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Alors, la loi travail n’est qu’une étape parmi d’autres dans ce processus. Mais, pour le moment, tout ne se passe pas comme prévu et c’est très enthousiasmant. Le contexte d’une forte mobilisation n’était pourtant pas favorable entre état d’urgence, appel à l’union nationale et gauche au pouvoir disposant de ses habituels relais pour maintenir un semblant de paix sociale. On pourrait même dire que c’est original un mouvement contre une réforme liée au travail avec le Parti Socialiste aux affaires. Nous, ça fait longtemps qu’on y croit pas mais au moins maintenant les choses sont claires pour tout le monde. Finie la croyance dans l’alternance qui devait enfin défendre les aspirations des travailleurs, chômeurs et précaires. Plus question d’esprit de responsabilité aux prochaines élections : la gauche au pouvoir depuis 35 ans n’a fait que poursuivre une gestion capitaliste, raciste et autoritaire de l’Etat français.

L’autre chose, c’est que même si elles n’ont bien sûr pas disparues, ce mouvement arrive dans une période de décomposition des organisations politiques traditionnelles. Et ça fait du bien de se débarasser un peu de la puissance des bureaucraties syndicales et politiques, de leurs manoeuvres pour tout encadrer et récupérer la contestation, de leurs chefs providentiels et de leurs services d’ordre qui n’hésitent pas à donner du coup de poing en manif si on ne suit pas leurs ordres.

L’enjeu est d’éviter que cette désagrégation ne débouche sur davantage d’isolement et d’individualisme dans les luttes. Les changements que nous pourrons obtenir ne viendront que d’un rapport de force avec le pouvoir. Ce qui ne découle pas de l’addition d’individus mais de notre capacité à s’organiser collectivement. Avoir des lieux publics, ouverts, où se réunir, se rencontrer, s’organiser et même s’embrouiller est l’une des premières nécessités d’un mouvement. Face aux fermetures administratives des universités et aux difficultés de tenir un lieu grand et accessible à Paris, l’occupation de la Place de la République apparaît de fait comme une réponse à cette nécessité. Evidemment hétéroclite, confuse et chaotique, il n’en demeure pas moins que cette initiative réunit des milliers de personnes chaque jour et tient en dépit des opérations de police (et de la pluie).

Espérons juste que cette occupation ne centralisera pas toutes les énergies et que d’autres initiatives participeront à la dynamique du mouvement. Espérons surtout que cette occupation ne s’enfermera pas dans une idéologie qui, en se prétendant en permanence citoyenne et démocrate, annihile de fait toute analyse de la conflictualité sociale et toute possibilité de s’organiser concrètement. Voter frénétiquement en AG toutes les propositions (le plus souvent sans réalisation effective derrière) ne garantit en rien l’implication du plus grand nombre et la transparence de la décision. Cela avalise bien davantage un rapport individuel et abstrait à la lutte : tu peux voter pour les cahiers de doléances à la sortie du métro, contre le déménagement de la cantine, t’abstenir sur le vandalisme sans jamais ni t’impliquer ni t’organiser collectivement.

Le risque également de cette idéologie citoyenno-démocrate est une dépolitisation, une simplification à l’extrême et un déni de la conflictualité sociale derrière des slogans comme « les 99 % face au 1 % » ou « la police avec nous ». La police tue dans les quartiers, tabasse en manifs, mutile à coup de flashballs. Ils sont et seront toujours du côté de l’Etat et des dominants. Alors, non, nous ne construirons rien avec eux. Pour nous, la lutte des classes n’a pas disparu avec le déclin de la société industrielle. Ce système capitaliste continue plus que jamais de profiter à une classe dominante qui ne cèdera que sous la pression d’un rapport de force et pas d’un bulletin de vote ni de 80 000 smiley sur Périscope. (souligé par le Concierge)

Alors, essayons de profiter du joyeux bordel pour être moins isolés, se retrouver dans une assemblée générale, une occupation d’un Subway, un blocage d’un magasin H&M, un saccage de boîte d’interim, une manifestation sauvage... Et la liste est encore bien longue !

LES PATRONS ET LE GOUVERNEMENT NE COMPRENNENT QU’UN LANGAGE : GREVE, BLOCAGE, SABOTAGE !

Des exploité-e-s pas si atomisé-e-s

Dédicace à tous les chômeuses et chômeurs, précaires, rsastes, autoexploité-e-s, ouvriers et ouvrières de la société de services

Paris-banlieue, avril 2016

Lire l'intégralité du texte paru sous le titre Le travail ne fera pas sa loi sur CIP-IDF