La semaine a été longue pour le peuple suédois. Il est vrai qu’il est normal que le chagrin fasse trouver le temps long. Mais, en comparaison du chagrin organisé, le chagrin spontané va vite en besogne. La semaine qui vient de s’écouler a été riche en enseignements dans la mesure où, pour la première fois, elle nous a permis de constater dans notre propre pays quelles forces effroyables se déchaînent lorsque, dans une société moderne, tous les moyens d’information sont mis en même temps au service d’une seule et unique fin : organiser le chagrin, construire un mythe.

Ce que nous venons de vivre n’est rien de moins que le spectacle d’une dictature à l’œuvre. Certes, il s’est agi au premier chef du côté journalistique de la dictature, mais cela a été bien suffisant. Cela a même été plus que suffisant. Pour un démocrate, le spectacle d’une démocratie qui se nie elle-même sur un point capital est certainement plus pénible que le deuil national en lui-même. Il est en toutes circonstances inadmissible d’ériger le conformisme en système, mais cela l’est particulièrement quand il s’agit des convenances. Même lors du décès d’un souverain, il existe un respect qui prime le recueillement : c’est celui de la démocratie.

Stieg Dagerman, La Dictature du chagrin

Rédigé à l’occasion du deuil national qui suivit la mort du roi Gustave V, publié le 4 novembre 1950 comme éditorial du journal Arbetaren.

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