime comme dispensables, surnuméraires, que l’on assigne aux jobs de larbins, de nouvelles domesticités au service du bienêtre et du confort des premiers de cordée.
Deux mondes qui ne se parlent plus, ne se voient plus, ne se comprennent plus et se détestent de plus en plus fermement. Deux mondes qui sont pourtant embarqués sur le même bateau qui coule, même si tout le monde n’a pas le cul qui trempe à la même vitesse.
Extrait de l'article d'Agnès Maillard paru sous ce titre sur son blog Le Monolecte